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la base américaine de Bondsteel au kosovo

 Notre petit Guantánamo

La prison est sous les ordres de la «troupe protectrice» Kfor, qui, par périodes, a été commandée par des généraux allemands.

Est-ce que des terroristes présumés ont été déportés et maltraités par les Services secrets américains avec l'aide des alliés de l'OTAN dans des centres d'interrogatoires illégaux? Ces derniers temps, il est devenu plus difficile de considérer cette question comme taboue. Le 10 janvier, le Conseil de l'Europe a demandé à la troupe du Kosovo (Kfor), qui est sous les ordres de l'OTAN, de permettre aux membres du Comité contre la torture d'avoir immédiatement accès à «toutes les prisons» du Kosovo. Ce comité a le droit d'inspecter partout les prisons de tous les pays du Conseil de l'Europe, a déclaré Terry Davis, Secrétaire général de cette organisation de coopération. Un représentant de haut rang de l'alliance militaire a répliqué que l'OTAN n'avait rien à cacher et coopérerait avec le Conseil de l'Europe.

Selon ses propres indications, la Kfor a une prison sur la base américaine de Camp Bondsteel. Son périmètre de 90 sur 120 mètres, qui comporte plusieurs baraquements, est entouré de barbelés et protégé par un mirador. D'après l'armée américaine, la prison est administrée par des policiers militaires qui sont «parfaitement formés» pour diriger une prison.

«Zone de non-droit»

Le débat sur Camp Bondsteel a été lancé début décembre 2005 par Alvaro Gil Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dans le contexte de l'affaire des prisons secrètes de la CIA et de la torture. Dans son rapport sur une inspection de la base datant de septembre 2002, il écrivait: «Et là j'ai vu effectivement des prisonniers dans des conditions qui ressemblaient beaucoup à celles qu'on connaissait par les photos de Guantánamo.» Au moment de sa visite, il y avait 15 prisonniers. «La plupart des prisonniers étaient des Albanais du Kosovo et des Serbes et quatre ou cinq Africains du Nord. Il y avait quelques barbus. Certains lisaient le Coran.» Ces hommes ont été incarcérés «en dehors de toute procédure judiciaire normale. Il n'y avait pas d'instance d'appel. Il n'y avait même pas d'instructions exactes sur la durée de leur détention.» En 2002, Amnesty International avait déjà documenté trois cas dans lesquels des terroristes présumés «avaient subi des mauvais traitements: isolement cellulaire et privation de sommeil» à Camp Bondsteel.

Après sa visite de 2002 et un rapport, ces conditions de détention avaient été supprimées, a indiqué Robles sans faire d'autres déclarations. En revanche, le médiateur de l'ONU au Kosovo, Marek Nowicki, estimait qu'en décembre 2005, il existait encore de ces situations «de non-droit». Il est sûr que la prison a été en service «jusqu'en mars 2004, voire peut-être jusqu'à aujourd'hui». Officiellement, elle n'existe plus, mais comme cela ne peut pas être vérifié par un comité indépendant, un soupçon subsiste, a dit Nowicki. «En réalité, nous n'avons aucune idée de ce qui se passe là-bas.»

Barbara Lochbihler, Secrétaire générale de la section allemande d'Amnesty International, était du même avis en décembre 2005: «Nous nous sommes adressés à l'OTAN et nous avons demandé qu'on envoie des inspecteurs de l'ONU. L'OTAN a refusé.» L'armée américaine, en revanche, a signalé que la prison de Camp Bondsteel était contrôlée «régulièrement» par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et que personne n'y était détenu «en ce moment». La même dépêche d'agence du 9 décembre 2005 mentionne toutefois le souhait de Florian Westphal, porte-parole du CICR, que son organisation obtienne «des informations sur les personnes et l'accès à leurs cellules» – personnes qui, pour l'armée américaine, n'existent pas.

Outre les incarcérations illégales, il y a à Camp Bondsteel également des torpillages illégaux d'incarcérations. En septembre 2000, le commandant de l'UÇK Ramush Haradinaj a été évacué par avion vers Camp Bondsteel après une fusillade avec des chefs albanais rivaux avant l'intervention de la police de l'ONU. Ramush, qui est pour l'Observer de Londres «l'homme le plus important des forces armées et des services secrets américains» au Kosovo, a pu échapper à une procédure judiciaire et a même pu, avec la protection des Américains, devenir temporairement Premier ministre du Kosovo en décembre 2004.

La responsabilité allemande

L'explication de l'armée américaine selon laquelle la prison de Camp Bondsteel est sous les ordres de la Kfor et non du Pentagone ou de la CIA, n'est contestée par personne. Aussi, lors de son inspection en 2002, Robles a-t-il été accompagné par le Français Marcel Valentin, ancien commandant en chef de la Kfor. Mais la Bundeswehr a également commandé la troupe internationale pendant deux longues périodes: d'octobre 1999 à avril 2000 (général Klaus Reihnhardt), d'octobre 2003 à août 2004 (général Holger Kammerhoff). Une commission d'enquête du Parlement allemand devrait les convoquer pour les interroger sur ce qu'ils savent des conditions en question et sur leur responsabilité.        

Jürgen Elsässer

 

Horizons et débats, numéro 37, juin 2006

source:

http://www.horizons-et-debats.ch/37/37_14.htm

 



28/12/2006
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