Les anges, les gilets jaunes et le chemin de la révolution en Occitània (Novèlas OccitàniaS)
Début octobre une pétition est lancée par une jeune femme sur internet contre l’augmentation du prix de l’essence. En effet le gouvernement a augmenté les taxes de 7 centimes de plus sur le diesel et 4 centimes sur l’essence en 2018. En un an, le gazole a grimpé de 23 % et l’essence de 14 %. La pétition est devenue virale et de nombreuses personnes ont appelé à bloquer l’État français le 17 novembre en arborant le gilet jaune. Plus de 80% des citoyens français trouvent légitime ce mouvement, et pour cause.
Malheureusement les gens de gauche et la gauche sont totalement coupés des masses et ne savent donc pas sur quel pied danser. Les syndicats ne soutiennent pas ce mouvement (sous prétexte de la présence de l’extrême droite), mais logiquement la nature ayant horreur du vide cela permet à l’extrême droite d'essayer de s'en emparer. Pire l’argument écologique est utilisé pour discréditer ce mouvement, comme si cette révolte était une volonté délibérée de polluer. La position sur les gilets jaunes est encore un bel exemple de la faillite totale de la social-démocratie et du gauchisme.
Pourtant il serait simple de constater que la majorité des travailleurs dépendent de leur voiture pour travailler, donc vivre. On dépense en Hexagone en moyenne 3 300 € pour son véhicule dont 1 500 € d’essence par an, soit 125 € par mois. Mais il faut noter que beaucoup de travailleurs vivent souvent dans les périphéries, l’accès à la propriété étant impossible dans les centres villes, et roulent donc plus que les citadins qui ont d’ailleurs accès à un réseau de transport en commun. Pour le peuple des campagnes la situation est encore plus complexe, la voiture étant juste obligatoire pour faire n’importe quelle chose de la vie courante. L’Occitània est un territoire où la ruralité est encore très forte, nous sommes donc très sensibles à cette problématique. Le salaire médian français est de 1700 €, on voit donc que la voiture est un poste de dépense important. Le prix élevé de l’essence est dû aux taxes et non aux spéculations du marché mondial du pétrole, l’État ponctionne 60% sur chaque litre, c’est un des impôts les plus élevés et injuste car touchant plus les pauvres que les riches. Tout le monde se rend compte, de plus, que même si le baril baisse cela ne se reflète pas à la pompe. De plus, l’augmentation de l’essence va se répercuter sur l’alimentation et toute notre vie car 88% des marchandises sont transportées par camion. Le gouvernement veut de plus rogner sur l’avantage fiscal sur l’essence que les routiers ont. Les artisans vont devoir aussi augmenter leurs prix car ce sont des professions où la mobilité est nécessaire. Les paysans seront eux aussi affectés. Bref, l’ensemble des travailleurs vont être touchés, possesseurs d'un véhicule ou non.
Le propriétaire d’une voiture est devenu l’esclave de l’outil, car la voiture dans cette société est incontournable. Les gilets jaunes posent justement cette problématique au fond.
Au vu de tout cela, il est très problématique que la gauche ne soutienne pas ce mouvement sous prétexte qu’il serait poujadiste. Comment la révolte contre l’augmentation de l’essence peut-elle être du poujadisme, quand cela touche toute la société comme nous l’avons vu ? Que le RN et toute l'extrême droite essayent de s’emparer de cela est bien normal, ils ont compris le sens profondément populaire de la révolte, à nous de les en empêcher.
Un système impérialiste mondial en crise.
Les classes populaires et l’ensemble du peuple voient leur niveau de vie violemment attaqués par l’augmentation de tout. C’est l’expression de la crise mondiale du système impérialiste. L’impérialisme français est en crise et l’État pour pallier à la baisse des profits doit ponctionner toujours plus les masses populaires qui forcément vont réagir. La gauche, qui historiquement luttait contre l’impôt injuste, a complètement laissé ce sujet central à l’extrême droite. Est-il juste de ponctionner les gens de manière toujours plus inégalitaire sans qu’ils n’aient aucun contrôle sur les dépenses ? Bien sûr, on nous répondra qu’ils peuvent voter, mais qui croit encore que le Parlement croupion décide de quoi que ce soit (52% d’abstention aux législatives de 2017 soit 20 millions de personnes).
