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PNAC / PROJECT FOR THE NEW AMERICAN CENTURY (2)

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IV  / Reconstruire les forces armées actuelles

 

 

 

Remplir les missions évoquées plus haut repose sur les capacités des forces armées des États-Unis. Au cours de la décennie écoulée, l’état des forces armées a décliné inexorablement. Non seulement on a dramatiquement réduit leur budget, tranché dans leurs infrastructures, sabré dans les effectifs, étouffé les programmes de modernisation et étranglé les efforts d’adaptation, mais encore la qualité de vie des militaires, essentielle en matière de recrutement pour une force de volontaires, s’est dégradée. Des casernements aux quartiers généraux et aux zones techniques, les armées ont vu négliger leurs infrastructures. La qualité des hébergements, en particulier outre-mer, ne convient pas à une grande nation. On a réduit de façon disproportionnée et hors de toute vision à long terme les autres fondements d’une armée puissante, notamment la formation militaire générale et les systèmes d’instruction. Les réductions d’effectif ont pour conséquence que les soldats passent de plus en plus de temps à entretenir les cantonnements, tondre les pelouses, réparer les toitures et «peindre les cailloux». Encore plus décevant, la culture militaire et la confiance des soldats en leurs chefs en souffrent. Comme l’ont montré de récents sondages et rapports, les relations armées-nation sont de plus en plus tendues dans l’Amérique d’aujourd’hui.

 

 

 

Armée de Terre : «finir» l’Europe et défendre le Golfe Persique

 

 

De toutes les armées, c’est l’armée de Terre qui a été transformée le plus en profondeur depuis la fin de la Guerre Froide et l’effondrement de l’empire soviétique en Europe de l’Est. Les effectifs de l’armée de Terre en service actif ont été réduits de 40 pour cent et ses garnisons en Europe des trois quarts. À la fin de la Guerre Froide, le budget de l’armée de Terre était de 50 pour cent plus élevé que celui de cette année. Ses dépenses d’équipement étaient plus élevées de presque 70 pour cent. Dans le même temps, le rôle de l’armée de Terre dans les opérations militaires de l’après Guerre Froide reste le critère objectif de l’engagement géopolitique des États-Unis. Au cours de la guerre du Golfe de 1991, on a perçu les limites de la politique de l’administration Bush dans ses réticences à s’engager dans la phase terrestre et lorsqu’elle a limité les opérations terrestres au seul théâtre du Koweït. Dans les Balkans, des opérations aériennes relativement limitées ont été suivies par des opérations terrestres de plus grande ampleur. Même les 78 jours de l’opération Allied Force font pâle figure à côté de l’effort à long terme de stabilisation du Kosovo. En bref, la valeur d’une armée de Terre continue à reposer sur une superpuissance mondiale dont les intérêts sécuritaires sont toujours de maintenir et d’étendre un système d’alliances mondiales tout en restant en mesure de conduire deux guerres majeures sur deux fronts distincts. Tout en conservant son rôle de combat, l’armée de Terre américaine s’est vu confier de nouvelles missions au cours de la dernière décennie. Les plus immédiates sont liées à l’achèvement de la mission qui consiste à bâtir une Europe «libre et entière» et à défendre les intérêts américains dans le Golfe Persique et au Moyen-Orient. Ces nouvelles missions exigeront des positionnements permanents outre-mer d’unités de l’armée de Terre américaine. Bien que ces forces soient réorganisées et repositionnées pour tenir compte des réalités actuelles, leur valeur en tant qu’incarnation du rôle de l’Amérique comme premier garant de la sécurité est aussi importante que leur aptitude opérationnelle immédiate. En fait, le plus grave problème qui se pose aujourd’hui à l’armée de Terre est d’aligner suffisamment de troupes pour remplir ses deux missions : elle est tout simplement trop petite pour les remplir bien toutes les deux. Ces missions de grande ampleur continuent de justifier le besoin d’une armée de Terre américaine forte de nombreux effectifs sous les drapeaux. L’emploi croissant d’unités de réservistes par l’armée de Terre pour ces missions de maintien de l’ordre bat en brèche le contrat implicite passé avec les réservistes qui veut que leur rôle soit de servir de couverture face à une véritable menace militaire. Tant que les garnisons américaines dans les Balkans, par exemple, demanderont un nombre important de linguistes, de policiers militaires, de membres des affaires civiles et d’autres spécialistes, l’armée de Terre d’active devra recruter davantage de soldats possédant ces talents. De la même façon, au moment où le combat de haute intensité change de forme, l’armée de Terre doit trouver de nouveaux moyens de recruter et de retenir des soldats ayant des compétences en techniques de pointe, peut-être en ouvrant des partenariats avec l’industrie pour disposer de réservistes très instruits, ou en considérant que certains savoir-faire donnent le grade de sous-officier supérieur et non un simple grade de militaire du rang. L’armée de Terre devrait en particulier : Revenir aux effectifs d’active et aux structures permettant de faire face aux exigences de ses missions actuelles. Les effectifs sous les drapeaux devraient monter à environ 525 000 hommes au lieu des 475 000 actuellement 1 . L’essentiel de cette augmentation devrait profiter aux unités les plus mises à contribution ou en sous-effectif ainsi qu’aux unités d’appui comme le renseignement militaire, la police militaire 2 et autres unités assimilées. • Entreprendre des efforts de modernisation sélective, d’abord pour accroître sa mobilité opérationnelle et tactique ainsi que l’efficacité de ses systèmes de combat actuels par la «numérisation» qui consiste à mettre en place des réseaux informatisés de communications. L’armée de Terre devrait accélérer son programme d’acquisition de véhicules de taille moyenne, se doter de l’hélicoptère Comanche et du système de lance-roquettes d’artillerie HIMARS. De la même façon, le système d’artillerie lourde Crusader, quoique canon de grande qualité, représente un investissement insensé, étant donné les capacités actuelles de l’armée de Terre et ses besoins à venir. Il faudrait annuler ce projet. Améliorer la disponibilité opérationnelle des unités actuelles en renforçant les effectifs et en relançant l’entraînement au combat. Entreprendre des efforts pour améliorer la qualité de vie des soldats afin de rejoindre celle de la classe moyenne au sein de l’armée professionnelle. Se redéployer et se réorganiser en fonction des réalités stratégiques actuelles : il faudrait redéployer des éléments d’USAREUR [l’armée de Terre américaine en Europe (NdT)] vers le sud-ouest de l’Europe tout en installant de façon permanente une unité dans la région du Golfe Persique; dans le même temps, il faudrait reconfigurer des unités prépositionnées de l’armée de Terre pour qu’elles soient mieux à même de conduire des opérations autonomes comme des opérations de police ou des phases initiales d’opérations de guerre. Réduire la taille de la garde nationale et des réserves de l’armée de Terre, tout en reconnaissant que ces éléments sont conçus pour servir de couverture face à une réelle urgence d’ordre militaire, inattendue et de grande ampleur. Continuer à s’appuyer sur un grand nombre de réservistes pour des missions de maintien de l’ordre est inapproprié et relève d’une vision à court terme. Voir son budget passer du niveau actuel de 70 milliards par an à 90 - 95 milliards.

 

 

 

État des lieux de l’armée de Terre actuelle

 

 

Si on l’évalue à son aptitude à remplir n’importe laquelle des missions que nous avons soulignées ci-dessus, la présence outre-mer, le combat sur des théâtres de conflits majeurs, l’adaptation pour l’avenir, l’armée de Terre n’est actuellement pas au niveau. Son problème le plus immédiat est le déclin de son aptitude opérationnelle. Jusqu’au printemps 1998, l’armée de Terre est parvenue à limiter les effets les plus néfastes de déploiements fréquents et à conserver celles de ses unités dites «de premier contact» prêtes à réagir à toute crise susceptible de devenir une guerre majeure. Mais aujourd’hui, comme l’a expliqué au congrès le général Dennis Reimer, ancien chef d’état-major de l’armée de Terre, qui vient de prendre sa retraite : Des commandeurs au sein de toute l’armée de Terre rapportent qu’ils réduisent la fréquence, le champ et la durée de leurs exercices… En outre, des commandeurs ne sont pas toujours en mesure de rendre les exercices aussi réalistes et exigeants qu’ils le voudraient. Dans certains cas, les commandements ne sont pas en mesure de combiner les simulations et les éléments d’exercices à tir réel, ce qui conduit à un manque d’expérience du personnel. Plusieurs commandements ont rapporté qu’ils n’ont pas été en mesure de faire participer leurs unités d’ALAT [aviation légère de l’armée de Terre, c’est à dire les unités d’hélicoptères (NdT)] aux séjours en centres d’entraînement au combat. Surtout, les compromis auxquels on arrive en matière d’exercices réduisent le niveau de compétence et conduisent à l’inexpérience… Au niveau des bataillons, le niveau opérationnel est déjà en train de décliner, fait qui ne passe pas inaperçu au niveau de nos Centres d’entraînement au combat. Au cours des dernières années, tant la qualité que la quantité de ces exercices ont diminué. De façon significative, dans les années qui ont précédé, une unité qui participait aux rotations pouvait participer à huit exercices de service en campagne3 au niveau du bataillon avant de passer à Fort Irwin, et huit autres pendant son séjour au centre d’entraînement. De nos jours, les forces lourdes n’ont pratiquement jamais d’exercice complet au niveau du bataillon et sont maintenant heureuses de participer à plus de six services en campagne au centre national d’entraînement. Comme les autres armées, l’armée de Terre continue à être empoisonnée par le faible niveau des effectifs dans les spécialités essentielles du combat et de l’entretien. Les chefs de l’armée de Terre admettent avec sincérité qu’ils ont trop peu de soldats pour la structure actuelle de leurs forces et qu’il est de plus en plus fréquent de manquer d’officiers et de sous-officiers. Par exemple, au cours de l’année fiscale 1997, l’armée de Terre ne disposait que de 67 à 88 pour cent de ses besoins dans les quatre spécialités d’entretien de ses chars et véhicules de combat d’infanterie. Dans les rangs des officiers, il y a des manques significatifs parmi les capitaines et les commandants. Le résultat de ces manques sur le terrain est qu’on demande à des officiers subalternes ou à des sous-officiers d’occuper les fonctions du grade supérieur. Selon le général Reimer, «la conséquence finale est un manque d’expérience, en particulier “à la pointe de la lance”4 »

 

La capacité de l’armée de Terre à faire face à ses missions en cas de conflit majeur, en particulier dans le cadre des calendriers fixés par les plans de guerre des commandants en chef, est au mieux incertaine. Bien que sur le papier l’armée de Terre soit en mesure d’y faire face, la réalité des choses est en fait plus compliquée. L’étude sur les conflits majeurs conduite dans le cadre de l’Etude Quadriennale de Défense suppose que chaque unité arrive sur le théâtre d’engagement parfaitement prête et entraînée, mais les carences en entraînement et en personnel dans toute l’armée de Terre rendent cette hypothèse douteuse, au moins dès le début du déploiement. Même si l’on pouvait remédier aux carences immédiates en personnel, toute tentative pour améliorer l’entraînement, comme cela a été fait dans le cadre de la préparation à l’opération Tempête du Désert, s’avèrerait être un sérieux goulot d’étranglement. Les centres d’entraînement de l’armée de Terre ne sont pas en mesure d’accroître suffisamment leurs capacités d’accueil dans un délai assez bref. Dans le modèle actuel de «deux guerre à la fois», on envisage le combat de haute intensité comme une situation où l’on se présente dans l’état où l’on est et l’armée de Terre actuelle est notablement moins bien préparée à de tels engagements qu’elle ne l’était en 1990.

 

 

 

Les forces de l’armée de Terre stationnées aux États-Unis

 

 

