30 décembre 2006 — saddam hussein assassiné (II)
• Malheur aux vaincus
On nous l'avait montrée comme une pendaison sobre, réglée : la vidéo distribuée par le gouvernement irakien était muette.
Mais ensuite est arrivée la bande sonore dans laquelle les gardes et les spectateurs qui n'arrêtent pas de se foutre de Saddam Hussein; comme des ultras de stade, ils lui crient le nom de Moqtada al-Sadr, ennemi implacable du dictateur; lui hurlent « Va en enfer ! »; lui entonnent une prière chiite, à lui qui est sunnite; jusqu'à ce que, juste avant que ne s'ouvre la trappe, Saddam Hussein dise : « Les vrais hommes ne se conduisent pas comme ça ».
L'exécution se révèle donc comme ce qu'elle était, une vengeance, vile, en plus, abjecte. Les médias anglo-saxons sont maintenant « scandalisés » : ils auraient voulu une exécution aseptisée. Aux USA, sévit toujours l'idée que la peine de mort puisse être prescrite comme dans une salle d'opération, par le gaz, par l'électricité, par une injection, tout moyen pourvu que ça ne rappelle pas le sang. On se retrouve au contraire avec un assassinat de gangsters de rue qui arrivent finalement à mettre la main sur le boss enfin désarmé du gang rival. Et maintenant donc les puritains s'indignent. La BBC est « choquée ». Le New York Times a la nausée. L'hypocrisie n'a pas de limite : la faute de l'opprobre retombe naturellement entièrement sur le premier ministre Nuri Al Maliki. Les américains, eux, avaient essayé de tuer Saddam selon le protocole, mais ces barbares ont tout fait rater. Au malaise dégoûté des médias contribue aussi le nouveau seuil franchi par les pertes étasuniennes en Irak, qui ont maintenant dépassé le mur des 3.000 morts. C'est extraordinaire comme tout d'un coup certains chiffres deviennent des seuils. Personne dans les médias étasuniens n'avait pipé mot quand ils avaient dépassé les 1.000 morts, tout comme ils étaient aussi restés assez discrets pour les 2.000. Maintenant, tout d'un coup, la côte 3.000 devient une « pierre angulaire », comme l'est la mort de Saddam Hussein, selon Georges Bush le jeune. On ne voit pas encore très clairement pourquoi à partir de l'été dernier le système des médias s'est réveillé tout d'un coup, après des années de silence obséquieux, pour ne pas dire d'omertà, envers Bush. Les médias découvrent maintenant que la guerre est une affaire sale, que le sang se mêle toujours à la merde, comme dans la pendaison dégoûtante de Saddam Hussein.
C'est dans ce contexte qu'un conseiller de Al Maliki a rabroué Romano Prodi, seul gouvernant européen à avoir exprimé son désaccord avec un peu plus que l'embarras maugréant des autres capitales. Le conseiller irakien a dit : « Que Prodi s'occupe de Mussolini, nous nous occupons, nous, de Saddam Hussein; en concluant par une perle : « A la fin de la seconde guerre mondiale, Mussolini a été jugé en une minute seulement. Le juge lui a demandé son nom et, à la réponse "Benito Mussolini", il lui a dit : le tribunal vous condamne à mort, et la sentence a été exécutée sur le champ ».
Pas mal, comme imagination : il n'y a eu ni procès, ni juge, ni condamnation, Mussolini a été fusillé en même temps que sa maîtresse Claretta Petacci, à côté de Come, le 28 avril 1945, par des partisans qui les avaient capturés alors qu'ils essayaient de s'enfuir d'Italie. Ce fut un geste préjudiciable, mais totalement différent d'un procès farce qui s'est conclu en une exécution obscène. Il ressemble plus à la mort des deux fils de Saddam Hussein, Udai et Qusai, tués en juillet 2003 par des soldats étasuniens. La guerre c'est tuer l'ennemi, pas condamner le vaincu rien que parce qu'il a perdu. Il serait plus honnête de dire : « Malheur aux vaincus ».
Marco D'Eramo
2 janvier 2007
Il manifesto
Editorial de mardi 2 janvier 2007 de il manifesto
http://www.ilmanife
Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio
http://www.stopusa.
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Irak : Enquête sur la vidéo de la pendaison de Saddam Hussein, et au-delà qui est responsable de quoi ?
Mercredi 3 janvier 2006.
1) Comment se présente l'affaire ?
Les autorités irakiennes ont ordonné l'ouverture d'une enquête pour découvrir l'identité de l'auteur d'une vidéo pirate de la pendaison de Saddam Hussein.
