grégoire seither - les incendies en californie
les incendies en Californie et les services publics
La presse internationale relate les incendies aux USA comme s’il s’agissait d’une fatalité. Or cette catastrophe naturelle est largement agravée par l’homme : services publics démantelés et n’ayant pas les moyens de faire face, budgets de lutte préventive contre les incendies sabrés au nom des économies budgétaires, soldats de la Garde Nationale mobilisés en Irak et en Afghanistan au détriment de la population californienne, plans d’urbanisation motivés par le profit au détriment de la sécurité… et tout cela seulement 4 ans après le précédent gigantesque incendie en Californie !
[Grégoire Seither - IES News Service - 25/10/2007]
A l’heure qu’il est, plus de 950 000 personnes ont reçu l’ordre de quitter leurs maisons pour fuir les incendies en Californie. . . c’est plus que la population de trois-quarts des départements français . Imaginez que la totalité des habitants de votre département soit obligée de quitter ses maisons en n’emportant que le strict minimum. Mais selon la police, moins de 500 000 personnes a actuellement entrepris l’évacuation. “On a vu les images de Katrina, on a pas envie de vivre ça” disent des témoins interrogés par la télévision PBS.
Le gouverneur Arnold Schwarzenegger et le président Bush font eux aussi la comparaison avec Katrina, histoire d’effacer l’impact catastrophique qu’avait eu le désastre de la Nouvelle-Orléans en 2005. Lors des conférences de presse, les autorités insistent sur le fait que “nous étions préparés, nous avons l’équipement nécessaire, le personnel spécialisé, nous avons les moyens de réagir vite…“
Ce que Bush et Schwarzenegger oublient de préciser c’est que, si la Californie s’en sort pour l’instant mieux que la Louisiane, c’est que les administrations californiennes précédentes n’ont pas démantelé les services d’urgence et sabré les budgets du service public.. comme l’ont fait les amis de Bush en Louisiane et comme tente de le faire le gouverneur Schwarzenegger depuis son élection.
A la Nouvelle Orléans les services d’urgence, de voirie et d’entretien des digues étaient dans un état de délabrement avancé, l’administration Républicaine ayant coupé plus de 70% des budgets au nom du “moins d’Etat”.
En Californie, malgré des incendies dévastateurs en 2003, le gouverneur Schwarzenegger a mis son veto à quatre reprises à des augmentations de budget pour les services de lutte contre les incendies de forêt.
Dallas Jones, ancien directeur du Office of Emergency Services et actuel délégué du syndicat des pompiers professionnels de Californie a publiquement interpellé le gouverneur à l’occasion de la visite de George Bush “En Octobre 2003 nous avons eu le pire incendie de l’histoire de la Californie. Cela fait maintenant quatre ans que vous nous avez promis de remplacer les camions de pompiers à l’époque ou trop vieux, aujourd’hui, nous n’avons toujours rien reçu“
La commission d’enquête mise en place après le “Cedar Fire” 2003 avait conclu qu’il fallait d’urgence remplacer près de la moitié des hélicoptères des services de pompiers, certains étant trop vieux pour prendre l’air. Elle préconisait également des embauches supplémentaires afin de compléter les équipes dans les camions de pompiers (il en faut quatre pour faire fonctionner les équipements, généralement ils ne sont que deux) et équiper les hélicoptères de système permettant d’hélitreuiller des pompiers sur des fronts de feux difficilement accessibles. Rien de tout cela n’a été implémenté par l’administration Républicaine du gouverneur Schwarzenegger
La flotte des Canadair est également en mauvais état, passant de 41 à 16 en cinq ans, plus de la moitié des avions étant interdits de vol pour cause de panne non réparée. L’Etat de Californie a refusé de voter l’achat de deux nouveaux Canadair pour remplacer ceux qui s’étaient écrasés en 2003.