Les missions premières des unités de l’armée de Terre stationnées aux États-Unis sont de renforcer rapidement les unités prépositionnées en cas de crise ou de combat et de fournir des unités capables de réagir face à des événements inattendus. De plus, l’armée de Terre doit continuer à lever, entraîner et équiper toutes ses forces, y compris celles de sa garde nationale et de ses réserves. Alors que la refonte de la posture de ses forces outre-mer est peut-être la principale mission à laquelle l’armée de Terre devra faire face dans un avenir immédiat, elle sera inévitablement liée à la nécessité de rebâtir et de reconfigurer l’armée de Terre en métropole. La nécessité de riposter avec une puissance décisive à un conflit majeur en Europe, dans le Golfe Persique ou en Asie orientale, restera le critère déterminant de la structure de l’armée de Terre pour les unités stationnées aux États-Unis. Quelle que soit la probabilité qu’on attribue à de tels conflits, il est essentiel de conserver suffisamment de capacités pour les conduire à une conclusion satisfaisante, y compris une victoire décisive qui aurait pour conséquence une évolution politique à long terme ou un changement de régime. La structure actuelle de l’armée de Terre d’active en métropole, 23 brigades de manœuvre, est à peine suffisante pour répondre aux besoins potentiels. Non seulement le nombre de ces unités est réduit, mais on a dangereusement laissé se dégrader leur aptitude opérationnelle au cours des dernières années. Les effectifs ont baissé et on a réduit et dégradé leurs occasions de s’entraîner. Il faut que ces unités reviennent à un haut niveau d’aptitude et, plus important, qu’elles se réorientent vers leurs missions de combat. Comme la structure divisionnaire reste une organisation économique et efficace lors des opérations de grande envergure, ainsi qu’une structure administrative et logistique efficiente, il faut que la division reste l’unité de base pour la plupart des formations de l’armée de Terre stationnées aux États-Unis, même si l’armée de Terre crée de nouvelles structures indépendantes et plus petites destinées aux opérations outre-mer. L’armée de Terre est en train d’entreprendre une réorganisation de la structure de base de la division. Elle réduit la taille des bataillons de marche ordinaires pour répondre aux améliorations que permettent les techniques modernes et les capacités inexploitées que permettent les systèmes actuels. Il s’agit d’une étape modeste mais importante qui rendra ces unités plus facilement projetables, et il faut que l’armée de Terre continue dans la voie d’évolutions similaires. De plus, il faut que l’entraînement au sein de l’armée de Terre continue à mettre l’accent sur les opérations interarmes mettant en œuvre des groupements tactiques. En métropole, la structure de l’armée de Terre devrait comporter trois divisions lourdes à trois brigades avec leurs effectifs au complet, deux divisions légères et deux divisions aéroportées. En outre, cette armée métropolitaine devrait conserver quatre régiments de cavalerie légère blindée en structure active 5 plus des unités expérimentales dédiées aux activités de réorganisation. Ceci représenterait approximativement l’équivalent de 27 brigades terrestres. Pourtant, une telle force, quoique capable de fournir et de soutenir une puissance de combat significative pour les missions initiales, resterait inadaptée à tout l’éventail de tâches stratégiques auxquelles l’armée de Terre a à faire face. Ainsi, cette armée doit de plus en plus s’appuyer sur des unités de la Garde pour remplir une partie de ses missions éventuelles de temps de guerre et non chercher à faire remplir ses missions de présence outre-mer à ceux qui devraient rester des militaires à temps partiel. Pour permettre à la Garde nationale de l’armée de Terre de jouer son rôle essentiel dans le cadre des conflits majeurs, l’armée de Terre doit prendre un certain nombre de mesures visant à s’assurer de l’aptitude opérationnelle des unités de la Garde. La première mesure est d’établir de meilleurs liens entre la Garde et les unités d’active en fournissant les moyens adéquats pour améliorer l’efficacité opérationnelle des grandes unités6 de la Garde. Elle pourrait peut-être inclure un encadrement d’active au sein des brigades de la Garde destinées à se déployer les premières. Deuxièmement, il faut adapter la structure générale de la Garde ainsi que réduire le nombre général des unités de la Garde nationale de l’armée de Terre, en particulier celui des divisons d’infanterie de la Garde nationale. Non seulement cela éliminerait les formations inutiles, mais encore cela permettrait d’améliorer les effectifs des unités de la Garde destinées à se déployer les premières et qui doivent être garnies à bien plus de cent pour cent de leurs tableaux d’effectifs pour leur permettre de se déployer un certain temps en cas de crise ou de guerre. En outre, il faut que l’armée de Terre rationalise les missions de ses unités de réservistes. Sans les efforts des réservistes au cours de la dernière décennie, l’armée de Terre aurait vu sérieusement compromise sa capacité à conduire le grand nombre d’opérations de circonstance auxquelles elle a eu à faire face. Néanmoins, l’effort de rationalisation des déploiements, ainsi que nous l’avons abordé dans la partie précédente, aura aussi pour conséquence de moins faire appel aux réservistes de l’armée de Terre, en particulier à ceux qui ont des aptitudes hautement spécialisées. À partir du moment où l’on aura admis que les missions dans les Balkans, par exemple, sont des déploiements à long terme, on pourra réduire le rôle des forces de réserve de l’armée de Terre et les unités d’active pourront assurer pratiquement l’intégralité de la mission. En somme, il faut adapter les missions des deux composantes des réserves de l’armée de Terre aux réalités de l’après-Guerre Froide comme il faut adapter les missions de la composante d’active.

L’importance de ces soldats citoyens pour faire le lien entre l’armée professionnelle et le gros de la société américaine n’a jamais été plus grande, et le fait de ne pas procéder aux ajustements nécessaires de leur mission a mis ce lien en danger. La Garde nationale de l’armée de Terre doit conserver son rôle traditionnel de couverture face aux besoins plus grands en force de combat que ceux auxquels on s’attendait. En fait, elle pourrait jouer un rôle plus grand dans la planification de guerre américaine qu’elle ne l’a joué jusqu’à présent. Il ne faut pas l’utiliser d’abord pour fournir du soutien de combat au profit des unités d’active engagées dans les opérations en cours. Un retour à son rôle traditionnel permettrait à terme une légère réduction du volume de la Garde nationale de l’armée de Terre. Une telle évolution réduirait aussi la pression de déploiements répétés en opérations de circonstance, ce qui met à mal le modèle de soldat à temps partiel sur lequel est fondé le principe de la Garde nationale. De la même manière, il faudrait que la réserve de l’armée de Terre conserve son rôle traditionnel de force fédérale, complément de la composante d’active, ce qui exige de réduire les demandes en personnels isolés aux fins de renfort pour les opérations de circonstance, et ceci grâce à des améliorations dans les opérations et les déploiements de l’armée de Terre d’active, dans son organisation, voire une augmentation de ses effectifs. Au cas où les forces américaines se trouveraient impliquées dans deux conflits majeurs en même temps ou presque en même temps, les composantes de réserve de l’armée de Terre pourraient fournir le support pour des opérations décisives. Une telle capacité est la clé de voûte de la stratégie américaine et ne doit pas s’émietter dans des opérations de circonstance qui s’éternisent. Une deuxième mission des unités de l’armée de Terre stationnées aux États-Unis est de répondre aux circonstances imprévues. Avec davantage d’unités prépositionnées le long d’un périmètre de sécurité américain élargi autour du globe, ces crises imprévues pourraient être moins handicapantes. Des unités comme les 82e et 101e divisions aéroportées ou les deux divisions légères d’infanterie ainsi que les petits éléments de la 3e division d’infanterie mécanisée, qui restent en alerte renforcée, continueront à fournir ces nécessaires capacités. Ainsi que les unités des opérations spéciales de l’armée de Terre comme le 75e régiment des Rangers. De plus, la création d’unités moyennes autonomes entamera le processus d’adaptation de l’armée de Terre aux besoins inopinés à venir. Au fur et à mesure que progressera le processus d’adaptation, le besoin apparaîtra d’un éventail plus large de types d’unités de l’armée de Terre pour faire face aux opérations de circonstance qu’on n’avait pas prévues.

 

 

 

Les forces prépositionnées

 

 

La présence américaine outre-mer pèse lourdement sur les forces terrestres et sur l’armée de Terre qui est l’armée la plus adaptée aux missions de longue durée. Dans l’environnement de l’aprèsGuerre Froide, ces forces prépositionnées remplissent par essence des missions de reconnaissance et de sûreté. On demande aux unités concernées de maintenir la paix et la stabilité dans les régions où elles patrouillent, de donner l’alerte en cas de crises imminentes et de modeler les premières phases de tout conflit qui pourrait survenir pendant que les forces en renfort se déploient depuis les États-Unis ou ailleurs. Compte tenu de l’essence de leur mission, il faut que ces unités soient des unités autosuffisantes et interarmes7 avec un large éventail de capacités, capables de s’engager à longue distance avec des moyens de communication sophistiqués et l’accès à des hauts niveaux du renseignement américain. Actuellement, la plupart des unités prépositionnées de l’armée de Terre ne répondent pas à ces critères. 

De tels critères conduisent à envisager que ces unités soient de la taille de régiments ou de brigades, peut-être de 5 000 hommes. Il leur faudra suffisamment de personnel pour pouvoir remplir dans la durée des missions classiques d’infanterie, mais elles devront être suffisamment mobiles pour intervenir sur des zones étendues. Elles doivent avoir suffisamment de puissance de feu en tir direct pour avoir d’emblée le dessus en cas de contact et les moyens d’appui feu nécessaires pour éviter que soient bousculées ces unités relativement petites et autonomes. Cependant, le besoin en moyens d’appui feu ne signifie pas forcément de puissants moyens en artillerie classique ou d’autres formes d’appui feu. Bien qu’un peu d’artillerie s’avère nécessaire, une grande partie de l’appui feu direct viendrait des unités d’hélicoptères d’attaque et l’appui feu dans la profondeur viendrait des avions d’attaque au sol. La combinaison d’une écrasante supériorité dans les engagements à tir direct, matérialisée par les performance du VCI Bradley et du char M1 Abrams au cours de la guerre du Golfe, et bien sûr du LAV des Marines, ainsi que la précision et l’efficacité accrues des feux d’artillerie, sans compter les capacités des avions d’assaut américains, fourniront à ces unités une très significative capacité de combat. Ces unités prépositionnées et autonomes seront de plus en plus articulées autour du recueil et du traitement de l’information. Ce sera essentiel pour les opérations de guerre – le tir de précision à longue portée exige du renseignement précis et instantané ainsi que de solides moyens de communication – mais aussi pour les opérations de stabilisation. Les unités stationnées dans les Balkans, en Turquie ou en Asie du Sud-Est devront être capables d’appréhender des ambiances politico-militaires inédites et d’y opérer; les décisions apparemment tactiques prises par des soldats sur le terrain pourront avoir des conséquences stratégiques. Alors que des civils tant américains que locaux pourraient répondre à certains de ces besoins, les unités déployées sur le périmètre de sécurité américain doivent avoir les capacités, la cohésion et la stabilité en personnel qu’exige leur mission. Au premier plan de ces capacités est la conscience de l’environnement sécuritaire et politique dans lequel elles opèrent. En particulier, ces forces qui stationnent dans des régions instables doivent disposer de leurs propres moyens de recueil du renseignement d’origine humaine, sous la forme de détachement d’unité de forces spéciales voire sous forme d’unités organiques8 de renseignement. Les moyens techniques nécessaires pour aligner de telles forces existent déjà et nombre d’entre eux sont en cours de production ou sont présents sur étagère dans l’inventaire de l’armée de Terre. Les nouveaux contours des forces ainsi que la mise en œuvre des techniques de l’information peuvent donner une nouvelle utilité à l’arsenal existant. Cependant, la question de la mobilité et du poids devient encore plus cruciale si les forces doivent être stationnées en Asie du Sud-Est. En cas de crise, même des troupes prépositionnées auraient à se déployer rapidement à de très grandes distances, tant au moyen de ponts maritimes que de ponts aériens. En bref, chaque kilo et chaque décimètre cube comptent. En concevant de telles forces, l’armée de Terre doit envisager une approche plus novatrice. Une approche à court terme serait de bâtir une telle unité autour du V22 Osprey, aéronef à rotors pivotants actuellement mis en chantier pour le Corps des Marines et les forces spéciales. Une deuxième approche à moyen terme serait d’accroître les capacités de l’infanterie aéromobile actuelle en ajoutant des perches de ravitaillement aux hélicoptères existants comme sur les appareils des opérations spéciales. Une autre approche serait la construction de navires de transport vraiment rapides. En somme, il faudrait que ces unités autonomes prépositionnées deviennent clairement des «ferments d’évolution» au sein de l’armée de Terre, offrant l’occasion de mettre en œuvre des concepts de transformation en profondeur, même si elles remplissent des missions essentielles de stabilisation des régions dans lesquelles elles se trouvent. En outre, de telles unités auraient besoin de s’entraîner de façon régulière aux opérations de guerre, ce qui rend nécessaire la construction de nouveaux centres d’instruction et d’entraînement ainsi que de nouvelles garnisons dans des régions stratégiques plus pertinentes. Elles opéreront de manière plus dispersée, reflétant tant de nouveaux concepts d’opérations de guerre que les nécessités des opérations de stabilisation en cours. Que ce soit en zones urbaines ou dans les jungles de l’Asie du Sud-Est, elles opèreront en terrain complexe qui représente mieux les théâtres de la guerre future. Il est certain que de nouvelles unités de taille moyenne ou aéromobiles apporteront une plus grande motivation à la réorganisation en profondeur de l’Armée de terre pour faire face à l’avenir. Non seulement l’accroissement de la mobilité et des moyens de communication et d’information offrira de nouvelles possibilités de conduite des opérations, mais encore l’absence d’arme blindée et de cavalerie lourde demandera la conception de nouvelles tactiques, de nouvelles doctrines et de nouvelles organisations. Même parmi les unités actuellement dotées du char Abrams et du VCI Bradley, les exigences d’opérations autonomes, le resserrement des liens interarmées et l’introduction de nouvelles capacités de renseignement et de communication ouvriront la voie à l’innovation. De façon plus profonde, ces nouvelles unités et ces nouveaux concepts donneront un but au processus d’adaptation au sein de l’Armée de terre, les soldats seront partie prenante du processus et le prendront à cœur, brisant les résistances bureaucratiques à l’évolution. En plus de ces nouvelles forces destinées à l’Europe, au Golfe ou ailleurs en Asie orientale, il faut que l’armée de Terre conserve une force équivalente à celle qui est actuellement stationnée en Corée. Outre les unités de quartier général qu’on trouve là-bas, la présence militaire terrestre s’articule autour des deux brigades de la 2e Division d’infanterie. Cette unité est déjà hybride, ni division lourde comme dans les livres, ni division légère. Tout en conservant la structure divisionnaire qui permet l’insertion en souplesse de troupes d’exploitation en cas de crise, il faudrait aussi que l’armée de Terre réorganise cette unité pour permettre des opérations à plus longue portée. Étant donné la masse de l’artillerie nord-coréenne, les tirs de contrebatterie joueront un rôle important au cours de n’importe quelle guerre survenant dans la péninsule, ce qui conduit à conclure qu’améliorer les capacités de l’artillerie de saturation de la division américaine est un investissement modeste mais avisé. De la même façon, augmenter le parc d’ALAT et d’hélicoptères d’assaut des forces terrestres américaines en Corée offrirait aux commandeurs des possibilités dont ils ne disposent pas aujourd’hui. Les principales forces lourdes de l’armée de Terre de la Corée du Sud sont bien instruites et bien équipées, mais sont optimisées pour défendre Séoul et la république de Corée le plus au nord possible. À l’heure actuelle, les deux brigades de la 2e Division d’Infanterie ressembleraient d’assez près au type de force autonome et interarmes dont on aurait besoin ailleurs.

 

 

 

La modernisation de l’armée de Terre et les budgets

 

 

Depuis la fin de la Guerre Froide, l’armée de Terre a souffert de dramatiques réductions budgétaires, notamment en matière d’acquisition d’armement et en matière de recherche. Cela a eu pour conséquence la dégradation actuelle de l’aptitude opérationnelle dont nous avons traité plus haut et a réduit la capacité de cette armée à se moderniser et à innover pour le futur. Le besoin de se trouver des ressources budgétaires a obéré les tentatives d’adaptation actuelles de l’armée de Terre.

