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georges labica — présidentielles 2007 : laa cave de l’aveugle ?

Présidentielles 2007 : La cave de l’aveugle ?

 

La conjoncture actuelle

Elle se caractérise par le glissement à droite des principales forces politiques. Elle a pour conséquence que n’a jamais été offert à l’électeur un tel éventail d’options de droite : Le Pen, De Villiers, Sarkozy, Bayrou, Royal.

Le discours sécuritaire, devenu l’idéologie dominante, légitime tous les dispositifs du libéralisme, dernière phase du capitalisme mondialisé, en les déclarant indépassables.

Le système

Quand il n’est pas purement et simplement ignoré, il fait à peine l’objet d’allusions (la VIè République ?) et jamais de déclarations programmatiques précises. Or, il faut rappeler qu’il n’est pas démocratique : des secteurs entiers de l’opinion, donc de forces sociales, sont exclus de toute représentation, à la fois par le jeu de la collecte de signatures pour être candidat (encore aggravée par la décision d’interdit du PS), et du mécanisme électoral ; rôle figuratif/consultatif du parlement et sa soumission à un gouvernement lui-même soustrait à l’aval électoral ; plébiscite d’un individu investi de pouvoirs monarchiques.

Le système produit deux effets : l’existence d’organisations partidaires vouées au jeu électoral, afin de préserver ou accroître leurs positions acquises, — politiques, morales et financières ; le nombre d’abstentionnistes, qui n’a cessé d’enfler, au point de former la majorité de l’électorat, et qui est traité hors comptabilité des suffrages. Avec deux conséquences communes à toutes nos démocraties « modèles » occidentales : le bipartisme qui s’affirme, en France, d’élection en élection et risque fort de se voir consacré, au prochain scrutin ; des élus, Président inclus, minoritaires, donc, en bon principe « républicain », inaptes à exercer des fonctions de l’exécutif. Est, dans les deux cas, entériné le fossé, déjà béant, entre « élites » et peuple.

Ce verrou (faut-il le redire ?) garantit la domination des puissances monopolistes, à travers notamment les médias qu’elles contrôlent. Leur association (de malfaiteurs) a distribué les rôles de la prochaine consultation.

Les postulants/concurrents.

On sait par quelles manipulations, de loin venues, a été installé sur le devant de la scène électorale, le couple Sarkozy/Royal. Or, il semble désormais qu’il faille faire son deuil de l’alternative qui pouvait lui être opposée. Pour rappel : elle consistait à définir un programme anti-libéral sur le rassemblement des forces sociales qui s’étaient engagées dans les luttes contre la constitution européenne et le CPE en particulier, la révolte des banlieues, quant à elles, ne trouvant ni relais, ni porte-parole. On peut spéculer sur les raisons de l’échec, sans se priver, bien sûr, de désigner des coupables. Je dirai plus directement que, face au défi de constituer la force unitaire (trans- et hors partis), nécessaire à la réplique qui le refusait, le système, une fois encore, l’a emporté.

Il s’agissait de courage, d’invention, peut-être d’aventure. Qu’a-t-on vu ? Les incohérences d’AG sans base politique réelle, les réflexes de boutiques et, s’agissant du principal acteur, cette majorité du PS qui avait choisi le non, les grandes gueules, de Fabius à Emmanueli et autres Montebourg, se fondant dans le brouillard d’un congrès sans aspérités doctrinales. Des traîtres ? Plutôt des repentis, attestant que la logique de classe n’avait été pour eux qu’une récréation sans conséquence. Et l’homme de convictions (d’idées ou de principes), Chevénement, venait, à son tour, pour un plat de lentilles, conforter leur bonne conscience. Il ne restait plus qu’à l’enfant de ce brouillard, Mme Royal, à fédérer les fantômes. On repartait ainsi pour les vieilles antiennes du vote « utile » et du vote « barrage », où se sont épuisées des générations entières de militants de gauche, jusqu’à la pantalonnade des 80% de Chirac, en 2002