L’impérialisme français a été affaibli par la crise et la lutte pour le repartage, une nouvelle néo-colonisation, absorbe d’importantes finances. De plus, le caractère ultra-concentré de l’État autour de Paris fait que le reste de l’Hexagone sert pour financer les méga-projets capitalistes ou de prestige parisien (Grand Paris, Jeux olympiques, etc.). Les élus locaux et régionaux le dénoncent de plus en plus virulemment. Le caractère parasitaire de la capitale crée un profond déséquilibre des territoires, accentué par la métropolisation recréant le même phénomène localement.
Aller au principal.
Dans tout mouvement, et encore plus quand il est spontané et populaire, il y a toujours deux lignes qui s’affrontent. Une qui va vers la réaction et l’autre vers la révolution. Si aucune organisation révolutionnaire n’oriente le mouvement dans le bon sens il va spontanément vers la réaction, cela ne peut être différent dans une société capitaliste imprégnée d'idéologie réactionnaire. C’est central de comprendre cela car sinon on se coupe des masses. Aucun mouvement spontané ne peut aboutir à quelque chose de parfait.
Il faut toujours voir quel est l’élément principal de tout phénomène. Est-ce que dans notre cas c’est le fait que ce soient des petits entrepreneurs, ce qu’on appelle la petite bourgeoisie, qui ait lancé l’appel ? Ou encore, le fait qu’une des vidéos les plus vue ait été celle d’un militant d’extrême droite ? Ou au contraire le fait que cette mobilisation a, dès le début, dépassé le cadre corporatiste pour embrasser quelque chose de plus profond, de plus grand, de bien plus important ?
Engels disait très justement qu’on ne fera pas la révolution avec des anges mais avec les hommes du vieux monde, du vieux système, qui sont de fait des démons car produits du système. C’est-à-dire que les masses populaires sont le reflet (comme les autres classes) du système économique - politique - culturel. C’est-à-dire qu’on ne va pas faire la révolution avec des gens parfaits. Les gens ne sont pas spontanément à la base révolutionnaire, sinon à quoi servirions-nous, nous révolutionnaires ? Par contre, ils ont ce que Gramsci appelait le bon sens : une capacité spontanée à comprendre les problèmes, mais sans outils théoriques pour aller au fond des choses. C’est à nous révolutionnaires de faire ce travail d’analyse et d’explication, mais en premier, il faut aller rencontrer les masses pour enquêter, en plus de la participation au mouvement.
Spontanément le mouvement a refusé les étiquettes politiques et syndicales, et pour cause, les masses ont compris que les mobilisations sont biaisées par le jeu des directions syndicales*. Que les syndicats ne défendent pas les droits des travailleurs comme il faudrait tandis que les partis politiques font partie du système de domination. Cela a d’ailleurs été souligné que, dans ce mouvement, il y avait plein de gens qui ne venaient pas aux manifestations syndicales. Les masses apprennent, la preuve, il y a quelques années, elles n’auraient jamais pensé à avoir comme principal moyen de lutte le blocage des flux. Aujourd’hui, c’est devenu la forme principale et pour cause, le capitalisme fonctionne à flux tendus. Le gouvernement le sait, Castaner l’avait affirmé, le 13 novembre, très clairement sur BFMTV : « Je demande qu’il n’y ait aucun blocage total. (…) Partout où il y aura un blocage, et donc un risque pour les interventions de sécurité et aussi la libre-circulation, nous interviendrons ».
Le mouvement a, dès le début, dépassé la question des impôts pour laisser apparaître de nombreuses revendications sociales, touchant aux retraites, aux salaires, etc., en un mot à la vie quotidienne. Un fond vraiment politique est aussi apparu, demandant la démission de Macron, du gouvernement et de nouvelles élections législatives. Bien sûr, tout cela reste dans le cadre de l’État, c’est décousu, mais cela donne un vrai aperçu de la situation. Le gouvernement ne s’y est pas d’ailleurs trompé : "Ceux qui prétendent organiser et qui en réalité veulent désorganiser le pays, ne veulent pas respecter la démocratie, doivent assumer leur responsabilité". On voit donc ce qu'est la démocratie pour le gouvernement : la défense du capital !
Ce qu’il se passe est l’expression concrète que ce sont les masses qui font l’histoire. Les organisations révolutionnaires ont comme devoir d’ouvrir le chemin, de les orienter dans ce labyrinthe tortueux qu’est le chemin vers la révolution.