"Une enquête a été ouverte pour déterminer qui a filmé, avec son téléphone portable, la vidéo de l'exécution" de l'ancien président irakien, a indiqué une source proche du Premier ministre Nouri al-Maliki.
Les autorités veulent connaître également le nom de celui ou de ceux qui sont responsables de la diffusion de ces images sur internet.
Condamné à mort le 5 novembre 2006 pour "crime contre l'humanité", l'ex-dictateur a été pendu samedi à l'aube par les autorités irakiennes dans une caserne des renseignements militaires de Khadamiyah, quartier nord et majoritairement chiite de Bagdad.
Quelques heures après l'exécution, la télévision publique Iraqia avait diffusé une séquence sans bande sonore d'une vingtaine de secondes -tournée par une équipe autorisée- montrant les derniers instants de Saddam, avant la pendaison elle-même.
Une vidéo pirate mais complète de l'exécution avait été diffusée le lendemain sur internet. De médiocre qualité, ces images révèlent que certains témoins scandaient le nom du chef radical chiite Moqtada Sadr peu avant la mort de Saddam. Elle semble avoir été tournée avec des téléphones portables.
2) Les chiites, le gouvernement irakien et l'Iran désignés comme « responsables » pour « blanchir » les Etats-Unis ?
C'est peu de dire que cette video a été un choc pour tous ceux qui l'on vue. Saddam Hussein y apparaît digne, calme et ce sont les bourreaux cagoulés qui paraissent des gangsters remplissant un contrat, pour qui et au profit de qui ?
L'Iran, et les chiites Irakiens qui sont ses alliés sont les grands perdants de l'affaire, non seulement parce que Saddam appelant à l'unité de son peuple les a désigné avant de mourir comme des gens dangereux mais parce qu'ils portent ou on tente de leur faire porter le poids de ce qui est un assassinat. Tout dans cette video contribuait d'ailleurs à renforcer ce sentiment non d'une exécution légale mais d'un assassinat par des spadassins.
Plusieurs d'entre eux ont invectivé le supplicié à ses derniers instants, alors que des cris de vengeance ont retenti immédiatement après sa mort. L'enquête ordonnée par le gouvernement doit également déterminer l'identité des auteurs de ces cris.
Interrogé par l'AFP, un porte-parole de Moqtada Sadr, Nassar al-Roubaïe, a qualifié de "réaction personnelle" d'un des témoins l'invocation du nom de "Moqtada" lors de l'exécution.
Dans cette affaire, les chiites et l'Iran qui est le seul pays avec les Etats-Unis et Israël a s'être félicité de cette exécution a perdu beaucoup du crédit accumulé auprès des masses arabes et musulmanes ces derniers temps. Peut-être était-ce là l'effet recherché, comme d'ailleurs les Etats-Unis tentent de s'employer à faire retomber sur le gouvernement irakien chiite le poids d'une telle exécution à cette date symbolique.
Le gouvernement des Etats-Unis qui a pourtant contrôlé de A jusqu'à Z le processus ne serait-ce que parce qu'il détenait Saddam Hussein et que c'est lui qui l'a livré à ses bourreaux qui n'ont aucune indépendance par rapport à la puissance occupante, a tout fait pour jouer les Ponce Pilate, nous offrant même un communiqué inhabituel sur les heures tranquilles du président Bush. S'agissait-il de faire accroire à la fiction d'un Irak indépendant et « démocratique » ou d'exaspérer les conflits entre sunnites et chiites, ou enfin cela prévoit-il des renversements d'alliance, un futur orienté vers l'abaissement des Chiites que l'invasion, le conflit du Liban ont fait gagner en puissance et avec eux l'Iran ? Probablement les trois à la fois...
"Nous avons tous été surpris. C'était un acte terrible", a expliqué à la BCC un conseiller du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, Sami al-Askari, qui assistait à la pendaison. "Nous souhaitions tout faire en accord avec la loi. Et puis à la dernière minute, l'un des gardes a commencé à crier ces mauvaises choses", a déclaré M. Askari. "C'était l'un des gardes masqués. Tous les témoins dans l'assistance ont été choqués", a-t-il accusé.
Selon le procureur général Mounqeth al-Faroun, également présent à la pendaison, seuls deux témoins disposaient de téléphone portable parmi la vingtaine de personnes présentes. "Tous deux étaient des hauts responsables du gouvernement", a-t-il souligné sur la chaîne al-Jazira refusant cependant de les nommer.
