albatroz - images, songes & poésies

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andré laude, poème 2

Nous n'habitons nulle part nous ne brisons de nos mains

rouges de ressentiment que des squelettes de vent

nous tournoyons dans un désert d'images diffusées par les

invisibles ingénieurs du monde de la séparation permanente

retranchés dans les organismes planétaires planificateurs

infatigables du spectacle

nous ne sommes rien nous ne sommes qu'absence

une brûlure qui ne cesse pas nous n'embrassons nulle bouche

vraie nous parlons une langue de cendres nous touchons

une réalité d'opérette

nous n'avons jamais rendez-vous avec nous-mêmes

nous nous tâtons encore et toujours

nous errons dans un magma de signes froids nous traversons

notre propre peau de fantôme

le soleil du mensonge ne se couche jamais sur l'empire de

notre néant vécu atrocement au carrefour des nerfs

nous n'avons ni visage ni nom nous n'avons ni le temps

ni l'espace des yeux pour pleurer trente-deux dents

totalement neuves pour mordre

mais mordre où mais mordre quoi

de fond en comble toutes les chaînes

autour desquelles s'articulent nos chairs nos pensées

d'aujourd'hui

jusqu'à ce qu'elles cassent dans un hourrah de lumières de

naissances multiples

décrétons le refus global

les jardins des délices tremblent et éclairent au-delà

la révolte met le feu aux poudres

taillez enfants aux yeux d'air et d'eau les belles allumettes

dans la forêt des légitimes soifs

taillez les belles allumettes pour que flambe le théâtre d'ombres universel.

 

André Laude (1936 – 1995)

in Testament de Ravachol, éd. Plasma 1974

 

« Né le 3 mars 1936. Famille ouvrière. Exilé à Paris, renouera plus tard avec la terre-mère : l'Occitanie. École sous l'occupation nazie. Premières masturbations et premières révoltes. Très tôt écrit et rêve de devenir journaliste. Fait la connaissance d'une bande de poètes et peintres anticonformistes. Militant anarchiste. Autodidacte, lance à 17 ans le cri fameux : "A nous deux Paris". Réponse de l'écho : "Pauvre con". Apprend difficilement à bien faire l'amour. Rencontre André Breton, Benjamin Péret et quelques autres "phares". Guerre d'Algérie : horreur et souffrance. Des tas de petits métiers. Quitte l'Europe pendant plusieurs années. Voyages : Cuba, Orient, Asie… Revient en Europe. Écrit dans cent journaux et magazines. Publie des recueils de poèmes. Pauvreté, humiliation. Laisse pousser sa barbe pour cacher les cicatrices. Un seul désir : vivre et jouir sans entraves en cherchant à faire la peau du vieil homme ».

Ainsi se présentait André Laude lui-même, en quatrième de couverture de  Joyeuse apocalypse (Stock, 1973).



15/12/2006
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