Au cours de l’année fiscale 1992, le premier budget de l’après-Guerre Froide et de l’après-guerre du Golfe, le budget de l’armée de Terre était de 91 milliards de dollars mesuré en dollar constant de l’année 2000. Cette année, le Congrès a voté un budget de 69,5 milliards pour les opérations de l’armée de Terre – dont plusieurs milliards pour payer les opérations dans les Balkans – et la demande du président Clinton pour 2001 est de 70,6 milliards, dont plus de deux milliards seront affectés aux opérations dans les Balkans. Le budget d’équipement de l’armée de Terre subit lui aussi une réduction. Au cours des années Clinton, les dépenses d’équipement de l’armée de Terre ont été en moyenne de 8 milliards de dollars pour descendre à 7,1 milliards en 1995. La demande pour l’année 2000 a été de 9,7 milliards, de loin la plus élevée depuis la fin de la guerre du Golfe. Par comparaison, les achats d’armement de l’armée de Terre atteignaient en moyenne 23 milliards par an au début et au milieu des années 1980, au moment où entraient en production les systèmes d’armes majeurs actuellement en service, le char M1 Abrams, le Véhicule de Combat d’infanterie (VCI) Bradley, les hélicoptères Apache et Blackhawk ainsi que le système de missile Patriot. Pour aligner une armée de Terre capable de remplir les nouvelles missions et de relever les nouveaux défis évoqués plus haut, ses budgets doivent revenir au niveau d’environ 90 à 95 milliards en dollars constant de l’année 2000. Une partie de cet accroissement budgétaire permettrait à l’armée de Terre à la fois de regarnir les unités en sous-effectif et de remettre à niveau l’armée de Terre conventionnelle ainsi que d’améliorer l’aptitude opérationnelle des unités de sa Garde nationale. De nouveaux programmes d’équipement devraient porter sur des blindés légers, des réseaux de commandement numérisés et d’autres systèmes de suivi de situation, la mise en service de l’hélicoptère Comanche et des aéronefs sans pilotes. De nouveaux investissements dans les infrastructures militaires amélioreraient la qualité de vie des soldats. Cela relancerait le processus d’adaptation. 

Seulement, comme l’a montré l’étude conduite ci-dessus des besoins de l’armée de Terre, il faut à la fois réorienter et accroître ses investissements. Par exemple, on a du mal à justifier dans le cadre de la révolution que nous connaissons le programme d’artillerie Crusader, bien qu’il porte sur le canon automoteur peut-être le plus moderne jamais conçu. Les coûts qu’engendre ce canon, non seulement en termes de budget mais aussi en termes d’opportunité de faire perdurer un modèle de guerre de plus en plus dépassé, l’emportent de loin sur les avantages qu’il apporterait. Il faut abandonner le projet Crusader. Toutefois, pour que l’armée de Terre puisse faire face aux nombreux défis qui se présentent à elle, il faudra une sérieuse augmentation de son financement. Les effectifs d’active ont beau être de 40% inférieurs à ce qu’ils étaient au total à la fin de la Guerre Froide, plusieurs générations de ses chefs ont préféré les maintenir en réduisant pour ce faire les dépenses d’équipement et de recherche. Cela ne peut pas continuer. L’armée de Terre a beau être trop réduite pour faire face à l’éventail des missions que nous avons exposées plus haut, ce dont elle a le plus besoin est la relance des investissements, une recapitalisation et tout particulièrement une réorganisation. Pris ensemble, ces besoins dépassent de loin les économies qu’on pourrait faire au moyen de réformes ou de gains de productivité. L’abandon de programmes mineurs comme le canon Crusader, l’adaptation de l’organisation administrative, la fermeture de garnisons et d’autres mesures ne suffiront pas à dégager suffisamment de ressources pour financer la refonte radicale dont l’armée de Terre a besoin. La puissance terrestre américaine est le maillon essentiel de la chaîne qui transforme la suprématie militaire américaine en une prééminence géopolitique. Même si les moyens d’appliquer les feux sur le champ de bataille ont largement progressé – les avions d’attaque ont réalisé les rêves les plus fous des adeptes de la puissance aérienne – les drones promettent d’accroître très bientôt la portée des frappes et la possibilité d’en conduire depuis l’espace pointe le nez dans un avenir qui n’est pas très éloigné – il persiste le fait que la manœuvre terrestre reste le moyen d’obtenir des résultats politiques décisifs. Il est difficile de faire tomber les régimes politiques du simple fait de les sanctionner. Si les forces terrestres sont appelées à survivre et à conserver leur rôle stratégique unique dans un monde où il est de plus en plus facile de frapper avec précision à des portées accrues, elles doivent néanmoins évoluer elles aussi, devenir plus discrètes, plus mobiles, plus projetables et capables d’opérer en ordre dispersé. L’armée de Terre américaine, et les forces terrestres américaines en général, doivent de plus en plus être un complément aux capacités de frappe des autres armées. En corollaire, une force militaire américaine qui n’aurait pas la possibilité de mettre en œuvre des forces terrestres capables de durer et de manœuvrer rapidement sur les champs de bataille à venir priverait les dirigeants politiques américains d’un outil essentiel de diplomatie.

 

 

 

L’armée de l’Air : vers une armée du premier choc à l’échelon de la planète.

 

La dernière décennie s’est montrée la meilleure et la pire période de l’histoire de l’armée de l’Air américaine. De la guerre du Golfe à l’opération Allied Force au Kosovo, la sophistication croissante de la puissance aérienne américaine – avec ses avions furtifs, ses munitions guidées de précision, ses capacités tout temps de jour comme de nuit, le professionnalisme de ses pilotes, de ses planificateurs et des équipe de soutien – a permis à l’armée de l’Air de se vanter à juste titre d’être «la puissance mondiale de portée mondiale». Sur court préavis, les aéronefs de l’Armée de l’air peuvent engager pratiquement n’importe quel objectif sur terre avec une grande précision et pratiquement sans risque. La puissance aérienne américaine est devenue au sens propre le symbole de la prééminence militaire américaine.

Dans le même temps, l’armée de l’Air s’est vue réduite d’un tiers, voire plus, et on lui a confié de plus en plus de missions disparates. En outre, elle s’est vue confier tant de missions nouvelles que son organisation de base en a été changée. Pendant la Guerre Froide, l’Armée de l’air était agencée pour s’engager dans des batailles aériennes de grande ampleur visant à vider le ciel des appareils soviétiques. De nos jours, elle est de plus en plus formatée pour remplir de monotones missions d’interdiction de l’espace aérien qui s’éternisent, conduire des frappes punitives périodiques ou s’engager dans des campagnes aériennes limitées à faible risque sans bavures comme Allied Force. Le nouveau concept de «Corps expéditionnaire aérien» de l’armée de l’Air lui fait passer au-dessus de la tête la classique campagne aérienne de conflit majeur.

Comme l’armée de Terre, l’armée de l’Air continue à mettre en œuvre des systèmes datant de la Guerre Froide dans ce nouvel environnement stratégique et opérationnel. Les avions de combat de l’armée de l’Air, le F-15 et le F-16, ont été conçus pour surpasser les appareils soviétiques plus nombreux. Les avions d’appui américains, de l’AWACS et du JSTARS, avions de commandement et aéronefs de guerre électronique, aux ravitailleurs, étaient censés opérer en tandem avec de grands nombres d’appareils américains. La mission première de la flotte des bombardiers américains était la dissuasion nucléaire. L’armée de l’Air a elle aussi commencé à se doter de nouvelles générations d’aéronefs de combat pilotés qui ont été conçus à la fin de la Guerre Froide. Le F-22 et, en particulier, l’avion de combat multirôle, sont une réponse à des cahiers des charges établis il y a longtemps. Inversement, la décision d’arrêter le programme du bombardier B-2 a été prise bien avant que ses capacités de plate-forme de tir de précision à longue portée aient été mises en évidence. À l’occasion de l’opération Allied Force, les commandants en chef régionaux ont commencé à reconsidérer la façon dont une telle capacité pouvait répondre à leurs besoins. De plus, l’armée de l’Air devrait réévaluer ses besoins en un plus grand nombre de systèmes d’armes à longue portée. Dans certaines régions, la capacité à opérer depuis des aérodromes tactiques pose de plus en plus de problèmes. Dans d’autres, en particulier en Asie orientale, le théâtre est tout simplement si étendu que même les frappes «tactiques» qu’on y conduit demandent des capacités de tir à longue portée. En somme, l’armée de l’Air a commencé son adaptation aux nouvelles conditions de l’époque actuelle, mais elle est loin d’avoir fini de mettre en œuvre les nécessaires changements de posture, de structure ou de programmes. De plus, l’armée de l’Air est trop réduite, en particulier sa flotte d’avions d’appui; elle n’est pas tout à fait en mesure de conduire des opérations soutenues pour conserver aux États-Unis leur prééminence militaire. On a réduit ses budgets d’équipement et ses chefs ont réduit les achats de pièces détachées, d’avions d’appui et même le remplacement des chasseurs actuels dans le but de maintenir sur les rails le programme F-22. L’armée de l’Air a beau rester l’élément le plus souple et le plus réactif de la puissance militaire américaine, il faut la restructurer, la redéployer, lui redonner du tonus et en accroître la taille pour lui permettre de rester «la puissance mondiale de portée mondiale». Il lui faudrait notamment : Se redéployer pour refléter les changements en matière de politique internationale. Il faudrait déployer des escadres aériennes composées d’un large éventail d’aéronefs remplissant les fonctions de guerre électronique, de commandement embarqué, et d’autres appareils d’appui en Italie, au sud-est de l’Europe, en Turquie centrale et peut-être orientale, dans le Golfe Persique et en Asie du Sud-Est. Réaligner les unités de l’armée de l’Air qui subsistent en Europe, en Asie et aux États-Unis pour optimiser leurs capacités à conduire des campagnes aériennes simultanées de grande envergure. Investir de manière sélective dans les générations actuelles d’avions de combat et d’appui pour permettre aux flottes de F-15 et de F-16 de perdurer, acheter des nouveaux systèmes d’avionique pour les avions de combat destinés aux missions spéciales, augmenter la taille prévue des flottes d’AWACS et de JSTARS et d’autres avions d’appui électronique ainsi qu’augmenter le stock des armes guidées de précision. Concevoir des plans visant à augmenter les flottes d’avions d’appui de guerre électronique comme par exemple lancer le Wild Weasel, l’avion de brouillage conçu sur la base du F-15 E. Restaurer les conditions d’une armée de l’Air normale en augmentant ses effectifs en personnel, en reconstituant son corps de pilotes et de sous-officiers expérimentés en entretien du matériel, en augmentant les spécialités de soutien comme le renseignement et la police spécialisée et en relançant la fonction «instruction et entraînement». Il faut augmenter les effectifs d’active d’environ 30 000 à 40 000 hommes et l’armée de l’Air pourra rebâtir une structure de 18 à 19 escadres aériennes d’active et l’équivalent de 8 escadres de réserve.

 

 

 

État des lieux de l’armée de l’Air

 

 