Le chemin de la révolution.
La révolution se développe toujours des périphéries vers les centres, au niveau mondial, comme local. L’Occitània ne va pas déroger à cette règle. En 2005 les banlieues s’insurgeaient, la gauche là aussi avait été dépassée. Ces violentes émeutes démontrèrent profondément le potentiel révolutionnaire immense qui sommeille dans les périphéries colorées de nos villes. En 2018 c’est l’autre périphérie, la blanche, qui se révolte à sa façon car les conditions de vie sont différentes. Ces deux révoltes nous donnent les lieux où nous devons mener notre travail politique et le chemin que va suivre la révolution. Le monopole médiatique n’a cessé de le révéler, c’est la province, la France d’en bas, la périphérie qui se révolte face au centre dirigeant, aux élites, au spectacle des centres métropolitains où « tout va bien ». C’est la première fois qu’une telle mobilisation touche tout le territoire.
L'Occitània s'est beaucoup mobilisée, ce n’est pas étonnant, elle concentre une énorme pauvreté (entre 17 et 20% de la population le long de la Garonne, le long de la Méditerranée), avec d’énormes écarts dans la société dûs au rééquilibrage démographique nord-sud et bien sur la tradition de lutte anti-impôt, anti-centraliste séculaire. Là aussi nous voyons l’axe par où va passer la révolution en Occitània.
C’est évidemment l’expression séculaire de la division villes-campagnes/périphéries de la société capitaliste.
L’occitanisme politique a tout intérêt à prendre en main toutes ces problématiques et à aller vers nos masses, sinon nous pouvons dire au revoir à tout réveil révolutionnaire de notre nation. Elle servira encore et toujours aux appétits politicards des cliques parisiennes et à la réaction.
Le dispositif écologique outil de domination.
L’argument le plus cynique est sûrement celui de l’écologie. La salariée qui doit faire 50 kilomètres par jour pour travailler est-elle responsable de l’organisation sociale qui résulte du capitalisme monopoliste ? Est-elle responsable de la concentration dans les métropoles du capital, du prix de l’immobilier qui la pousse loin de son lieu de travail ? Est-elle responsable de la destruction du transport ferroviaire ? Non, bien sûr que non, le prolétariat, les classes populaires en général n’ont aucun pouvoir dans le système capitalo-parlementaire. Ils ne peuvent avoir d’incidence sur l’organisation territoriale et sur tout le reste. Il est évident qu’on ne doit plus polluer et continuer à détruire la planète, mais pour cela il faut changer de système radicalement. Le plus gros pollueur est de loin le transport maritime, celui qui nous amène nos fringues, nos chaussures, nos IPhones, et tout le reste. Le transport aérien pollue énormément et pourtant les Occidentaux n’ont jamais autant voyagé à travers le monde.
Le problème est là, les pays impérialistes sont les plus grands pollueurs du fait de leur domination sur le monde, du fait qu’ils produisent de moins en moins les marchandises de consommation courante.
Il nous faut donc lutter pour réindustrialiser chez nous, en dépensant beaucoup moins d’énergie et de matières premières. Il faut réorganiser entièrement le territoire pour supprimer la différence entre villes et campagne en déconcentrant les métropoles. Il nous faut radicalement changer notre mode de vie, entre autres en baissant notre niveau de consommation, c'est-à-dire de gaspillage. Pour cela, il faut construire une société socialiste avec une planification économique et donc arracher le pouvoir des mains de la bourgeoisie. Les révolutionnaires ne doivent pas attendre que les masses changent spontanément mais doivent les changer par la lutte en étant toujours à leurs côtés, en les comprenant.
Lutter et découvrir notre peuple.
