james Cogan, bush au moyen-orient
WSWS, 30 novembre 2006. Le but des pourparlers en Jordanie entre George Bush et le premier ministre irakien Nouri al-Maliki est clair. Bush, accompagné de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, insistera pour que le chef irakien se plie aux demandes américaines de répression sanglante contre la plus grande faction de son propre gouvernement, le mouvement anti-occupation sadriste dirigé par l’imam Moqtada al-Sadr et sa milice de l’Armée du Mahdi. Un important représentant américain qui n’a pas été nommé a abruptement affirmé au New York Times : « Tous savent qu’il est temps de prendre une décision. » A la veille des pourparlers, la justification d’une attaque sur les sadristes a été publiée en première page de l’édition du mardi du New York Times. Selon les correspondants en vue Michael Gordon et Dexter Filkins, un « important représentant des services du renseignement » anonyme a divulgué des allégations selon lesquelles jusqu’à 2000 combattants de l’Armée du Mahdi auraient été entraînés au Sud-Liban par le Hezbollah, le mouvement chiite libanais classé comme « organisation terroriste » par Washington. L’Iran, soutient le représentant, « a facilité le lien entre le Hezbollah et les milices chiites en Irak » et « les représentants syriens ont aussi collaboré », en aidant les sadristes à traverser au Liban en passant par le territoire syrien. Le représentant anonyme déclare : « Il semble y avoir eu une décision stratégique prise par Damas et Téhéran vers la fin de l’hiver ou au début du printemps, en collaboration avec leurs partenaires du Hezbollah libanais, pour fournir un plus grand appui à Sadr afin d’augmenter la pression sur les Etats-Unis. » La promotion sensationnaliste d’un axe sadriste-Hezbollah-Syrie-Iran - qui n’est appuyé par aucune preuve et qui a tout l’air d’une histoire créée de toutes pièces par la Maison-Blanche ou le Pentagone - fait directement l’affaire des éminences grises de l’administration Bush telles que le vice-président Dick Cheney qui ont toujours vu l’Irak comme le prélude à un « changement de régime » à Damas et à Téhéran. Cet article touche directement le Groupe d’étude sur l’Irak dirigé par l’ancien secrétaire d’Etat James Baker. Beaucoup croient que son rapport, qui doit être publié le mois prochain, recommandera que les Etats-Unis demandent l’aide de l’Iran et de la Syrie pour mettre un terme à la guerre civile fratricide qui fait maintenant rage en Irak. L’article a été publié seulement quelques heures après que le président irakien Jalal Talabani soit arrivé à Téhéran pour entreprendre, à ce qu’il paraîtrait, des pourparlers préliminaires avec le régime iranien. En Irak, les allégations contre les sadristes peuvent être utilisées pour justifier un changement de tactique planifié depuis longtemps. Plusieurs indices durant l’année ont montré que la Maison-Blanche souhaitait remplacer le gouvernement irakien à Bagdad, qui est dominé par les chiites, par un régime militaire de style baasiste. En échange de l’amnistie et de la possibilité d’un retour au pouvoir et de privilèges, on attendrait de l’élite sunnite arabe qu’elle collabore avec l’agression américaine contre la Syrie et l’Iran et participe avec les forces américaines à la répression brutale de tout élément de l’insurrection sunnite qui refuserait de déposer les armes. Le mouvement sadriste, avec ses millions de partisans de la classe ouvrière chiite et des quartiers pauvres de Bagdad et du Sud de l’Irak, est perçu par l’administration Bush comme le principal obstacle à son programme. Sadr avait refusé les demandes de « réconciliation » avec le précédent establishment baasiste. Son organisation continue de demander un échéancier pour la fin de l’occupation américaine et insiste sur le droit de l’Irak à déterminer la façon dont ses ressources pétrolières doivent être exploitées. De plus, dans le cas d’un affrontement avec l’Iran chiite, la possibilité que des attaques soient lancées sur les forces américaines en Irak par l’armée du Mahdi est considérée comme étant une menace réelle et dangereuse. Selon les représentants des services du renseignement cités mardi dans le Washington Post, l’Armée du Mahdi aurait maintenant entre 40 000 et 60 000 combattants. Les demandes provenant