Comme l’armée de Terre, l’armée de l’Air a au cours des dernières années rempli des missions radicalement différentes de celles qui lui étaient dévolues du temps de la Guerre Froide. Les années qui ont suivi la chute du mur de Berlin ont été rien de moins qu’imprévisibles. En 1997, l’armée de l’Air a déployé quatre fois plus de troupes qu’en 1989, dernière année de la Guerre Froide, mais avec un tiers de personnel d’active en moins. La modernisation s’est gravement ralentie. Dans de telles conditions, les choix qui ont été faits en matière de construction d’une force de combat destinée à la guerre se sont avérés être un handicap. Comme l’a déclaré Thomas Moorman, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’Air de 1994 à 1997 : Aucun de nous ne croyait, à la fin de la Guerre Froide, que nous aurions à conduire les opérations Northern Watch et Southern Watch en 1998. La Bosnie est toujours là – tout le monde au sein de l’armée de l’Air y a servi depuis 1995… Ajoutez cela à ce que nous avons vu émerger en particulier en Iraq. Saddam Hussein s’est montré très efficace pour tirer sur la corde et nous avons connu trois déploiements majeurs dont le dernier a été très • • • important. Il s’agissait de 4 000 hommes et 100 aéronefs. Et nous y sommes restés beaucoup plus longtemps que nous ne l’avions imaginé au départ. Le résultat est que «l’aptitude opérationnelle de l’armée de l’Air est en train de baisser, et ce n’est pas une anecdote, c’est un fait», déclare le général Michael Ryan, le chef d’état-major de l’armée de l’air. D’après Ryan, depuis 1996, l’armée de l’Air a connu «une dégradation générale de 14 % de l’aptitude opérationnelle de ses principales unités opérationnelles.» Et les chefs de l’armée de l’Air ont beau prétendre qu’elle maintient toutes ses unités au même niveau de préparation, c’est-à-dire qu’elle ne pratique pas l’aptitude «étagée» comme le fait la Marine où les unités de première intervention ont la préférence en matière de dotations, le niveau d’aptitude des unités basées en métropole est descendu au-dessous de celles déployées outre-mer. Par exemple, l’Air Combat Command [Commandement des forces aériennes tactiques], le commandement principal de l’aviation tactique basée aux États-Unis, a vu son aptitude opérationnelle baisser de 50 %, à comparer à la baisse générale de 14 % de l’armée de l’Air toutes unités confondues. Ces problèmes d’aptitude opérationnelle résultent d’un rythme d’engagements qui érode l’armée de l’Air lentement mais sûrement. Une étude conduite en 1998 par la Rand Corporation intitulée «Air Force Operations Overseas in Peacetime: OPTEMPO and Force Structure Implications» [les opérations outre-mer de l’armée de l’Air en temps de paix] a conclu que l’armée de l’Air est aujourd’hui tout juste suffisante pour remplir la mission actuelle d’interdiction d’espace aérien et d’autres missions de police, à l’exception de toute participation à un conflit majeur. Alors que le ministère de la Défense a dû finir par admettre la charge qui pèse sur les AWACS et d’autres aéronefs spécialisés, l’étude a montré que «les avions spécialisés connaissent un taux d’emploi largement supérieur à ce que la structure actuelle de la force est susceptible de pouvoir endurer à long terme.» L’étude a aussi révélé que la force d’avions de combat actuelle a elle aussi atteint ses limites. Selon les estimations actuelles, la structure de l’aviation de combat «est aujourd’hui en mesure de faire face aux exigences de maintien de la paix, mais avec de maigres réserves – tout juste un tiers d’escadron (8 appareils) de plus que la demande.» Une autre mission d’interdiction de zone, comme celle actuellement conduite dans les Balkans par exemple, «ne pourrait être remplie dans la durée sans de grandes difficultés.» D’après Ryan, l’accumulation de ces missions de police a un effet désastreux sur l’armée de l’Air. : Nos hommes et nos femmes sont chaque année séparés de leurs garnisons et de leurs familles pendant des durées imprévisibles et assez longues, ce qui a un impact négatif sur le taux de rengagement. Notre gestion du personnel en métropole n’est plus adaptée et la charge de travail s’est accrue en raison des départs fréquents en mission alors que le travail doit continuer au même rythme dans les garnisons de métropole. Nos unités qui se déploient hors métropole doivent emporter beaucoup plus de moyens d’infrastructure dans les bases qu’elles installent à l’extérieur. La protection des infrastructures et la sécurité élémentaire de la mission des unités déployées à l’extérieur sont un souci majeur. Les exigences qui pèsent sur nos petites unités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, ou celles de recherche et de sauvetage au combat se sont très fortement accrues. Elles sont correctement dimensionnées pour les conflits majeurs sur deux théâtres d’opérations, mais certaines ne sont pas adaptées à des opérations de circonstance multiples et de grande ampleur. En raison de la nature imprévisible des engagements de circonstance, on a élargi les programmes d’entraînement, ce qui fait que les unités ne peuvent pas toujours suivre la préparation jusqu’à son terme avant de partir en mission d’appui ou de soutien. Comme on ne peut pas prévoir ces mêmes opérations de circonstance, il devient beaucoup plus difficile d’employer les unités de réservistes, dont beaucoup ont besoin de temps pour organiser leur absence avec leurs employeurs civils avant de pouvoir rejoindre leurs affectations en mobilisation dans l’armée de l’Air. L’accumulation de ces tensions a causé tout un ensemble de difficultés pour l’armée de l’Air : le recrutement et la conservation du personnel clé, en particulier les pilotes, est devenu problématique comme jamais auparavant; sa flotte d’appareils, en particulier les avions d’appui, vieillissent de façon significative. Le manque de pièces détachées ajouté à celui des sous-systèmes électroniques et des munitions de haute technicité limite les missions tant opérationnelles que d’entraînement et d’instruction, ce qui fait que le niveau d’entraînement au combat a baissé. Même l’entraînement habituel en métropole s’est trouvé affecté au cours des dernières années, ainsi que les exercices majeurs de combat aérien. La faiblesse du budget d’instruction, explique Ryan, a pour conséquence que «les équipages ne sont plus capables de répondre à de nombreuses exigences de l’entraînement. Et l’instruction sur la menace va atteindre un niveau très bas qui n’a plus rien de réaliste. Les équipages vont développer un sentiment trompeur de sécurité s’ils s’entraînent face à une menace qui n’a rien de réaliste». De la même façon, le programme de l’armée de l’Air pour assurer à ses pilotes l’entraînement avec «plastron»9 n’est plus que l’ombre de ce qu’il était : au cours des années 1980, il y avait un avion plastron pour 35 avions de l’armée de l’Air. Aujourd’hui le rapport est d’un pour 240. La fréquence à laquelle les pilotes de l’armée de l’Air participent à des exercices «Red Flag» [des exercices de combat avec plastron] est tombée d’un par an à un tous les 18 mois. Les difficultés de l’armée de l’Air se sont aggravées du fait de l’arrêt des achats au cours des années 1990. Le vieillissement catastrophique de la flotte de l’armée de l’Air et l’accroissement des coûts et des charges d’entretien résultant de l’usure des appareils, de la corrosion et de l’obsolescence des pièces, est le deuxième facteur de chute de l’aptitude opérationnelle de l’armée de l’Air. Au tournant du siècle, l’âge moyen des avions sera de 20 ans et en 2015, même si l’on introduit le F-22 et l’avion de combat multirôles, même si l’on continue à acheter des avions de la gamme actuelle comme le C-17, l’âge moyen de la flotte sera de 30 ans. La différence de coût d’entretien au sol entre les modèles les plus anciens de F-15, les type A et type B – âgés d’environ 21 ans en moyenne – dont l’entretien revient à 1,9 millions de dollars par avion et par an, et les plus récents F-15E âgés de 8 ans, dont l’entretien revient à 1,3 million par avion et par an, ce qui représente une différence de 37 %, illustre bien la surcharge de dépense qu’occasionnent les appareils plus anciens. Mais ce qui coûte peut-être le plus cher dans une flotte vieillissante, c’est que peu d’avions sont aptes au combat. Le taux global d’«inaptitude opérationnelle» ou d’avions cloués au sol dans l’armée de l’Air est passé de 17 % en 1991 à 25 % aujourd’hui. Ce taux continue de croître malgré le fait que le personnel d’entretien de l’armée de l’Air travaille toujours plus intensément et plus longtemps pour maintenir les avions à niveau. La cannibalisation, qui consiste à remplacer les pièces d’un avion qu’on veut garder en état de vol par celles d’un avion en cours de réparation, s’est accrue de 58 % entre 1995 et 1998. Certaines des difficultés de l’armée de l’Air sont une conséquence de la réduction de son budget d’approvisionnement associée à la volonté de l’armée de conserver le programme F-22 sur les rails autant que faire se peut. Les dépenses engendrées par le «Raptor» ont forcé l’armée de l’Air à procéder à des coupes répétées dans d’autres programmes budgétaires, portant non seulement sur de nouveaux avions mais aussi sur des approvisionnements en pièces détachées et sur les effectifs. Le manque de pilotes tient en partie à des décisions relatives au maintien de financement du F-22. Ces effets se doublent de changements dans le type d’opérations de l’armée de l’Air au cours des dix années écoulées. Les avions d’appui tels l’AWACS, le JSTARS, les avions de guerre électronique et les ravitailleurs ont tous été conçus pour opérer de concert avec un grand nombre d’avions tactiques en des opérations de grande envergure. Or, maintenant, on les engage le plus souvent avec seulement quelques avions de chasse ou d’attaque en des opérations d’interdiction de l’espace aérien et d’autres opérations de circonstance. Il en résulte que le Pentagone dans ses points de situation interarmées les étiquette comme systèmes d’armes «fortement demandés en faible densité». En d’autres termes, ils sont trop peu nombreux pour faire face aux demandes de missions. Le programme de modernisation de l’armée de l’Air se doit pourtant de tenir complètement compte de ce phénomène. Par exemple, la demande officielle en JSTARS est passée de 19 à 13 appareils. Ce n’est que tardivement qu’on a admis que le besoin est plus élevé. De la même façon, on a réduit le programme d’acquisition de C-1710 de 210 à 120 appareils. En fait, il est vraisemblable que, compte tenu des besoins qui apparaissent, 210 avions C-17 ne suffiront pas. D’une manière globale, il faut entièrement reprendre le programme de modernisation de l’armée de l’Air à la lueur de nouvelles missions et de ce qu’elles vont imposer.

 

 

 

Les forces prépositionnées

 

Il faut également revoir le déploiement général de l’armée de l’Air. Actuellement, elle entretient l’équivalent de deux escadres aériennes et demie en Europe occidentale, une escadre dans le Pacifique, basée au Japon, une demi-escadre composite semipermanente forte de 100 appareils disséminés dans toute la région du Golfe et un morceau d’escadre sur la base aérienne d’Incirlik en Turquie centrale. Même si l’on tient compte de leur souplesse inhérente et de l’éventail d’avions dont elles disposent, ces forces actuelles doivent être complétées par de nouvelles bases prépositionnées, de nouvelles bases permanentes et un réseau de bases de circonstance qui permettraient à l’armée de l’Air d’augmenter l’efficacité des flottes d’appareils actuelles et à venir au fur et à mesure que s’étend le périmètre de sécurité des États-Unis. En Europe, il faudraitrenforcer les forces existantes par des avions d’appui supplémentaires allant d’une flotte de C-17 et de ravitailleurs à des AWACS, des JSTARS et d’autres avions d’appui électronique. Il faudrait compléter les forces actuelles, encore organisées en escadres traditionnelles, par une escadre composite basée en permanence à Incirlik en Turquie, base qu’il faudrait améliorer de façon substantielle. On pourrait aussi renforcer les capacités de l’escadre aérienne d’Aviano, en Italie, au moment où ses installations s’étendent. En outre, il faudrait que l’armée de l’Air établisse un cahier des charges pour une petite escadre analogue installée au sud-est de l’Europe. Il faut à terme renforcer l’armée de l’Air américaine en Europe de l’équivalent d’une à deux escadres et demie. En outre, il faut apporter des améliorations aux bases aériennes existantes dans les nouveaux pays membres de l’Otan et dans ceux qui vont la rejoindre afin de permettre des déploiements rapides, des exercices hors programmation et des opérations préliminaires renforcées en temps de crise. Il faudrait que ces préparatifs comprennent une modernisation des installations de contrôle aérien, de ravitaillement en carburant et de dépôts d’armement, et peut-être le prépositionnement de petits stocks de munitions ainsi que suffisamment d’espace pour loger des renforts lors d’opérations. Il faudrait aussi améliorer les installations existant en Angleterre pour permettre la mise en œuvre des bombardiers B-2 en temps de crise, afin d’augmenter le taux de sorties des appareils en cas de besoin. Dans la région du Golfe Persique, il faudrait que la 4 044e escadre continue à opérer comme elle l’a fait au cours de la plus grande partie de la dernière décennie. Il faudrait cependant que l’armée de l’Air prenne plusieurs mesures en vue d’améliorer sa conduite des opérations tout en tenant compte des sensibilités politiques locales. Pour alléger la tension liée aux rotations constantes, l’armée de l’Air pourrait envisager de faire davantage appel à des contractuels civils de droit américain dans les missions de soutien, peut-être dans le domaine de l’entretien des avions ou pour renforcer la sécurité. Bien que cela augmente le coût de ces opérations, cela pourrait aussi inciter les Saoudiens, les Koweïtis et les dirigeants des autres pays du Golfe à prendre une plus grande part des coûts engendrés tout en réduisant la présence militaire américaine au niveau minimal. Dans le même temps, apporter de nouvelles améliorations à la Base de Al Kharj en Arabie saoudite – en particulier pour améliorer la qualité de vie des aviateurs et permettre un meilleur entraînement au combat – garantirait les investissements complémentaires tant américains que saoudiens. La présence de l’armée de l’Air dans la région du Golfe est vitale pour la stratégie militaire américaine, et il faut que les États-Unis y envisagent, de fait, une présence permanente même s’ils doivent trouver des moyens pour alléger les embarras que la présence américaine pose aux Saoudiens, aux Koweïtis et aux pays de la région. Mais c’est en Asie orientale que l’armée de l’Air doit chercher à accroître ses capacités et sa portée. Elle dispose actuellement d’environ deux escadres fortes des avions stationnés dans trois bases au Japon et en Corée. Comme l’armée de Terre, l’armée de l’Air est concentrée en Asie du Nord-Est et manque de présence permanente en Asie du Sud-Est, ce qui limite son allonge dans la région. L’armée de l’Air dispose aussi d’une escadre de F-15 en Alaska qui fait officiellement partie, elle aussi, de la force du Pacifique. Il faut que l’armée de l’Air double grosso modo ses forces prépositionnées en Asie orientale, de préférence en dispersant ses bases au sud comme elle l’a fait au nord, peut-être en installant une escadre aux Philippines et en Australie. Comme en Europe, les opérations de l’armée de l’Air en Asie orientale seraient grandement améliorées par une capacité à soutenir des opérations de bombardement à grande portée au départ de l’Australie, peut-être aussi en y incluant des installations spéciales d’entretien des B-2 et d’autres appareils furtifs. En outre, il serait sage de la part de l’armée de l’Air d’investir dans la remise à niveau des aérodromes régionaux qui permettent d’accueillir le déploiement de renforts et, incidemment, d’aider à nouer des liens avec les armées de l’Air de la région.

 

 

 

Les unités de l’armée de l’Air stationnées aux États-Unis

 

 

