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joseph samaha — plus que deux ambassadeurs...et moins qu'un bremer

Plus que deux ambassadeurs...

et moins qu'un Bremer



 
750 colis arrivent à l'aéroport international Rafik al-Hariri. Les colis sont
réclamés par l'ambassade américaine. Selon la déclaration aux douanes, il est
supposé que les colis contiennent des "appareils électriques". Mais le hasard
fait qu'on découvre qu'il en est autrement. Al-Akhbar publie la nouvelle,
confirmée par des documents.

L'ambassade américaine se met très en colère, puis est contrainte d'avouer.
L'histoire aurait pu finir ainsi, avec les réponses des concernés aux questions
soulevées : pourquoi l'erreur ? Qui est responsable ? A qui appartiennent les
colis ? Comment l'autorisation de sortie a-t-elle pu être obtenue ? Pourquoi se
répéte la contradiction entre les déclarations de l'ambassade et les
renseignements officiels sur les importations? Quel est le rôle du ministère des
affaires étrangères ? etc..

L'histoire aurait pu se terminer si le mode de réponse de l'ambassade ne traduit
pas de toute évidence l'attitude américaine envers le Liban. Le communiqué
commence par l'expression suivante : "Puisque les Etats-Unis ont promis un
milliard de dollars pour aider le Liban démocratique..." et se termine par :
"les Etats-Unis sont fiers d'aider le gouvernement libanais à assurer la
sécurité et la tranquillité du peuple libanais grâce à cette aide".

L'introduction est inspirée du "discours colonial" tranditionnel et la
conclusion précise que "la sécurité et la tranquillité du peuple libanais" n'a
rien à voir avec la demande du "président démocratique" Fouad Sanioura aux
Etats-unis de cesser de fournir à Israël des bombes à fragmentation qui ont faut
de la terre du sud un champ de mort.

Nous pouvons ajouter que "le soutien au Liban démocratique" signifie, entre
autres, le soutien à la liberté de publication, même si cela conduit à mettre
l'ambassade "qui soutient" en question. Mais nous savons, et l'ambassade le
sait, que le soutien n'a rien à voir avec la démocratie, mais il s'agit plutôt
d'acheter une allégeance politique.

C'est un "achat" qui a réussi ,jusqu'à présent, à rendre la critique de
l'administration américaine et de sa politique au Liban, moins virulente qu'elle
ne l'est aux Etats-Unis eux-mêmes.

Nous pouvons parier, avec la certitude de gagner, que l'ambassade américaine
dans plusieurs pays, n'aurait pas osé publier un pareil communiqué s'il n'avait
considéré que le pays en question est "une république bananière", ou en voie de
le devenir. Il suffit d'observer les déplacements des deux ambassadeurs,
américain et français, Ferltman et Aymé, pour comprendre que quelque chose se
passe au Liban.

La tutelle a changé de direction, et les moyens sont devenus "plus modernes et
contemporains", la main de la tutelle est la même sous le gant : il était de
fer, il est devenu de velours, c'est une "évolution", bien sûr, mais n'est pas
du goût de nombreux Libanais et n'est pas du genre à permettre de chanter la
liberté, la souveraineté et l'indépendance.

Les deux ambassadeurs jouissent d'une particularité refusée aux ambassadeurs des
autres pays. Ce sont des ambassadeurs qui se retrouvent sur beaucoup de points
concernant le Liban, mais s'ils abordent des dossiers régionaux, ils réaliseront
qu'ils sont en contradiction. Aymé, par exemple, est contraint de répéter la
position de son pays sur la nécessité de retrait de l'Irak. Quant à Feltman, il
défend le nouveau plan Bush. Aymé bredouille lorsqu'il s'agit d'expliquer les
phrases de Chirac à propos du dossier nucléaire iranien, alors que Feltman se
moque de la légèreté française avant d'entourer la position de Washington d'une
certaine "brume constructive". Même sur le dossier palestinien, ils peuvent
vivre malgré certaines divergences, mais ils peuvent conclure toute rencontre
par la bonne humeur rien qu'en abordant la question qui les concerne directement
: le Liban.

Il ne leur reste plus qu'à se répartir les rôles, à échanger ceux de "mauvais
gendarme et du bon gendarme", à mettre les plans de la prochaine phase, et se
plaindre l'un à l'autre des difficultés engendrées par les alliés, leurs visions
étroites, leur égoïsme et leur incapacité à s'élever au niveau de la stratégie
réclamée.

Le déroulement des événements au Liban exige que les deux ambassadeurs restent
sous les projecteurs. Le "besoin" d'eux est urgent pour diriger les opérations
quotidiennes. L'un s'appuie sur l'expérience des ambassadeurs dans plusieurs
pays africains et l'autre sur les souvenirs diplomatiques de son pays dans
plusieurs pays d'Amérique Latine, et les deux s'étonnent, probablement, de cette
approbation de certains Libanais à faire appel à la tutelle, à s'y satisfaire et
à se complaire de sa sagesse.

Très loin du Liban, dans le pays de l'ambassadeur Feltman, Paul Bremer, l'ancien
césar de l'Irak, est soumis à une dure remise en cause, une remise en cause liée
à la corruption, à la dilapidation, à la mauvaise administration, au financement
de la révolte (par erreur) au cours de son mandat sur Baghdad. Là bas, Bremer
n'a pas reçu des "appareils électriques" à l'aéroport, mais pas moins de 363
tonnes de monnaies en papier, et là-bas, l'homme a dilapidé des milliards de
dollars de l'argent irakien et américain, sans aucun contrôle. Le voilà
actuellement, après des jours de gloire couronnés par la remise par Bush d'une
métaille distinguée, le voilà soumis à une humiliation, reconnaissant son échec
d'empêcher le démantèlement du pays, son échec d'extirper le baath, et surtout
son échec concernant l'armée irakienne...

Personne ne nous dira combien ces erreurs ont coûté en désastres humains. Rien
ne compense la destruction causée par ce "dirigeant, exécutant, surveillant,
celui qui a rassemblé tous les pouvoirs". Il poursuivra sa vie profitant du
livre qu'il écrira sur l'Irak. Il fera des conférences ayant pour titre :
"comment peut-on être responsable de la mort d'un demi-million d'humains". La
leçon à tirer de son expérience, cependant, est de donner la priorité à ce que
son acte ne se répète pas ailleurs, dans un lieu proche, au Liban par exemple.

La politique américano-française envers le Liban n'est pas éloignée de ce qui a
conduit l'Irak à ce qu'il est devenu. Nous le disons tout en sachant qu'il y a
des différences entre Paris et Washington. Nous le disons, aussi, tout en
sachant qu'il y a des différences entre Aymé et Feltman, d'une part et Bremer de
l'autre. Mais nous savons que Aymé et Feltman sont plus que deux ambassadeurs et
moins qu'un Bremer. Nous craignons que le coeur de chacun d'eux renferme un
"petit Bremer" qui attend son occasion, ou qui attend de trouver un
environnement propice pour ce développement. Ce que nous craignons est
précisément ce que souhaitent d'autres Libanais.


Joseph Samaha,

al-Akhbar, vendredi 9 février
 

Traduit par Centre d'Information sur la Résistance en Palestine



13/02/2007
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