des cercles dirigeants américains pour un changement de cap en Irak qui donnerait un certain degré de contrôle des Etats-Unis sur ce pays deviennent très insistantes. Plus de 3700 Irakiens sont morts en octobre dans les combats opposants sunnites et chiites. Des centaines d’autres sont morts la semaine dernière dans des explosions sauvages sunnites et des représailles des milices chiites. Le pays est sur le bord de la désintégration économique, sociale et politique, alors qu’aucun des objectifs américains n’a été atteint. Dans la province d’Anbar à l’ouest du pays, où la résistance sunnite est la plus enracinée, le Washington Post a révélé cette semaine qu’un rapport des forces militaires américaines déclarait en août que « la situation sociale et politique s’est détériorée au point » où les forces américaines et irakiennes « ne sont plus capables de vaincre militairement l’insurrection ». Le carnage quotidien et les morts américaines continuelles alimentent le sentiment anti-guerre de masse aux Etats-Unis et les appels pour le retrait des troupes. Les tensions politiques intérieures et les récriminations augmentent continuellement. Malgré cela, l’administration Bush est très claire qu’elle n’adoptera pas un « changement de cap » qui impliquerait quelque concession que ce soit à l’Iran ou la Syrie ou un recul de sa perspective de domination américaine au Moyen-Orient. Samedi, le vice-président Dick Cheney s’est envolé vers l’Arabie Saoudite. Alors qu’il refuse de parler avec Téhéran ou Damas, la Maison-Blanche veut s’assurer d’avoir l’appui de la monarchie saoudienne et d’autres Etats arabes pour l’ultimatum que Bush livrera à Maliki. Le New York Times rapportait ce week-end : « Spécifiquement, les Etats-Unis veulent que l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Jordanie travaillent pour créer un fossé entre le premier ministre Nouri al-Maliki et l’ecclésiastique chiite antiaméricain, Moqtada al-Sadr, dont l’Armée du Mahdi a été derrière plusieurs attaques de représailles en Irak, a dit un représentant senior de l’administration. Cela nécessiterait que les nations à dominance sunnite réussissent à convaincre les sunnites modérés en Irak d’appuyer M. Maliki, un chiite. Ce qui donnerait théoriquement à Maliki la force d’affronter la milice chiite de M. Sadr. » Si Maliki refuse de sanctionner le massacre des sadristes, l’administration Bush est prête à le déloger. Trent Lott, un important sénateur républicain a dit à Fox News samedi : « Il y a un problème avec lui [Maliki]. Il va devoir décider s’il va vraiment tenter de contrôler ces groupes de miliciens... Je ne sais pas si le gouvernement va réussir à survivre si les circonstances ne changent pas là-bas... Je crois que nous allons devoir être très agressifs et spécifiques avec lui... s’il ne montre pas de véritable leadership... si de fait il devient une partie du problème, nous allons devoir prendre des décisions difficiles. Allons-nous y aller, et essayer de le faire pour eux ? » Seulement trois semaines après que les élections au Congrès le 7 novembre aient produit un rejet sans ambiguïté du Parti républicain et un vote pour la fin de la guerre, une nouvelle et encore plus sanglante étape du conflit en Irak est en préparation. Loin d’un retrait des forces américaines de l’Irak, le scénario le plus probable est une augmentation du nombre de soldats pour mener des opérations de « stabilisation » de Bagdad et d’autres villes. Bush a saisi l’occasion que lui procurait une conférence de presse à Lativia hier pour déclarer : « Je ne vais pas retirer les troupes du champ de bataille avant que la mission ne soit complétée. » Le mépris si ouvert qu’affiche Bush et la Maison-Blanche envers la volonté démocratique du peuple américain est possible seulement parce que les démocrates et l’establishment des médias appuient essentiellement ce programme. Quelque soient les différends tactiques exprimés sur la conduite de la guerre en Irak, ils sont tout autant engagé à maintenir les troupes américaines en Irak et à compléter la « mission » au Moyen-Orient, c’est-à-dire que les Etats-Unis contrôlent économiquement et militairement la région et ses ressources pétrolières. James Cogan Source : WSWS www.wsws.org |
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