Même si l’armée de l’Air intensifie ses opérations et accroît la portée de ses interventions dans les régions clés du monde, il lui faut conserver aux États-Unis suffisamment de forces à déployer rapidement en temps de crise et se préparer à conduire le type d’engagements à grande échelle qui sont le fait des conflits de haute intensité ainsi qu’à réagir à des événements réellement imprévus. En fait, la mobilité et la souplesse de la force aérienne font pratiquement disparaître le distinguo entre les éléments de renfort et ceux destinés aux missions de circonstance. Il est cependant évident que la dimension actuelle de l’armée de l’Air en métropole, équivalente à environ huit à neuf escadres de chasse et quatre de bombardement, n’est pas adaptée à ces missions. De plus, les flottes d’avions d’appui de l’armée de l’Air sont trop peu dimensionnées pour faire face à des déploiements à grande échelle et à des opérations qui s’installent dans la durée. Les problèmes de structure de l’armée de l’Air sont le reflet des difficultés liées au type des appareils ainsi qu’à leur nombre. Par exemple, lorsque l’armée de l’Air a retiré du service les F4 «Wild Weasel» de lutte anti-DCA et ses avions de guerre électronique EF-111, leurs missions ont été respectivement reprises par des F-16 équipés de système HARM montés en nacelles et par des EA-6B «Prowlers» de la Marine et du Corps des Marines. Ceci a eu pour effet de réduire la taille de la flotte de F-16 disponible pour d’autres missions. Le F-16 a été conçu comme un avion multirôle mais le poids des équipements anti-DCA, même en opérations d’interdiction de survol, signifie que ces appareils ne sont que rarement en mesure de remplir d’autres missions et que leurs pilotes perdent leur entraînement. De la même façon, la perte des EF-111 a reporté toute la mission de brouillage sur la petite flotte de vieux «Prowlers» et fait perdre à l’armée de l’Air sa propre capacité de brouillage. La pénurie de tels appareils est si aiguë que pendant l’opération «Allied Force», les opérations d’interdiction de survol en Iraq ont été interrompues. La flotte de transport de l’armée de l’Air connaît le même sous-dimensionnement. Les besoins en moyens de transport établis au début des années 1990 n’ont pas pris en compte le rythme et le nombre des missions de circonstances du monde de l’après-Guerre Froide. On n’a pas non plus fait évoluer les besoins en fonction du reformatage de l’armée de l’Air, alors que cela a été fait de facto pour les corps expéditionnaires de l’armée de Terre et de la Marine, pas plus qu’on n’a pris en compte ceux exprimés dans le présent rapport. La nécessité d’opérer de façon plus dispersée va notablement accroître les besoins en transport aérien. De plus, les besoins de l’armée de l’Air en appareils d’appui dépassent les ressources de sa flotte actuelle. Comme l’a fait remarquer le Général d’armée aérienne Ryan, chef d’état-major de l’armée de l’Air, son armée est bien loin, dans de nombreux domaines, d’être en mesure de conduire «deux guerres» simultanément. Même dans les opérations quotidiennes d’interdiction de survol qui mettent en œuvre un nombre d’avions relativement faible, la nature de la mission impose l’emploi d’AWACS, de JSTARS et d’autres appareils d’appui électronique à longue portée, les EA-6B et les F-16 équipés de nacelles HARM, destinés au brouillage et à la lutte anti-DCA, ainsi que plusieurs ravitailleurs qui permettent d’allonger la durée des missions longue distance. Les ratios «appui/combat» de la Guerre Froide et d’opérations de grande envergure comme la campagne aérienne de l’opération «Desert Storm» ont été complètement inversés. Les besoins de l’armée de l’Air en de tels appareils pour les patrouilles de contrôle du périmètre ainsi que pour les missions de renforts dépassent largement les ressources de sa flotte actuelle. Aucune étude stratégique antérieure n’a examiné ces besoins. Bien qu’une telle analyse déborde du cadre de la présente étude, il est évident qu’un élargissement de la structure de l’armée de l’Air est nécessaire. Enfin, il faudrait réétudier la flotte des bombardiers à long rayon d’action de l’armée de l’Air. Comme nous l’avons évoqué plus haut, les opérations des B-2 au cours de l’opération «Allied Force» ne peuvent que conduire à un réexamen des besoins des Commandants Régionaux portant sur cet appareil.Toutefois, il est une autre caractéristique frappante des missions des B-2 durant la guerre du Kosovo : leur durée. Chaque frappe imposait une sortie de trente heures depuis la Base aérienne de Whiteman, dans le Missouri, avec les difficultés de soutien que cela représente. Le gros de la flotte de B-2 est réservé aux frappes nucléaires. En définitive, l’armée de l’Air n’a pas pu engager plus de deux B-2 par jour dans l’opération «Allied Force». Quelles que soient les qualités du B-2, son efficacité globale est étroitement obérée par le faible volume de la flotte et les difficultés qu’il y a à n’opérer que depuis la base de Witheman. Bien que le coût de la relance de la chaîne de fabrication du B-2 soit prohibitif, il est évident qu’il faudrait s’y résoudre. L’armée de l’Air peut accroître le «rendement» opérationnel des B-2 en implantant des aires outre-mer d’où pourraient opérer les B-2 en cas de besoin et en mettant sur pied une capacité projetable d’entretien de ces appareils. Au moment où l’armée de l’Air se penche sur sa future force de bombardement, elle devrait s’éviter un tel dilemme en mettant au point des successeurs au B-2. Et en tenant compte du peu de viabilité du volet «bombardier» du triptyque nucléaire américain, l’armée de l’Air pourrait chercher à ne plus avoir de bombardiers pris en compte dans le contrôle des armements et n’équiper ses B-52 et ses B-2 que pour les frappes conventionnelles. Au minimum, il faudrait renforcer l’armée de l’Air basée aux États-Unis par l’équivalent de deux escadres aériennes. Cependant, il faudrait mettre l’accent surtout sur les appareils qui représentent une «faible ressource pour une forte demande» et qui font maintenant tellement défaut. Cependant, alors qu’il existe une volonté d’alléger la pression sur l’actuelle flotte de combat, cela ne suffira pas à contrebalancer les effets du rythme élevé des opérations de la dernière décennie. Les flottes de F-15 et de F-16 sont en danger d’obsolescence absolue. Cela sera en partie compensé par la mise en service du F-22 dans l’arsenal de l’armée de l’Air, mais en tant qu’appareil de supériorité aérienne, le F-22 ne correspond pas aux missions actuelles de moindre intensité. L’armée de l’Air est en train d’acheter une nouvelle voiture de course alors qu’elle a aussi besoin d’un parc de camionnettes. Elle devrait acheter les nouveaux avions multirôle F15E et F-16. Le programme C-17 devrait être ramené à son niveau initial d’un achat de 210 appareils et l’armée de l’Air devrait faire face au besoin d’avions d’appui électronique supplémentaires tant à court terme qu’à plus long terme dans le cadre de ses efforts de réorganisation. Si le F-22 est loin d’être parfaitement adapté aux besoins du moment, la question de l’Avion de Combat Interarmées est tout autre chose. De plus, plus de la moitié de tout le programme F-22 a déjà été dépensé alors que l’engagement de dépense à ce jour sur l’ACI – bien que se montant déjà à des milliards de dollars – ne représente que la partie émergée d’un iceberg qui pourrait s’avérer représenter 223 milliards. Et plus importante que les défis techniques représentés par l’ACI ou que le coût total du projet, la question qui se pose est de savoir si un tel programme qui va relancer l’Amérique pour 50 ans de plus dans le domaine des avions de combat pilotés représente une décision opérationnelle sensée. En fait, comme cela apparaît dans la suite de notre étude sur la réorganisation des armées et la révolution dans le domaine militaire, il semble peu vraisemblable que le modèle actuel de guerre, dominé par les capacités des avions de combat pilotés, perdure longtemps. Un avion de combat interarmées au coût élevé, aux capacités limitées et qui présente un risque industriel significatif semble être un mauvais investissement à la lueur de ce qui précède. Il faut mettre fin à ce programme. Il s’agit d’un obstacle à la réorganisation et d’un tonneau des Danaïdes pour le budget de la défense.

 

La remise sur pied d’une armée de l’Air aux États-Unis en tant que force de combat de grande envergure va compliquer les plans de cette armée pour se réorganiser elle-même en vue de faire face aux exigences des opérations d’intervention. Mais la multiplication des bases outre-mer devrait grandement réduire, si ce n’est faire disparaître, le poids des rotations en opérations de circonstances. Étant donné la mobilité et la souplesse qui lui sont inhérentes, l’armée de l’Air sera la première force américaine à arriver sur le théâtre d’opérations en temps de crise. En tant que telle, elle se doit de conserver la capacité à déployer et à soutenir suffisamment d’appareils pour dissuader les velléités guerrières et modeler n’importe quel conflit dès ses débuts. En effet, c’est l’armée de l’Air qui reste, avec l’armée de Terre, le noyau de la capacité de l’Amérique à mettre en œuvre une force militaire décisive quand elle le juge bon. Se priver de cette capacité à donner un rapide coup de massue revient à perdre la composante essentielle de la prééminence militaire américaine.

 

 

 

Moderniser l’Armée de l’air et ses budgets

 

 

Comme pour l’armée de Terre, les budgets de l’armée de l’Air ont été réduits de manière importante au cours de la dernière décennie, même si l’armée de l’Air a reçu des missions nouvelles et inattendues et essaie de lutter contre les implications des missions outre-mer. Au sommet de l’ère Reagan, en 1985, elle s’est vue autorisée à dépenser 140 milliards de dollars. En 1992, le premier budget de l’après-Guerre Froide est tombé à 98 milliards. Au cours des années Clinton, les budgets de l’armée de l’Air sont tombés à un minimum de 73 milliards. La demande de l’administration pour 2001 était de 83 milliards. Tous ces chiffres sont en dollars constants à la valeur de l’année budgétaire 2000. Au cours de cette période, les chefs de l’armée de l’Air ont fait l’impasse sur nombre d’autres projets essentiels pour assurer la continuité du programme F-22. Rien que pour remettre l’armée de l’Air en condition – corriger les insuffisances budgétaires des dernières années ainsi que les distorsions internes dues aux décisions de commandement – il faudra du temps et une importante augmentation des dépenses. Il faut progressivement revenir au niveau des engagements de dépenses de 110 à 115 milliards de dollars pour augmenter les effectifs de l’armée de l’Air, mettre sur pied de nouvelles unités, en particulier les escadres composites qu’imposent les «missions aériennes de maintien de l’ordre» comme l’interdiction de survol. À quoi il faut ajouter les capacités d’appui nécessaires au renfort de la flotte d’avions tactiques, le retour aux investissements dans le domaine spatial ainsi que les moyens que demande le début du processus de réorganisation. Il faudrait poursuivre le programme du F-22 Raptor pour fournir l’équivalent de trois escadres d’avions et pour mettre au point et acheter les munitions nécessaires à l’accroissement de la capacité du F-22 à remplir des missions de frappes aériennes. Quoique l’avion ait des capacités limitées d’emport de bombes, l’amélioration des munitions pourrait accroître son intérêt en tant qu’appareil d’attaque. Les besoins en transport stratégique se sont accrus de manière exponentielle depuis la fin de la Guerre Froide, tant en termes de volume d’emport qu’en nombre de plateformes de transport aérien stratégique. Il se pourrait bien que les exigences en transport aérien stratégique soient aujourd’hui supérieures à celles des années 1990, époque où le programme du C-17 a été ramené de 210 appareils à ce qu’il est aujourd’hui, à savoir 120 appareils seulement. Les capacités du C-17 à se poser sur des pistes courtes en font un avion de transport à la fois stratégique et tactique. Ou plus exactement, il est le premier avion de transport capable de déploiements stratégiques sur des théâtres rustiques, comme au Kosovo. De la même manière, les cahiers des charges des AWACS, JSTARS, «Rivet Joint» et autres appareils d’appui et de guerre électronique ont été établis pendant la Guerre Froide ou avant que les caractéristiques de la période actuelle ne soient clairement perceptibles. Ces appareils ont été conçus pour opérer en liaison avec de nombreux avions de combat alors qu’aujourd’hui ils sont engagés au profit de très petites formations en missions d’interdiction de survol, voire pratiquement seuls dans des missions de collecte du renseignement dans le cadre de la lutte contre la drogue. Comme pour le C-17, il est vraisemblable qu’une véritable estimation des besoins actuels conduirait à accroître la flotte de ce type d’avions au-delà de ce qui était admis du temps de la Guerre Froide. En somme, le processus de reconstruction de l’armée de l’Air actuelle, outre qu’il doit compenser le «taux d’attrition» des F-15 et des F-16 et poursuivre le programme F-22, consiste tout d’abord en la mise sur pied des différentes capacités d’appui qui viendront en complément de la flotte de combat.

 

A la lueur de la campagne aérienne du Kosovo, l’armée de l’Air devrait aussi reconsidérer la question des bombardiers stratégiques. Tant les succès que les limites du B-2 au cours des opérations qu’il a conduites dans le cadre de l’opération «Allied Force» conduisent à penser qu’on a sous-estimé l’utilité des bombardiers à long rayon d’action, non seulement dans les conflits majeurs mais aussi dans les opérations de police et de représailles. Il n’entre pas dans le cadre de cette étude de préciser s’il faut relancer les chaînes de production du B-2 ou accélérer les programmes de conception d’un nouveau bombardier qui pourrait être un appareil sans pilote. Dans le même temps, il est peu vraisemblable que la flotte de bombardiers actuelle, essentiellement constituée de B-1B et d’une flotte de B-52 vieillissante et timorée ainsi que des quelques B-2 qui pourront être disponibles pour des opérations conventionnelles, soit la mieux adaptée pour faire face à ces besoins nouveaux. Pour tendre vers l’objectif qui consiste à être une force à portée réellement planétaire – et qui tienne dans la durée – l’armée de l’Air se doit de rebâtir sa flotte de ravitailleurs. Quelles que soient les capacités des bombardiers à l’allonge stratégique11, soutenir une campagne aérienne de grande envergure revient inévitablement à s’appuyer sur des avions tactiques. Comme l’a montré la campagne du Kosovo, la capacité en ravitaillement aérien est souvent le caractère restrictif de ces opérations de grande envergure. La doctrine actuelle de l’armée de l’Air, qui consiste à mettre en œuvre des ravitailleurs qui ont soixante-quinze ans d’âge12, est incompatible avec la mise sur pied d’une flotte à l’allonge planétaire. Enfin, il faudrait que l’armée de l’Air emploie une partie de l’augmentation de son budget et les économies qu’elle ferait en abandonnant le programme d’avion de combat interarmées pour accélérer sa réorganisation interne et y inclure de nouvelles capacités spatiales. La capacité à accéder à l’espace, à y opérer et à dominer le théâtre aérospatial est devenu le passage obligé de la guerre moderne de haute technicité. En fait, comme nous l’abordons plus loin, la maîtrise de l’espace peut s’avérer si primordiale pour la défense de la prééminence militaire des États-Unis qu’elle pourrait imposer la création d’une nouvelle armée distincte des trois autres. La façon dont l’armée de l’Air relèvera les nombreux défis qui se présentent à elle, même si on augmente ses budgets, fera beaucoup pour déterminer si les forces armées américaines garderont ou non les capacités de combat qui sont les leurs aujourd’hui.