Hypothèses

Faut-il donc voter Royal ? Plusieurs attitudes sont possibles : la pince sur le nez ; la résignation, le réalisme, la confiance, l’espérance. Au nom de quels arguments ? On invoque, avec le concours de quelques philosophes qui se sont eux-mêmes appelés en renfort, bien qu’ils n’aient pas plus de compétence en la matière que n’importe quel citoyen, l’existence de « contradictions » au sein du PS, passibles de faire éclater son unité de façade et sur lesquelles pourraient « peser » des formations associées davantage orientées à gauche. Il n’est pourtant pas nécessaire de rappeler ce qui s’est produit, il y a peu, avec la bien singulière « Gauche plurielle », ni de renvoyer aux expériences historiques, pour émettre quelques doutes sur les capacités actuelles du PS. Ce parti est en passe de perdre son S pour ne plus représenter que les couches moyennes supérieures et les cadres (cf. les nouveaux adhérents, plus de 166% dans le 92, dont il est peu probable qu’ils appartiennent aux « quartiers »), alors qu’un un fort taux de prolos vote FN. Il est clair en effet que la ligne Royal, même si elle n’aboutit pas, comme le suggère le chroniqueur italien, Cesare Martinetti, de La Stampa, à un ticket Sarkozy/Royal, sera plus en phase avec Bayrou qu’avec Buffet. Pour certains, c’est précisément cet ancrage droitier qui ouvrirait la voie à une gauche radicale, capable de réussir où les comités du non ont échoué. Plus audacieusement encore, en s’appuyant sur l’analogie Royal/Sarkozy, qui, chacun dans son camp, a fonctionné comme un aimant agglomérant la grenaille, on peut se prendre à espérer que la force attractive cessant, de nouvelles cartes seraient distribuées...au centre droit. En attendant et en laissant de côté les engagements sociaux inhérents au verbe électoraliste, manquent les assurances sur les deux questions discriminantes que sont l’Europe et le conflit du Proche-Orient, entre autres. Si, à propos de la Palestine, on avance que Royal a été mal conseillée, il y a lieu de s’inquiéter sérieusement quant à l’aptitude de Madame « Je veux », à remplir la fonction de premier magistrat de France. Si le désir enfin et le plaisir de barrer la route à un Sarkozy n’est nullement illégitime et emporte de choisir, entre deux maux, le moindre, on peut quand même préférer n’être pas malade. Le recours à José Bové ? Il est trop tard, la casse est faite et son résultat, l’émiettement des candidatures, ne fera que renforcer le chantage au vote « utile ». En outre, le personnage, pour qui les révolutions ne sont que ringardises du siècle précédent (entendons le XIXè), ne se déclare pas hostile à une association avec le PS.

Que faire ?

Car c’est bien là le fond du problème, la leçon de la conjoncture actuelle, qui contraint à briser avec les illusions traditionnelles, en rejetant le principe même d’une alliance, on d’une compromission, avec le PS. Volonté, en votant blanc, de garder les mains blanches ou, en s’abstenant, de laisser courir ? Certes non, mais bien de coller au plus près de la situation concrète d’aujourd’hui, qui en appelle, ne craignons pas de le dire, à un sursaut révolutionnaire. Ce qui signifie dénoncer l’électoralisme qui colle à la peau, quoi que l’on en ait, autrement dit la réduction du citoyen aux intermittences des scrutins. Il faudra bien que le moment vienne où les bulletins blancs et nuls, ajoutés aux abstentionnistes et aux non-inscrits, ne soient plus considérés comme de la merde, mais comme une expression politique, pas plus éclectique, après tout, que ne le furent les votes anti Europe. Il n’est pour autant pas question de se substituer au mouvement de masse, dont il est évident, sous les effets conjugués de la dégradation des conditions de travail et d’existence, du conditionnement médiatique et des servilités syndicales, qu’il n’est pas mûr pour engager, de façon concertée, le procès d’un changement radical, dont les formes seront nécessairement inédites. Est-ce songe creux le refus de croire que ce pays a été à ce point domestiqué qu’il a abandonné la lutte de classe, qui a fait l’originalité de son histoire ?

La tâche, dès lors, pour chacun, consiste à contribuer, quelle que soit la modestie de ses moyens et, s’agissant d’intellectuels, uniquement de leurs mots rendus inaudibles, à la prise de conscience et à soutenir, contre tous les consensus dominants, toutes les colères, toutes les contestations qui travaillent notre société."

Georges Labica

 Philosophe, Historien, Enseignant



18/01/2007
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