Voilà notre tâche actuelle à nous occitanistes révolutionnaires, lutter aux côtés de notre peuple, apprendre à le connaître, l’accepter comme il est. Ça va nous obliger, bien sûr, à remettre en cause beaucoup de nos a priori mais surtout à nous transformer. Notre peuple se transformera dans la lutte et grandira, tout comme nous. S’il choisit des chemins erronés, c’est que c’est nous qui sommes erronés. Tout est en ébullition, l’étalage de marchandises des grand centres métropolitains n’arrive plus à cacher l’inéluctable, les masses se mettent en mouvement, l’Histoire revient sur le devant de la scène. Les classes populaires, et en premier lieu le prolétariat, ont les ressources nécessaires pour en finir avec ce système d’exploitation, elles ont tout intérêt à en finir avec l’impérialisme. L’hyper concentration du pouvoir, de l’économie, de l’idéologie fait que le chemin pour la révolution et la véritable libération ne peut passer que par le réveil de la conscience nationale occitane. Une véritable libération ne peut se faire que dans le cadre occitan et internationaliste, en laissant par derrière le cadre de l’État français qui recréera vis-à-vis de nous toujours les mêmes schémas de domination. Voilà la véritable essence d’un occitanisme révolutionnaire et socialiste. Certes d’immenses questions sont encore à régler, d’autres apparaîtrons, mais nous les résoudrons en avançant, en tombant, en nous relevant.
Ce mouvement comme tout mouvement est amené à se finir, il va peut-être gagner, mais il n’aura pas réglé la question de fond, celle du pouvoir. Tant que le plus grand nombre n’exercera pas le pouvoir pour défendre nos intérêts, nous ne pourrons vraiment en finir. Pour cela, il faut nous organiser politiquement, lutter de manière réfléchie et ordonnée, penser et comprendre notre monde.
L’ODPO a été créée pour justement créer ce cadre et ces conditions à la libération nationale et sociale d’Occitània.
À bas la république des voleurs et des parasites !
Òsca la Republica socialista occitana !"
* La source de cet article provient du site www.odpo.org.
* Sur la question du rejet des syndicats, sans qu'il ne s'agisse nullement de nier les milliers de petits syndicalistes d'entreprise qui "mouillent le maillot" au quotidien (parfois tout seuls, souvent au prix d'être sur les "listes noires" du patronat etc.), mais simplement de prendre conscience d'un sentiment bien réel qui doit nous servir d'électrochoc :
Télécharger « Les gilets jaunes ne veulent pas des drapeaux rouges des syndicats.pdf »
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GILETS JAUNES - Les gilets jaunes ne veulent pas des drapeaux rouges des syndicats
https://www.francebleu.fr/…/les-gilets-jaunes-ne-veulent-pa…
lundi 19 novembre 2018 à 19:18 Par Mathieu Ferri, France Bleu Occitanie
Dans ce mouvement qui se veut apolitique, avec des actions décidées au dernier moment sur les réseaux sociaux, le soutien des syndicats n'est pas souhaité. Il est même largement rejeté par les gilets jaunes.
Le mouvement des gilets jaunes est né sans les syndicats, et il compte bien vivre sa vie comme un grand. Sur les barrages, les manifestants sont unanimes. Pour Christophe, par exemple, rencontré sur le blocage du dépôt pétrolier de Lespinasse au nord de Toulouse, pas besoin des structures classiques pour organiser la contestation : "c'est le peuple qui gueule là, la petite France qui gueule, c'est tout."
"C'est la petite France qui gueule, c'est tout." - Christophe, un gilet jaune D'ailleurs ce mouvement, c'est plus qu'un avertisseur pour les syndicats. Comme les partis politiques n'ont plus compté à la présidentielle, les syndicats ne comptent plus sur le front social.
Même Raymond, ancien syndicaliste, ne peut plus les voir en peinture. Il ne croit pas au pouvoir de négociation des représentants, une fois en réunion à Paris : "quand ils sont làhaut, ils sont achetés. Et puis, ils n'écoutent plus la base. Ces gens-là décident pour nous sans écouter nos revendications. Pourquoi y'en a de moins en moins de personnes syndiquées ? Parce que ces gens-là ne représentent plus personne, ils ne représententqu'eux-mêmes."
Garder de la fraîcheur d'esprit
C'est clair, c'est dit, les gilets jaunes ne veulent pas du drapeau rouge de la CGT, ni de celui de FO ou de la CFDT. Pas même Sud ou Solidaires. S'ils sont solidaires, c'est entre eux, et
Frédéric tient à garder une certaine fraîcheur : "c'est un mouvement improvisé. Si les syndicats s'en mêlent, ça va être trop structuré, et ça va s'adoucir tranquillement".
Mais les organisations professionnelles et syndicales, elles, sont très attentives aumouvement. Elles ne poussent pas leurs adhérents à manifester, mais elles ne leur interdisent pas de le faire, à titre individuel. Quitte à entrer dans le jeu un peu plus tard, et montrer qu'elles sont incontournables.
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