De son côté, le président Jalal Talabani a affirmé mardi qu'il s'était "tenu à l'écart" de l'exécution, assurant qu'il "ne savait pas à l'avance" la date de la pendaison de l'ex-dictateur.
Très embarrassante pour le Premier ministre Maliki et la coalition chiite au pouvoir, ces images ont encore accru l'indignation au sein de la communauté sunnite irakienne et du monde arabe, alors que des milliers d'Irakiens continuaient mardi à venir rendre hommage à l'ancien président dans son bastion de Tikrit (180 km au nord de Bagdad) et dans son village natal d'Aouja, où repose sa dépouille. Des délégations venues des principales régions sunnites du pays, Anbar, Diyala, Mossoul, ont continué d'arriver sur place.
Dans un communiqué sur internet, Ezzat Ibrahim, l'ex-numéro deux de Saddam Hussein, toujours en fuite, a appelé tous les groupes jihadistes à former un "front" commun de "résistance" pour "libérer" l'Irak, en rendant un vibrant hommage posthume au président déchu.
3) Les troupes nord-américaines et étrangères doivent quitter le sol irakien.
Il est clair que les trois objectifs : premièrement faire assumer comme une « étape de la démocratie » d'un Irak indépendant l'exécution de l'ancien dictateur, deuxièmement accroître les divisions internes confessionnelles de l'Irak, empêcher son unité nationale, enfin troisièmement faire porter le poids de l'assassinat du président légitime de l'Irak le jour de la plus grande fête musulmane, celle de la clémence, sur la communauté chiite et sur l'Iran, ont été remplis avec des fortunes diverses.
Il n'est guère que l'opération d'isolement de l'Iran et des chiites irakiens qui semble momentanément avoir marqué des points grâce il faut bien le reconnaître à la maladresse politique dont ils ont témoigné dans cette affaire, en privilégiant le désir de vengeance sur la simple justice et l'autodetermination du peuple irakien. En effet se féliciter de la mort de Saddam Hussein alors qu'il emportera probablement dans sa tombe les complicités nouées avec la CIA dans la répression des Chiites irakiens comme communistes, dans la guerre Iran-Irak, c'est vraiment se montrer aussi irresponsables que les bourreaux de la vidéo-pirate. Ni le Hezzbolah, ni le Hamas ne les ont suivi, sans parler du monde musulman où la condamnation a été unanime de la part des populations, de l'homme de la rue. Les dirigeants arabes qu'ils soient chiites ou sunnites qui se sont tus devant cet assassinat politique ont été sévérement condamnés par cette même opinion publique, ce qui relativise l'isolement de l'Iran.
Si Bush par cette execution a cru pouvoir y compris faire face à l'opinion publique nord-américaine qui réclame de plus en plus le retrait de l'Irak, dans le même temps où il tente d'isoler l'Iran, de diviser le monde musulman, il est clair que cette opération se retourne une fois de plus contre lui.
Car le fond d'un tel événement, celui sur lequel toutes les forces progressistes doivent tabler, est que l'occupation nord-américaine et ses alliés britanniques se justifie moins que jamais, il n'y aura aucun gouvernement légitime en Irak tant qu'il subsistera un seul soldat étranger. L'Irak paraît moins que jamais indépendant et il ne le sera qu'avec le départ des troupes nord-américaines. Cette occupation illégale entretient les divisions confessionnelles, les attise, les crée et le seul gouvernement légitime sera celui qui sera capable de recréer l'unité nationale de l'Irak, son indépendance, la véritable étape démocratique ici comme ailleurs passe par le respect de la souveraineté de l'Irak.
Danielle Bleitrach, sociologue.
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Le Venezuela exige que Bush soit traduit en justice
Le Venezuela a exigé mercredi que George W. Bush et d'autres responsables de son administration soient traduits en justice, comme a pu l'être Saddam Hussein, pour les crimes présumés dont ils sont indirectement responsables en Irak.
Réagissant officiellement pour la première fois à la pendaison de Saddam Hussein, le ministère vénézuélien des Affaires étrangères a condamné l'exécution de l'ex-raïs, dénonçant "un crime politique résultat d'une occupation étrangère illégitime".
Dans un communiqué, le ministère explique que, si Saddam Hussein a été condamné pour sa responsabilité dans la mort de 148 chiites à Doujaïl en 1982, l'invasion de l'Irak par l'administration Bush a causé la mort milliers d'Irakiens et de soldats américains.
"Un jour, les responsables devront répondre devant la justice internationale de ces milliers de meurtres et de ces graves violations des droits de l'Homme", affirme le ministère vénézuélien.