 

 

 

Une nouvelle route pour la Marine

 

 

La fin de la Guerre Froide laisse la Marine américaine dans une situation de suprématie absolue en haute mer, domination qui dépasse celle même de la Marine britannique au XIXème siècle et au début du XXème. Maintenant que ce qui reste de la Marine soviétique rouille dans les ports, la haute mer appartient à l’Amérique et les lignes de communication sont ouvertes des côtes des États-Unis à l’Europe, au Golfe Persique et à l’Asie orientale. Pourtant, ce succès même conduit à devoir remettre en question l’articulation actuelle de cette force. De plus, les progrès des techniques de frappes de précision peuvent vouloir dire que les unités de combat de surface et en particulier les porte-avions à grand pont d’envol qui sont les unités de premier plan de la Marine ne survivront pas aux guerres de haute technicité des décennies à venir. Enfin, la nature et le schéma des missions de présence navale pourraient bien être en décalage avec les réalités stratégiques. En somme, bien que la Marine n’ait pas d’égale aujourd’hui, ses concepts d’opérations qui ont conduit à d’incontestables succès dans le passé doivent faire face à des défis majeurs. Comme pour l’armée de Terre, la capacité de la Marine à relever ces défis s’est trouvée encore plus obérée par le rythme élevé des opérations actuelles. Comme exposé dans la première section du présent rapport, la Marine a rompu l’équilibre entre le service en mer et le service à terre, mettant la pression sur ses marins et compliquant les cycles d’entraînement. Les unités à terre ne disposent plus du personnel, du matériel ni des occasions nécessaires à l’entraînement. Ce qui fait que lorsqu’elles partent en service en mer, elles ont un niveau de préparation inférieur à celui qu’elles avaient auparavant. La modernisation a, elle aussi, fait les frais du maintien du niveau opérationnel des unités en mer lors de la réduction des moyens de la Défense intervenue au cours de la dernière décennie. Comme l’a récemment reconnu H. Lee Buchanan, autorité supérieure des approvisionnements de la Marine, «Après la montée en puissance des années 80, nous avons à la fin de la Guerre Froide complètement cessé la modernisation pour financer la capacité opérationnelle à court terme [et]… notre ligne budgétaire d’approvisionnement a plongé de 70 %. Il en est résulté un vieillissement du matériel de base de la force et très peu d’investissements dans la modernisation.» D’après l’Amiral Jay Johnson, Sous-chef13 Opérations de la Marine qui a pris récemment sa retraite, la Marine des États-Unis est en danger de se retrouver avec une flotte dont le nombre d’unités aura glissé au-dessous de 300 bateaux, ce qui ferait courir «un risque inacceptable» à l’exécution des missions qu’impose la stratégie militaire nationale. Malheureusement, ajoute-t-il, «Le rythme de construction des navires ne suffit pas à ne serait-ce que maintenir ce nombre d’unités pour les décennies à venir.» Il en résulte que la Marine essaie de remplir un éventail complet de missions de présence en employant des unités de combat conçues pour les dernières années de la Guerre Froide. Il faut qu’elle s’engage dans un processus compliqué de remise à niveau et de réorganisation. Une décennie d’intensification des opérations et de réduction des investissements a mis à genou les flottes qui ont gagné la Guerre Froide. Les nouvelles missions exigent de nouvelles méthodes et de nouveaux schémas d’opérations, avec un accent sur l’Asie orientale. Pour faire face aux besoins stratégiques actuels en puissance navale, il faut reconstruire la Marine selon le nouveau cahier des charges présenté ci-après : S’adapter au glissement progressif du recentrement des soucis stratégiques américains vers l’Asie orientale, une grande partie de la flotte comprenant deux tiers de groupes aéronavals devant être concentrés dans le Pacifique. Créer une nouvelle base avancée permanente en Asie du Sud-Est. La Marine doit entamer une mutation qui la rende moins dépendante des opérations aéronavales et réduire sa flotte de 12 à 9 porte-avions dans les six années à venir. Il faut imposer un moratoire sur la construction de porte-avions après l’achèvement du CVN-77, ce qui permettra à la Marine de conserver une force de 9 porte avions jusqu’en 2025. Il faut continuer les études sur un futur porte-avion CNX mais orientées vers une évolution radicale visant à introduire la mise en œuvre d’une escadre composée essentiellement d’aéronefs sans pilote. Il faut que la Marine mène à son terme le programme F/A18E/F, remette en état et modernise ses avions d’appui, examine l’utilité d’une version embarquée du F-22 de l’armée de l’Air, mais laisse le programme d’avion de combat interarmées au stade d’étude jusqu’à ce qu’on comprenne mieux quelles seront les conséquences de la révolution dans le domaine militaire pour la guerre navale. Pour compenser la réduction du rôle des porteavions, il faut que la Marine accroisse légèrement ses flottes actuelles de bateaux de combat de surface et de sous-marins pour améliorer ses capacités de frappe le long des côtes et remplir un nombre accru de missions de présence en liaison avec des groupements tactiques de surface. Il faut aussi investir davantage dans la guerre antimine.

 

 

 

État des lieux de la Marine actuelle

 

 

La première mesure à prendre pour conserver la prééminence maritime actuelle des États-Unis est de remettre à niveau aussi rapidement que possible la flotte actuelle. Bien que le déploiement de la Marine aujourd’hui n’ait pas aussi profondément évolué que celui de l’armée de Terre ou de l’armée de l’Air – les diverses branches de la Marine se sont depuis longtemps dotées d’un personnel entraîné et du matériel adapté aux rigueurs de longs déploiements en mer – le nombre des missions a augmenté alors que le volume de la Marine s’est réduit. La Marine fait face à un problème d’équipement en navires et de modernisation encore plus grave qui, s’il n’est pas pris en compte immédiatement, alourdira cette crise dans la décennie à venir. Ainsi, comme les autres armées, la Marine est de plus en plus mal préparée aux missions actuelles et à venir. Depuis plusieurs années, l’amiral Johnson a admis qu’elle «n’a jamais été dimensionnée pour conduire deux guerres sur deux théâtres majeurs différents», ce qui signifie que, depuis la réduction de l’effort de défense, la Marine n’est pas assez puissante pour répondre aux exigences de la stratégie militaire nationale actuelle. D’après Johnson, «l’Etude Quadriennale de Défense a conclu qu’une flotte d’un peu moins de 300 unités suffit aux besoins à court terme et se trouve en risque acceptable. Toutefois, depuis lors, trois années d’opérations à une cadence élevée conduisent à conclure que ce volume de la flotte ne permettra pas de faire longtemps face au rythme actuel de campagnes». Même si la taille de la Marine est tombée à à peine plus de la moitié de celle qu’elle avait pendant la Guerre Froide, le rythme des opérations s’est tellement accru qu’elle connaît des difficultés en matière de capacité opérationnelle et de niveau des effectifs. Ces difficultés sont telles que les forces navales prépositionnées, les groupes aéronavals de porte-avions qui sont actuellement le cœur de la mission de présence de la Marine, partent en mer en grave sous-effectif. Lorsque le groupe aéronaval du porte-avions USS Lincoln a tiré des missiles de croisière Tomahawk sur des camps de terroristes en Afghanistan et sur ce qu’on pensait être une usine d’armes chimiques au Soudan, il comptait 12 % de personnel en moins par rapport à son précédent déploiement. De la même façon, au cours de la confrontation de 1998 avec l’Iraq, la Marine a dépêché trois porte-avions dans le Golfe Persique. L’USS George Washington s’est déployé dans le Golfe avec 4 600 hommes, presque 1 000 de moins que lors de sa précédente mission dans la région deux ans auparavant. Le porte-avions USS Independence, envoyé sur court préavis depuis sa base permanente au Japon, a appareillé avec seulement 4 200 hommes et a eu besoin d’un renfort d’urgence d’environ 80 marins rien que pour pouvoir armer les postes de combat. L’USS Nimitz, déjà dans le Golfe, comptait 400 hommes de moins que lors de sa précédente mission. La Marine a également dû lancer deux appels urgents à des volontaires dans le port d’attache du bateau. Il s’agit là d’une tendance inquiétante. Aujourd’hui plus que jamais, les opérations de la Marine américaine tournent autour du groupe aéronaval de porte-avions. En fait, la capacité à mener des opérations complémentaires, voire des entraînements indépendants des opérations de groupe aéronaval, est de plus en plus réduite. Or le processus qui consiste à rassembler les éléments d’un groupe aéronaval, le porte-avions lui-même, son escadre aérienne, ses escorteurs, ses sousmarins et le groupe amphibie que lui fournit le corps des Marines, devient aussi un défi difficile à relever. Amener un groupe aéronaval au niveau élevé de capacité opérationnelle qu’exigent les déploiements en mer est une tâche complexe et qui demande de la rigueur et met en jeu des dizaines de milliers de personnes sur une période de dix-huit mois. Officiellement appelée «cycle d’entraînement inter déploiement» et plus souvent surnommée «la baignoire», cette période est déterminante pour l’aptitude opérationnelle en mer. Il faut revoir et remettre à niveau le matériel, affecter et réaffecter le personnel et conduire l’entraînement des savoirfaire individuels jusqu’aux opérations complexe du groupe aéronaval. Les restrictions et les coupes que connaissent les cycles inter déploiement ont pour conséquence une diminution de l’aptitude opérationnelle en mer. Et, ce qui est essentiel et de la dernière importance pour la santé d’une force entièrement composée de volontaires, les marins doivent recréer les liens et les relations avec leurs familles qui leur permettent de se concentrer sur leurs missions quand ils sont en mer.

 

Les chefs de la Marine ont beau avoir récemment mis l’accent sur les coupes dans cet entraînement inter déploiements, il est évident que le report des opérations d’entretien et des entraînements a un effet néfaste croissant sur l’aptitude opérationnelle en mer. Par suite, les groupements tactiques navals sont obligés de conduire leur entraînement en cours de mission faute de l’avoir fait avant l’appareillage. Et avec 52 % de ses bateaux à flot, en comptant ceux qui sont à l’entraînement et 33 % effectivement déployés en mer, à comparer avec les normes de 42 % en mer dont 21 % en opérations, les chefs de la Marine observent une réduction de leurs groupes aéronavals en jouant sur le nombre des escorteurs. Le plus inquiétant est que se réduit la capacité de la Marine à lancer des flottes importantes en temps de guerre – ce qu’exige le contrat d’une capacité à conduire deux guerres. Comme l’a déclaré l’Amiral Johnson au Congrès : Pratiquement n’importe quel scénario de guerre sur un théâtre majeur exigerait le déploiement rapide de forces depuis les États-Unis. En raison de la profondeur toujours plus grande de la «baignoire» dans notre posture de capacité opérationnelle, il est très vraisemblable que ces forces de deuxième échelon n’atteindraient pas assez rapidement le volume souhaité. Des soucis quant à l’aptitude opérationnelle des unités en base arrière ont été un facteur déterminant de la conclusion du Chef d’état-major des Armées, ce qui l’a conduit à faire passer son évaluation du risque d’un scénario de deux guerres du niveau «modéré à élevé». Cette évaluation a incité le successeur de Johnson, l’Amiral Vernon Clark, ancien commandant de la flotte de l’Atlantique qui a été confirmé en juin comme Sous-chef Opérations de la Marine, à esquisser une réallocation majeure des ressources en vue d’améliorer l’aptitude opérationnelle des groupes aéronavals; celle-ci n’a pourtant atteint que le niveau «C-2», ce qui est loin du maximum. «Pour moi, l’aptitude opérationnelle est LA priorité» a déclaré Clark dans son exposé de confirmation. «Cela revient simplement à prendre soin d’une Marine dans laquelle le peuple américain s’est déjà investi». Seulement, si Clark à raison à propos des difficultés croissantes de la Marine à conserver son niveau opérationnel actuel, un nuage encore plus sombre se profile à l’horizon. La «vacance d’achats» de la Marine au cours de la dernière décennie a laissé cette armée face à un sérieux problème d’obsolescence générale pour les dix ans à venir. Si on ne renverse pas la tendance, la Marine sera trop petite pour faire face à ses engagements dans le monde. Tant dans son programme de navires majeurs que dans son programme d’aéronefs, la Marine a acheté trop peu de moyens de soutien même pour la flotte réduite de l’après Guerre Froide que l’Etude Quadriennale de Défense a envisagée. Le résultat de l’expansion importante de la Marine, qui est montée à près de 600 navires dans les années Reagan, et de la réduction qui a suivi au cours des années 1990, est que la Marine actuelle qui a tout juste un peu plus de 300 bâtiments se compose de bateaux relativement récents. Ce qui fait que le faible taux d’équipement de la dernière décennie n’a pas encore eu d’effet dramatique sur la flotte. Si l’on considère la vie «normale» d’un bateau comme étant de 30 à 35 ans, il suffit d’acheter 8 à 10 bateaux par an pour conserver le niveau actuel de 300 bâtiments. La demande budgétaire pour 2001 de l’administration Reagan est de 8 bateaux; c’est la première fois que le nombre est aussi élevé depuis plusieurs années. Et le plan à long terme de l’administration serait d’acheter 39 bâtiments sur 5 ans, ce qui est loin du taux de remplacement souhaitable, mais représente un progrès par rapport aux budgets récents de la Marine.