Selon les chiffres officiels, seulement 1 500 réservistes de la Garde Nationale ont été mobilisés pour apporter leur aide à la population californienne lors de ces incendies - soit moins de 10% des 20 000 conscrits de cet Etat.
Pour Leroy Douglas, ancien officier de la Garde Nationale “La Garde Nationale a été créé pour lutter contre des menaces domestiques. Aujourd’hui il est de plus en plus évident que le fait d’avoir la majorité de nos effectifs mobilisés pour la guerre en Irak et en Afghanistan a détruit notre capacité à répondre aux situations d’urgence à la maison“.
En 2003 les incendies avaient montré que la coordination entre les services de police, de pompiers et l’armée n’était pas satisfaisante… elle a un tout petit peu mieux fonctionné aujourd’hui. Mais ce n’est pas encore suffisant. Ainsi, sur la base aérienne Miramar Marine Corps Air Station se trouvent quatre hélicoptères équipés pour la lutte contre les feux de forêt. Ils ne sont pas utilisés car l’administration de l’Etat refuse de leur donner l’autorisation d’intervenir sur les incendies s’ils n’y a pas de représentants des pompiers à bord afin d’assurer la liaison entre les services. Or pour l’instant il n’y a personne disponible…
Dianne Jacob, directrice des services du comté de San José a déclaré la semaine dernière qu’ils allaient peut-être remettre en service les programmes de débroussaillage employant des prisonniers. Pour Paul Kernes, élu local du comté, “c’est une bonne idée, mais elle vient un peu tard. Ces programmes ont été abandonnés par l’administration Reagan et Bush senior parce qu’ils les trouvaient trop coûteux. C’est moins cher de parquer des prisonniers dans des cellules que de les faire travailler pour le bien public”.
L’utilisation de prisonniers et de chômeurs pour entretenir la forêt est un programme qui date de l’administration Roosevelt, une époque considérée comme “l’apogée du socialisme aux Etats-unis” par les théoriciens néo-capitalistes…
Un ancien surveillant de ces programmes témoigne. “Quand un incendie se déclarait, notre première ligne de défense était le coupe-feu le plus proche. Tout l’arrière pays, notamment les collines, était quadrillé de coupe-feux, entretenu par des prisonniers logés dans des camps forestiers pendant l’été. Les saignées dans forêt permettaient de faire passer des camions et d’emmener des hommes dans des zones difficilement accessibles. Nous pouvions ainsi faire venir du matériel lourd de lutte contre les incendies et contenir le feu. Dans les années 1960 aucun feu de forêt n’a jamais pris des proportions gigantesque comme aujourd’hui, nous pouvions toujours nous replier vers le prochain pare-feu. En 1994 et 2003, les anciennes saignées pare-feu étaient si mal entretenues, après des années de négligence, que certaines équipes ont failli mourir, elles ont du abandonner leurs camions prisonniers du sous-bois…“
Après les incendies de 2003, la commission d’enquête avait d’ailleurs préconisé la reprise des programmes employant des prisonniers. Pour le conseiller Kernes, l’administration californienne a refusé de le faire, uniquement pour des raisons financières : “Il faut pas mal de main d’oeuvre pour couper et entretenir ces coupe-feu, il faut de l’argent pour les encadrer, les loger, le matériel… je suppose que c’est moins cher de mettre ces gens en cage que de maintenir tous ces camps dans la forêt.”
Kernes a ajouté que les prisonniers étaient payés 70 cents par jour de travail (!!!), somme augmentée à 1,50 dollars lors d’un incendie.
“Il est évident que l’annulation de ce programme a été un désastre. . . c’est un programme qu’il faut planifier et maintenir tout au long de l’année. Pour les crânes-d’oeuf à Washington et au Capitole, il faut couper les budgets des services publics… mais quand la merde tombe dans le ventilateur, on se rend compte que les seuls sur lesquels on peut compter, ce sont les gens qui travaillent pour la collectivité“
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