Il estime également que l'exécution de Saddam Hussein est le résultat d'un "procès truqué mené par des tribunaux imposés par les troupes d'invasion et dirigés par l'armée des Etats-Unis".
Le président vénézuélien Hugo Chavez, adversaire déclaré de l'administration Bush, avait été en 2000 le premier chef d'Etat à se rendre en visite officielle en Irak depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991.
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Chronique de la mort annoncée de Saddam
Au début du procès de Saddam Hussein une (étrange !) explosion a été entendue à Bagdad. Pour les journalistes étrangers qui n'étaient pas au courant de l'histoire de l'Irak, l'événement ne présentait aucune différence avec toutes les autres explosions qu'ils entendaient dans cette période post-occupation. La cible de l'explosion était une belle sculpture de Abou Jafar Al-Mansour ; le Calife Abbasside, qui construisit Bagdad en 762 et lui donna le nom de Dar Al-Salam, signifiant « La maison de la paix ». « L'exécution » de la sculpture de Abou Jafar Al-Mansour a été interprétée par quelques politiciens irakiens comme une tentative de « dés-arabiser » l'Irak.
Dhafer Al-Ani, un politicien irakien, jette la lumière sur une perspective plus large de cette destruction, en déclarant « Ils éliminent chaque site historique Musulman Arabe, mais les sites qui représentent l'occupation étrangère à travers l'histoire sont bien entretenus », et il rajoute, « c'est comme le cas de Taw Kisra, le palais des empereurs persans qui ont régné sur l'Irak entre le troisième et le sixième siècle. »
Pour comprendre les conséquences de l'argument d'Al-Ani par rapport à la scène culturelle et politique irakienne actuelle, la première étape est de trouver un possible lien entre « l'exécution » de la sculpture de Abou Jafar Al-Mansour et la littérature politique de ceux qui ont envahi et ont aidé à l'invasion de l'Irak. L'administration US a dit qu'elle avait envahi l'Irak pour deux raisons : les capacités atomiques de l'Irak et son lien avec Al-Qaeda, ni l'une ni l'autre [de ces raisons] n'ayant été démontrée.
L'opposition irakienne antérieure, qui dirige actuellement le gouvernement irakien, se trouve être contre le régime pan-Arabe de Bagdad et elle s'est alliée politiquement avec les USA -- un pays qui a de longs antécédents de soutien aux régimes oppresseurs arabes et à l'occupation israélienne n'a pas besoin de plus d'explication. Et au point de vue idéologique, l'ancienne opposition irakienne qui dirige le gouvernement actuel s'est alliée avec le régime iranien, un état qui a un dossier honteux en ce qui concerne la démocratie.
Dès le début de cette invasion les USA ont vu l'Irak comme une nation composée de divers sectes et groupes ethniques : les Sunnite, les Chiites et les Kurdes. Ils ne voient pas l'Irak en tant que nation des irakiens. Cette politique était adoptée par les irakiens pro-US et pro-Iran avant même l'arrivée de la véritable invasion. Aux conférences de Londres et de Salahuddin, dans la période avant l'occupation, l'opposition irakienne cherchait à diviser l'Irak en trois parties. Les USA ont créé les conditions socio-politiques qui ont permis aux forces irakiennes pro-iraniennes de réaliser leur politique anti-arabe. Cela est révélé par la politique du gouvernement pro-Iran : son rejet à se référer à l'identité arabe de l'Irak dans la nouvelle Constitution, ses efforts pour changer le drapeau irakien, et l'adoption d'une loi proscrivant le Parti Baas, ce qui était la maximisation des efforts de dés-arabisation de l'Irak. Et, en dépit des différences iraniennes et étasuniennes sur un certain nombre de questions, les deux intérêts se sont rencontrés en Irak. Cette situation a soulevé de sérieuses questions au sujet de la politique de l'Iran au Moyen-Orient. Avant l'occupation US, l'Iran n'avait aucune influence en Irak, mais après l'occupation, l'Iran est manifestement le bénéficiaire principal de l'occupation. Le but ici n'est pas créer des théories de conspiration au sujet d'une alliance secrète entre les USA et l'Iran, parce que dans ma perspective c'est pure imagination, mais de voir plutôt que leurs intérêts sont servis à tous les deux en Irak. Peut-être est-ce une conséquence inattendue née de l'incapacité de l'administration Bush à prévoir les retombées de l'invasion.