 

Cependant, cette amélioration n’est qu’apparente. La légère augmentation du taux de renouvellement des navires se fait par l’achat de cargos à un coût moins élevé, et dont le prix qui est ordinairement de 300 à 400 millions de dollars est à comparer au milliard de dollars que coûte un sous-marin d’attaque ou un contre-torpilleur de la classe Arleigh Burke, ou aux six milliards de dollars d’un porte-avions. Selon une analyse du Service de Recherches du Congrès, le plan d’équipement de l’administration comprend des cargos inutiles «acquis à un taux qui dépasse le rythme fixé du remplacement des navires auxiliaires». Le taux de remplacement des navires auxiliaires est d’environ 1,5 par an, or l’administration a prévu d’en acheter un en 2001, trois en 2002 et en 2003, deux en 2004 et en 2005. Alors qu’elle achète trop de navires auxiliaires à bon marché, l’administration se procure trop peu de navires de combat comme le montre l’état de la flotte de sous-marins. En 1997, la flotte de 72 bâtiments d’attaque de la Marine était insuffisante pour faire face aux besoins opérationnels; or, au même moment, l’Etude Quadriennale de Défense appelait à une nouvelle réduction de la flotte de sous-marins d’attaque pour la faire descendre à 50 unités. Depuis lors, ces nouvelles réductions de la flotte de sous-marins ont aggravé le problème. Comme l’a déclaré l’année dernière au Sénat l’Amiral Malcolm Fages, sous-chef d’état-major chargé du programme des sous-marins, «Nous sommes passés d’une flotte visant à répondre aux besoins à une structure à valeur réduite. Aujourd’hui, nous avons beau disposer de 58 sous-marins dans notre flotte, nous n’en avons pas assez pour remplir les missions qu’on nous confie». Il n’est pas non plus vraisemblable que la Marine soit en mesure d’enrayer l’hémorragie de ses sous-marins d’attaque. Selon la planification actuelle, la Marine n’aurait acquis que 10 nouveaux sous-marins d’attaque pour la période qui court de 1990 à 2005. Seulement, le taux de remplacement pour une flotte de 50 sous-marins aurait dû imposer l’acquisition de 23 à 27 bateaux au cours de la même période. En somme, la Marine connaît un «déficit» de renouvellement de 13 à 17 bateaux, ne serait-ce que pour seulement conserver une flotte qui reste trop peu importante pour faire face aux besoins opérationnels et stratégiques. D’après la loi de programmation budgétaire de l’administration, la Marine n’envisage pas de construire plus d’un nouveau sous-marin d’attaque par an. En considérant que la durée de vie d’un sous-marin nucléaire d’attaque est de trente ans, la flotte américaine de sous-marins tombera à 24 unités d’ici 2025. La flotte de navires de combat de surface de la Marine connaît le même dilemme que sa flotte de sous-marins : elle est trop réduite pour faire face à ses missions actuelles et, au moment où se développent les systèmes maritimes de défense antimissile, la marine de surface se trouve face à nombre de nouvelles missions pour lesquelles elle n’est pas préparée. Pour ces raisons, la Marine a préparé un nouveau rapport intitulé Étude du niveau de la flotte de combat de surface, arguant du fait que le besoin réel en navires de combat de surface est de 138 unités, à comparer aux 116 que prône l’Etude Quadriennale de Défense. Par comparaison, la Marine disposait de 203 bateaux de combat de surface en 1990 et l’administration Bush [celle du premier président Bush (NdT)] prévoyait 141 bateaux. L’année dernière [en 1999 (NdT)], la construction accusait un «déficit» d’environ 26 bateaux, avant même qu’on ait intégré les besoins en nouvelles missions comme celle du tir de missiles balistiques. Pour rester à un niveau de 300 bateaux, il faut que la Marine passe commande de 8,6 navires par an. Pourtant, selon la planification de l’administration, elle aura acheté 85 unités entre 1993 et 2005, ce qui représente un taux d’investissement de 6,5 bateaux par an. Les taux fixés auraient exigé l’acquisition de 111 bâtiments, selon l’analyse du Service de Recherche du Congrès. Une fois que le grand nombre de bateaux achetés au cours des années 80 arrivera en fin de vie, la Marine se réduira rapidement et il sera difficile de rester à un niveau de 250 bâtiments. Comme pour les navires de surface et les sousmarins, la flotte d’avions de la Marine vit sur les acquis des achats faits au cours de la montée en puissance des années Reagan. La moyenne d’âge des avions de la Marine est de 16 ans et demi et s’élève ans cesse. Alors qu’on remet à niveau les F-14 et les F-18 de la Marine, la moyenne d’âge est plus parlante pour les avions d’appui. Le projet de la Marine de remettre à niveau l’avion de lutte anti-sous-marine P-3C va repousser la durée de vie de l’Orion jusqu’à 50 ans. L’âge moyen de la flotte est actuellement de 21 ans. Le E-2 Hawkeye, l’équivalent de l’AWACS pour la Marine, est sorti dans les années 1960. Le S-3B Viking est un autre avion indispensable à nombre d’opérations aéronavales. Il a 23 ans d’âge et n’est plus produit. Et le EA-6 Prowler est aujourd’hui l’avion de guerre électronique qu’emploient toutes les armées14 et on le considère maintenant comme un appareil interarmées et non plus comme une plate-forme simplement marine. L’opération Allied Force a mis à contribution 60 des 90 EA-6 opérationnels à ce moment-là. Les projets actuels de la Marine sont de remettre à niveau les 123 carcasses de Prowler qui existent en remplaçant la tranche centrale des ailes sur cet avion des années 1960 et d’améliorer son avionique. Aucune armée (voir note sur la définition du mot «armée») n’a lancé de programme d’avion de guerre électronique.15 Conséquence de 10 années de vacance d’investissement, une Marine trop peu étoffée pour faire face à nombre de ses missions actuelles est en train de s’avancer vers une crise de modernisation. En fait, elle pourrait bien déjà accuser un «déficit de modernisation» qui va bientôt atteindre les 100 milliards de dollars en ce qui concerne les navires de surface, les sous-marins et les avions. Alors qu’on demande à la Marine de remplir de nouvelles missions supplémentaires comme la défense antimissile balistique. Des rythmes accrus d’opérations, des problèmes d’effectifs et d’entraînement ainsi que des carences en pièces détachées ont réduit l’aptitude opérationnelle de la Marine. Quoi qu’on fasse, elle est actuellement incapable de faire face au nombre croissant de missions qu’on lui confie, encore moins de s’adapter au schéma de la nouvelle guerre navale.

 

 

 

 

De nouveaux schémas de déploiement

 

 

 

Pourtant, la revitalisation de la Marine va nécessiter plus qu’une amélioration de l’aptitude opérationnelle et qu’une recapitalisation. Il faut également reconsidérer sa structure et ses modes d’opérations à la lueur des nouvelles réalités stratégiques. D’une façon générale, il faut que ceci reflète une accentuation des opérations dans le Pacifique occidental et une réduction de l’accent mis sur les porte-avions. Comme nous en avons débattu plus haut, il est vraisemblable que l’accent de la stratégie de sécurité américaine glisse vers l’Asie orientale. Cela reflète les succès de la stratégie américaine au XXe siècle, et en particulier ceux de l’alliance de l’Otan durant la Guerre Froide qui a établi ce qui paraît généralement être une paix stable et durable en Europe. Le nouveau problème urgent de la sécurité en Europe, l’instabilité en Europe du SudEst, sera mieux maîtrisé par des actions de stabilisation dans les Balkans conduites par des forces terrestres des États-Unis et de l’Otan appuyées par des unités aériennes positionnées sur place. De la même façon, les nouvelles conditions favorables à la stabilité en Europe que créera la future extension de l’Otan reposeront d’abord sur des forces terrestres et aériennes prépositionnées. Étant donné que le périmètre de sécurité des États-Unis en Europe se déplace vers l’est, ce schéma va perdurer alors que les forces maritimes ont un rôle important à jouer dans la Baltique, en Méditerranée orientale et qu’elles ne cesseront pas de soutenir et d’appuyer les opérations de l’Amérique et de l’Otan à terre. De la même façon, alors qu’il est vraisemblable que le Moyen-Orient et le Golfe Persique restent des zones de turbulences et d’instabilité, la présence accrue des forces américaines terrestres et aériennes prépositionnées marque une évolution notable par rapport aux années 1980 durant lesquelles les forces navales portaient l’écrasant fardeau de la présence militaire américaine dans la région.Bien que la Marine soit appelée à rester un partenaire important dans le Golfe et pour les opérations dans la zone, on peut maintenant répartir plus équitablement la charge entre les différentes armées. Et d’après la posture de force décrite au précédent chapitre, la politique américaine à venir devrait tendre à renforcer la présence militaire dans la région ou à proximité. Cependant, comme sa structure actuelle, en particulier celle de ses groupes aéronavals, est dimensionnée pour les nécessités des opérations dans le Golfe, le recul de l’importance des forces navales dans cette zone aura un impact sur la composition de toute la Marine. Ainsi, la priorité de la Marine des États-Unis en matière d’opérations devrait glisser de plus en plus vers l’Asie orientale. Non seulement ce théâtre prend de plus en plus d’importance dans la stratégie américaine et dans le maintien de la prééminence des États-Unis , mais encore c’est le théâtre d’opérations dans lequel les forces navales apporteront leur principale contribution. Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, il faudrait que les États-Unis cherchent à établir, ou rétablir, une présence navale énergique en Asie du Sud-Est, marquée par un port d’attache semi-permanent à long terme dans la région, peut-être aux Philippines, en Australie ou les deux. Au cours de la prochaine décennie, il faudrait que cette présence devienne approximativement l’équivalent des forces navales stationnées au Japon, à savoir 17 navires articulés autour du groupe aéronaval du Kitty Hawk et du groupe amphibie Belleau Wood. 16 L’idéal serait de renforcer ces forces prépositionnées au Japon et à terme en Asie du Sud-Est par d’autres navires de combat de surface. En effet, il faudrait réaffecter l’un des groupes aéronavals actuellement basés sur la côte ouest des États-Unis au théâtre d’opérations de l’Asie orientale. Les forces navales tournantes forment le gros de la Marine américaine. Comme nous l’indiquons plus haut, ce sont les besoins des commandants en chef régionaux en matière de présence navale, tels qu’ils ont été définis par l’Étude Quadriennale de Défense de 1997, qui dimensionnent la flotte actuelle. Et la Marine ainsi que le ministère de la Défense ont défini la notion de présence d’abord en terme de groupes aéronavals. La nécessité actuelle de conserver environ trois groupes aéronavals équivaut à une dotation globale de 11 porte-avions – auxquels il faut ajouter un porte-avion dédié à l’instruction et à l’entraînement. En réalité, le taux des forces à déployer est aujourd’hui plus élevé, car la Marine compte toujours les forces stationnées au Japon comme étant «déployées» mêmes lorsqu’elles ne sont pas en mer. De plus, à cause des délais de transit et d’autres critères, la proportion de porte-avions déployés dans le Golfe Persique est de 1 pour 5.

 

Quoique la combinaison de porte-avions et de groupes amphibies de la Marine offre de grandes perspectives d’efficacité aux commandants d’opérations, il est loin d’être sûr que l’approche monolithique de la Marine soit adaptée à toutes les situations inopinées ou à toutes les missions qu’auraient aujourd’hui à remplir les forces américaines. Tout d’abord, il faudrait revoir et réduire les missions de «déploiement du drapeau» que remplissent les porte-avions. La Marine a raison d’affirmer, comme nous l’avons cité plus haut, qu’«il est important de faire acte de présence» pour rassurer les alliés des États-Unis et intimider d’éventuels adversaires. Seulement, dans les endroits où les intérêts stratégiques américains sont bien pris en compte, en particulier en Europe et dans le Golfe persique, ou bien en Corée, la possibilité de baser des forces à terre compense la nécessité d’une présence navale Plus important encore, le rôle des porte-avions en opération de guerre est certainement en train d’évoluer. Alors que l’aviation embarquée a encore un grand rôle à jouer dans les opérations navales, ce rôle devient relativement moins important. Une étude sur les opérations postérieures à la Guerre Froide conduite par l’armée américaine révèle un fait saillant : les porte-avions ont presque toujours joué un rôle secondaire. L’opération Just Cause au Panama a été presque exclusivement une opération aéroterrestre. La guerre du Golfe, qui est de loin l’opération la plus importante de la dernière décennie, a mis en jeu des éléments significatifs des différentes armées, mais la campagne aérienne a d’abord été une prestation de l’armée de l’Air, et l’armée de Terre a joué le rôle central de l’opération terrestre. Les opérations d’interdiction de survol postérieures à la guerre ont souvent mis à contribution des avions de la Marine, mais ils étaient là pour alléger la charge qui pesait sur l’armée de l’Air, laquelle a assuré la majeure partie des sorties au cours de ces opérations. La Marine a aussi pris part aux frappes périodiques sur l’Iraq mais dans la plus importante d’entre elles, l’opération Desert Fox de décembre 1998, les avions de la Marine n’avaient pas l’autonomie suffisante pour atteindre certains objectifs et n’ont pas été engagés pour traiter des objectifs fortement défendus. Ces missions sont maintenant remplies presque exclusivement par des avions furtifs ou des missiles de croisière. De la même façon, au cours de l’opération Allied Force, les avions de la Marine ont joué un rôle de renforts. Et, bien sûr, ni la Marine, ni les unités du Corps des Marines n’ont joué de rôle significatif dans les opérations de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo. La seule opération récente dans laquelle les forces navales et notamment les porte-avions aient joué un rôle essentiel est aussi une préfiguration de ce que sera la future Marine : le déploiement de deux groupes aéronavals au large de Taiwan lors de l’affaire du «blocus antimissile» des Chinois en 1996. Il faut souligner plusieurs éléments. D’abord, la crise est survenue en Asie orientale, dans le Pacifique occidental. Ainsi la Marine était-elle positionnée et prête à la riposte. Non seulement la VIIe flotte a été la première sur place, mais encore il aurait été difficile de déployer et de soutenir des forces terrestres ou des aérodromes de campagne. Deuxièmement, l’ennemi potentiel était la Chine. Le Pentagone avait beau avoir envisagé qu’un conflit majeur dans la région serait centré sur la Corée – où une fois de plus ce seraient l’armée de Terre et l’armée de l’Air prépositionnées qui joueraient vraisemblablement le rôle principal – la crise de Taiwan a été peut-être plus emblématique de ce qui se passerait à plus long terme. Il est une troisième question à laquelle il est difficile de répondre : en fait, qu’auraient été capables de faire ces groupes aéronavals en cas d’escalade ou de déclenchement des hostilités ? Si les Chinois avaient effectivement pris pour objectifs les missiles installés à Taiwan, on peut douter que le système de défense antiaérienne Aegis installé à bord des croiseurs et des contre-torpilleurs des groupes aéronavals eussent assuré une défense efficace. Des frappes de représailles contre les forces chinoises conduites par des avions embarqués ou des missiles de croisière auraient pu être une deuxième option, mais une option problématique. Et même au cours de récentes opérations de frappes conduites ailleurs, les frappes initiales auraient certainement mis en œuvre exclusivement des missiles de croisière, ou peut-être des missiles de croisière et des avions furtifs basés à terre.

Ainsi, alors qu’il faudrait accroître la présence navale dans le Pacifique occidental, y compris celle qu’assurent les porte-avions, il faudrait que la Marine se mette a remplir nombre de ses missions de présence au moyen d’autres types de groupes navals articulés autour de croiseurs, de contre-torpilleurs et d’autres navires de combat de surface ainsi que de sous-marins. En fait, la Marine doit mieux prendre en compte la nécessité de disposer d’un nombre substantiel de plates-formes de tir de missiles de croisière en mer et à proximité des points chauds régionaux; quitte à employer les porteavions et leurs appareils embarqués comme éléments de renfort. De plus, le besoin réduit en aviation embarquée sur le théâtre européen et dans le Golfe conduit à conclure qu’on peut réduire les éléments à base de porte-avions de la flotte de l’Atlantique. Donc, en plus des deux groupes aéronavals prépositionnés que nous avons recommandés plus haut, il faudrait que la Marine conserve une flotte complémentaire de trois porte-avions d’active plus un de réserve en port d’attache sur la côte ouest des ÉtatsUnis et une flotte de trois porte-avions dans l’Atlantique. Cela représente en tout une réduction de trois du nombre de porte-avions.

Toutefois, il faut compenser la réduction du nombre de porte-avions par un accroissement du nombre de navires de combat de surface, de sousmarins et aussi du nombre de bateaux de soutien et d’appui pour remplir les fonctions logistiques que les porte-avions assurent pour l’ensemble d’un groupe naval. Comme nous l’avons souligné plus haut, la flotte de surface est déjà trop faible en nombre pour faire face aux besoins actuels et doit monter en puissance pour faire face aux besoins de la défense en mer contre les missiles balistiques. De plus, il est vraisemblable que la flotte de frégates de la Marine ne sera plus adaptée très longtemps et il faut que la Marine reconsidère ses besoins en navires plus petits et moins sophistiqués visant à répondre aux missions de présence et autres missions de circonstance de moindre importance. Les patrouilles le long des limites du périmètre maritime de sécurité des États-Unis, comprenant un rôle important en matière de défense contre les missiles de théâtre, nécessiteront une flotte de navires de surface forte de 150 unités de combat. Il faut aussi élargir la flotte de sous-marins d’attaque de la Marine. L’Étude Quadriennale de Défense n’a pas pleinement pris en compte nombre des besoins réels des sous-marins dans les missions de recueil du renseignement et en tant que plates-formes de tir de missiles de croisière. Il faudra un certain temps pour comprendre comment les besoins des sous-marins vont évoluer pour tenir compte des changements dans la flotte de porte-avions. En conséquence, la prévision actuelle d’une flotte de cinquante unités est de loin trop faible, quelle que soit la façon dont on fait les comptes. Toutefois, comme c’est le cas pour les navires de surface, il faut mettre en balance le besoin d’augmentation de la flotte avec la nécessité de lancer de nouvelles classes de bâtiments aux capacités accrues. On ne sait pas si les générations actuelles et programmées de sous-marins d’attaque (sans parler des nouveaux sous-marins lancemissiles balistiques) auront la souplesse nécessaire pour répondre aux exigences de l’avenir. Il faudrait que la Marine revoie le cahier des charges de ses sous-marins, non seulement à la lueur des missions actuelles, mais aussi avec une vision élargie des possibles futures missions. Enfin, il ne faut pas que la réduction du nombre de porte-avions s’accompagne d’une réduction proportionnelle du nombre des escadres d’avions embarqués. D’ores et déjà, la Marine n’entretient que 10 escadres aériennes, structure trop faible pour les besoins actuels de la flotte de porte-avions, en particulier si l’on tient compte du vieillissement rapide des avions de la Marine. Les vieux chasseurs comme les F-14 ont reçu de nouvelles missions, et l’avion multirôle F-18 se fatigue plus vite que ce à quoi l’on s’attendait en raison d’un taux d’utilisation plus élevé que prévu et d’un emploi qui est source d’usure prématurée. Même si la Marine ne faisait que cesser dès maintenant de s’équiper en porte-avions, elle pourrait conserver une flotte de neuf porte-avions jusqu’en 2025, en supposant qu’on construise le CNV-77 déjà programmé dans les budgets de Défense actuels. Il faut conserver une petite flotte de porte-avions à un haut niveau d’aptitude opérationnelle quand elle est au mouillage. Il en va de même pour les escadres aériennes de la Marine.

 

 

 

 

Le Corps des Marines : retour vers le futur

 

 

 

Au cours de la plus grande partie du siècle écoulé, les États-Unis ont entretenu le plus grand corps de fusiliers marins17 de tous les pays. Le Corps des US Marines, avec sa structure à trois divisions imposée par la loi et fort de 170 000 hommes, compte plus d’effectifs que la plupart des forces terrestres dans le monde. Son lien étroit avec la Marine – sans parler de sa propre force aérienne très sophistiquée- lui confère une extraordinaire mobilité et une extraordinaire puissance de combat. Il a beau avoir été réduit de 15 % depuis la fin de la Guerre Froide, le Corps des Marines a acquis de nouvelles capacités, notamment en matière d’opérations spéciales et plus récemment en matière de ripostes aux frappes chimiques et biologiques. Cette faculté d’adaptation jointe à des déploiements intenses fait du Corps des Marines un outil appréciable de maintien de l’influence planétaire et de la prééminence militaire des États-Unis. Lorsqu’ils sont en mer, les Marines sont capables à la fois de réagir relativement vite en temps de crise et de rester à terre pendant de longues périodes. Pourtant, alors que ce volumineux Corps de Marines présente un intérêt incomparable pour une puissance mondiale comme les États-Unis, il faut bien comprendre qu’il ne fait que remplir une niche parmi l’ensemble des capacités que requiert la prééminence militaire américaine. Il manque au Corps les capacités avancées et endurantes de l’armée de Terre, les capacités de frappes de précision à haute puissance de l’armée de l’Air et, sans la coopération avec la Marine, il manque de puissance de feu. Pour rendre au corps des Marines sa vigueur, il faudra non seulement investir dans les nouveaux équipements qui lui font cruellement défaut et rétablir ses effectifs à un niveau d’environ 200 000 hommes; mais, là encore, cela dépendra de la capacité des Marines à se concentrer sur leur mission principale d’infanterie de marine, mission dont l’importance est remise en avant dans la stratégie de sécurité américaine. Comme la Marine, le Corps des Marines doit mettre l’accent sur les exigences des opérations en Asie orientale, dont l’Asie du Sud-Est. Par de nombreux aspects, il s’agira là d’une mission de «retour vers le futur» pour les Marines, rappelant les innovations conceptuelles de la période de l’entre-deux guerres mondiales qui a vu s’affirmer leur maîtrise en matière d’opérations amphibies et de débarquement. Cela leur imposera pourtant d’abandonner certaines de leurs capacités actuelles –comme les chars lourds et l’artillerie – acquises dans les derniers temps de la Guerre Froide. Cela imposera aussi aux Marines d’acquérir la capacité de mieux travailler en coopération avec les autres armées, et notamment avec l’armée de Terre et l’armée de l’Air, d’apporter des améliorations à leurs transmissions, à leurs liaisons numériques et aux autres systèmes indispensables aux opérations interarmées complexes, et évidemment de participer à des exercices interarmées plus fréquents. Ces nouvelles missions et ces besoins nouveaux vont rendre plus impérative la modernisation du Corps des Marines, en particulier par l’acquisition du V-22 Osprey, appareil à rotor pivotant, qui accroîtra sa portée opérationnelle. Et, ainsi que nous l’avons évoqué plus en détail dans notre passage sur l’évolution, il faut que le Corps des Marines se penche désormais sur la vulnérabilité des navires de surface dans les conflits à venir. Pour conserver son rôle unique et précieux, le Corps des Marines devrait : Croître en volume pour permettre le prépositionnement d’une seconde Unité Expéditionnaire de Marines18 (Marine Expeditionary Unit, MEU) en Asie orientale. Il faudrait baser cette MEU en Asie du Sud-Est aux côtés du groupe aéronaval redéployé que nous avons évoqué plus haut. De la même façon, il faudrait le renforcer de 25 000 hommes pour améliorer la condition du personnel des unités de Marines, en particulier celle des unités qui sont à l’instruction et à l’entraînement dans les garnisons. Se réorganiser pour créer des unités plus légères avec plus d’infanterie et une meilleure aptitude aux opérations interarmées, notamment en incluant l’appui feu d’autres armées dans les opérations des Marines. Il faudrait que le Corps reconsidère sa structure et celle de ses unités pour se débarrasser des fonctions marginales. Accélérer l’acquisition de l’aéronef V-22 et du Véhicule d’Assaut Amphibie Avancé19 pour améliorer la manœuvre bateau de débarquement/ littoral et augmenter sa mobilité et sa portée tactique.

 

 

 

État des lieux du Corps des Marines

 

 

 

Comme la Marine, le Corps des US Marines souffre d’une trop forte charge par rapport à ses capacités et d’un manque de ressources. Bien que les Commandants successifs du Corps aient eu tendance à mettre l’accent sur les problèmes de modernisation des Marines, l’instruction, l’entraînement et l’aptitude opérationnelle des unités qui ne sont pas réellement déployées ont également régressé. On doute de plus en plus de la capacité des Marines à engager la grande force qui a amplement contribué à la campagne terrestre de la guerre du Golfe. De tous les chefs d’état-major d’armée, le Général d’armée Charles Krulak, ancien Commandant du Corps des Marines récemment admis en deuxième section, a été le premier à reconnaître publiquement que cette force n’est pas en mesure de remplir les missions qu’exige d’elle la stratégie militaire nationale. Comme la Marine, le Corps des Marines paie le prix de la disponibilité opérationnelle tournante en termes d’entraînement à terre, de modernisation et de qualité de vie. Les chefs du Corps des Marines soulignent qu’une grande partie du problème vient du vieillissement de l’équipement : «Nos problèmes actuels ont pour origine le fait que nous tirons, et avons tiré, sur les rares ressources – hommes, budgets, matériel – pour essayer de garder opérationnels notre vieux matériel et nos vieux systèmes d’armes», a expliqué Krulak au Congrès peu de temps avant son adieu aux armes. La plus grande partie du matériel des Marines sert bien au-delà de la durée de vie pour laquelle il a été conçu. Et bien que le Corps ait largement investi dans des programmes visant à allonger la durée de vie de ces systèmes d’armes, les taux de disponibilité du matériel chutent au sein de cette armée. Le matériel des Marines s’use rapidement à cause de l’effet corrosif de l’eau de mer sur le métal et l’électronique. Même un élément relativement moderne de l’arsenal des Marines comme le LAV (Light Armored Vehicle, Véhicule Blindé Léger, équivalent d’un gros VAB français. [NdT]) en ressent les effets. En 1995, les Marines ont lancé un programme d’inspection et de réparation uniquement en cas de besoin qui concernait le LAV. Ils ont détecté un accroissement de 25 % du coût d’entretien par véhicule et un accroissement de 46 % du nombre d’engins qui avaient besoin de réparations. Dans le cas de certaines unités de Marines, la plus grande difficulté réside dans la disponibilité des pièces détachées, même en période d’entretien et de remise en condition. À Camp Lejeune20, en Caroline du Nord, les officiers et sous-officiers des services techniques vont presque tous les jours à Fort Bragg21, situé à proximité, pour chercher des pièces à destination de véhicules indisponibles, comme le HMMWV (High Mobility Multipurpose Wheeled Vehicle, plus connu sous le nom de Hummer, ou Hummvee [NdT]). Cela est lié au fait que les Marines sont équipés de la version la plus ancienne du HMMWV qui n’est plus produite pour l’armée de Terre. Faire des échanges avec la 82e Airborne est la façon la plus habituelle de se procurer la pièce dont on a besoin. Mais si le souci premier du Corps des Marines réside encore dans le matériel, ce corps d’armée n’est pas exempt de soucis d’effectifs et d’instruction qui touchent les autres armées. Confronté non seulement à l’emploi du temps exigeant des six mois traditionnels de déploiement en mer mais aussi à une charge toujours croissante de missions inopinées, la « baignoire d’inaptitude » inter séjours s’est creusée et il est devenu de plus en plus difficile d’en sortir. Comme la Marine, le Corps des Marines a dû tailler dans le vif de son instruction à terre, en particulier dans l’acquisition des savoirfaire élémentaires qui sont la base de l’aptitude opérationnelle d’une unité. Il faut même parfois envoyer de plus petits éléments pour aider des unités en phase d’instruction ou pour prendre part à leurs exercices. Souvent, des unités de Marines vont être obligées d’envoyer des unités en souseffectif sur des exercices majeurs à tir réel ou dans des manœuvres qui étaient autrefois les contrôles d’aptitude opérationnelle avant déploiement. De plus, d’importantes unités de Marines n’ont pas la puissance d’infanterie dont elles disposaient autrefois. Les Divisions de Marines disposent de moins de fusiliers qu’autrefois, vu que l’effectif global du Corps des Marines est passé de 197 000 à 172 000 hommes. Comme l’avait recommandé l’Etude Quadriennale de Défense, le nombre de bataillons d’infanterie de la division est passé de 11 à 9 et les droits ouverts en personnel de la division sont passés de 19 161 à 15 816 hommes.

 

 

 

Les budgets de la Marine et du Corps des Marines

 

 

 

 

La demande budgétaire de 2001 du Président Clinton comptait 91,7 milliards de dollars pour le ministère de la Marine. Ce chiffre regroupe les budgets de la Marine et du Corps des Marines. Cela représente une augmentation par rapport aux 87,2 milliards accordés par le Congrès en 2000, mais une forte baisse par rapport aux 107 milliards de 1992, le premier budget depuis la fin de la Guerre Froide. La réduction des budgets d’équipement du ministère de la Marine est aussi dramatique. Pour 2000, l’administration a demandé un peu moins de 22 milliards pour l’équipement de la Marine et du Corps des Marines. De 1994 à 1997, le point bas de la «vacance d’investissement», les budgets d’équipement du ministère ont atteint une moyenne de tout juste 17 milliards. Par comparaison, au cours des années Bush, il y a eu en moyenne une dotation de 35 milliards pour l’équipement de la Marine. Au cours des années de la montée en puissance de Reagan – comparaison acceptable, étant donné le besoin de réaugmenter le volume de la Marine – les budgets d’équipement de la Marine étaient en moyenne de 43 milliards. Pour réorganiser la Marine comme nous l’avons présenté plus haut, il faudrait que son ministère augmente en tout ses dépenses de 100 à 110 milliards de dollars. C’est légèrement plus que les niveaux de dépenses qu’avait prévus l’administration Bush en fin de mandat et c’est nécessaire pour intensifier la construction de navires et de sousmarins. Après plusieurs années, cela compensera partiellement le moratoire sur la construction de porte-avions et de maintien du programme d’études sur l’avion de combat interarmées. Pourtant, il faudra davantage que des accroissements minimes de ses budgets pour entretenir une Marine capable de dominer les mers libres, d’assurer une puissance de feu efficace aux opérations interarmées à terre et lui permettre de s’adapter à la future guerre navale, bref, pour garder une Marine capable de protéger la prééminence maritime des États-Unis.

 

 

 



18/10/2018
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