Le nationalisme Arabe est l'ennemi des USA et par conséquent d'Israël et il contredit la doctrine sectaire de Téhéran qui cherche à se développer en exploitant les sentiments arabes des musulmans chiites. Par conséquent la réponse arabe naturelle aux USA et à l'Iran est d'édifier des régimes arabes démocratiques dans lesquels tous les citoyens sont égaux, indépendamment de la foi et de l'appartenance ethnique. L'absence de solidarité et de démocratie arabes seront toujours des brèches par lesquelles les USA et Israël s'engouffreront.
L'ironie (pour ne pas dire plus) de la politique de l'Iran peut être prouvée de manière claire en comparant la situation de l'Irak à celle du Liban. En Irak occupé, les forces pro-iraniennes sont les piliers de l'occupation US et des forces anti-arabes ; au Liban, qui n'est pas occupé, l'Iran soutient le Hezbollah, qui est structurellement un parti Musulman Chiite, mais qui a un discours Arabe pan-islamique. Cela ne signifie pas qu'il faille assimiler le Hezbollah aux forces sectaires irakiennes, mais cela soulève plutôt la question de la politique iranienne à double mesure au Moyen-Orient. Néanmoins, il est important de souligner que le vrai conflit n'est pas entre les Arabes et l'Iran, le véritable ennemi des Arabes est Israël et pas l'Iran, mais l'Iran doit savoir qu'enflammer les sentiments sectaires dans la région nuira à ses intérêts et causera des différends entre musulmans qui ne bénéficient à personne excepté à Israël.
L'exécution de Saddam Hussein éloigne la construction d'un Irak démocratique ; elle n'a pas été faite au motif de l'exécution d'un homme souverain caractérisant nombre de régimes arabes. Elle a été faite sur la base de la culture de la vengeance, qui est nettement apparue au cours de l'exécution. La culture de la vengeance a rassemblé tous ceux qui voulaient que l'Irak pan-Arabe meure : les USA, Israël, l'Iran, les forces sectaires irakiennes, les arabes étroits d'esprit et les régimes arabes moyenâgeux qui ont aidé les USA à envahir l'Irak. Dans cette situation, Hussein semble similaire à Santiago Nassar, le personnage du roman de Marquez, « Chronique d'une mort annoncée », quand chaque corps savait que les meurtriers tueront Nassar. La seule différence est que Nassar ne savait pas qu'ils projetaient de le tuer, alors que Saddam savait. À mon avis, la décision d'exécuter Hussein reposait non pas sur la cour, mais sur les politiciens qui ont voulu dés-arabiser l'Irak. Les forces politiques qui ne pouvaient tolérer la sculpture de Abou Jafar Al-Mansour sont celles qui ont voulu que l'Irak Arabe disparaisse : même si des juges suisse ou norvégien avaient rendu le verdict, l'exécution avait déjà été décidée. Le paradoxe du tout ceci est que ceux qui ont exécuté Saddam Hussein gouvernent l'Irak à travers la milice connue pour avoir commis des assassinats dans les prisons irakiennes ; ils sont loin d'être qualifiés pour juger le régime baasiste.
Un fait peu connu est qu'en 2006, lors d'une visite à Hussein, Donald Rumsfeld lui a offert asile ainsi qu'à sa famille, s'il dénonçait publiquement la résistance irakienne, plus précisément la résistance baasiste. Les combattants de la résistance devaient aussi déposer leurs armes. Hussein a complètement rejeté ce marché, le rejet de cette offre lui a donné un statut légendaire qu'il n'aurait jamais pu atteindre dans sa vie.
Dans des périodes critiques, les nations ont besoin de héros tragiques dont la mort peut se jumeler à la fierté nationale.
Le général syrien Yousef Al-Adhama se tenait debout avec quelques soldats, et il est mort pour défendre Damas alors qu'il faisait face à l'avancée dans Maysaloon de l'armée française en 1920. Yasser Arafat se tenait debout avec quelques-uns de ses hommes quand son quartier général de Al Muqata'a a été attaqué par des centaines de tanks et d'avions israéliens. Saddam a refusé de mettre le capuchon sur sa tête avant sa pendaison, alors qu'en fait ses bourreaux ont choisi de dissimuler leur visage.
Il a connu ce Bagdad qui a engendré la moitié de l'histoire Arabe valant d'être défendue. Nul doute que Saddam Hussein a fait de graves erreurs politiques, mais comme Gilgamesh dans l'antique tragédie de Babylone, il a fait face à son destin bravement. Cela a fourni la cire fraîche des cierges de l'histoire Arabe pour les années à venir. Le Saddam historique est passé et le Saddam légendaire est né.
Traduit pour Alter Info par Pétrus Lombard
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