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juan gelman — les cadeaux de l'oncle sam

Les cadeaux de l'Oncle Sam

 

La secrétaire d'État Condoleezza Rice a annoncé quelques petits cadeaux pour les pays arabes amis et, bien sûr, pour Israël aussi: 13.000 millions de dollars d'aide militaire à l'Égypte et 30.000 millions à Tel Aviv. Condi a expliqué: « La modernisation des forces armées d'Égypte et d'Arabie Saoudite (avec laquelle se négocie un accord similaire) aidera nos associés à affronter la menace des radicalismes et à cimenter leur rôle de leaders régionaux à la recherche de la paix au Moyen-Orient et de la liberté et de l'indépendance du Liban » (Reuters, 1-8-07). En réalité, il s'agit d'un changement de stratégie pour attaquer l'Iran, une entreprise qui n'enthousiasme pas les gouvernements européens.
Le nouveau tournant a deux visages : armer les pays sunnites, majoritaires dans la région, et porter un toast au complexe militaro-industriel usaméricain, comme l'a baptisé le général Dwight Eisenhower. La Maison Blanche offre des présents similaires à la Jordanie et aux petits, mais très riches Émirats Arabes Unis. « Les Saoudiens se sont engagés à payer comptant (les armes) sans retard ni délais. Il y a en jeu beaucoup d'intérêts et surtout beaucoup d'argent », a déclaré une source du Pentagone (El Pais). L'autre visage: il y a longtemps que la Maison Blanche s'efforce de freiner une conséquence de la guerre contre l'Irak qu'elle n'attendait pas, à savoir l'augmentation de l'influence de l'Iran chiite sur le gouvernement chiite irakien après le renversement du sunnite Saddam Hussein. Il importe peu à Washington, au nom de l'opportunité, de transformer un ami en ennemi et vice-versa.


Le fameux journaliste Seymour Hersh avait anticipé cette conversion de la Maison Blanche, destinée à faire s'affronter entre eux = entre eux sunnites et chiites, y inclus Irakiens, qui se sont retrouvés seuls au gouvernement et au parlement du pays. Hersh a révélé que les USA financent au Liban des groupes radicaux sunnites comme le Fatah Al Islam et, au Pakistan, le Jundallah qui fait des incursions en territoire iranien pour perpétrer des actes terroristes (The New Yorker, 5-3-07). Le réarmement par les USA de ces États arabes correspond à deux objectifs: encercler l'Iran avec un formidable potentiel de guerre et les doter de moyens pour réprimer la dissidence interne. Il y a des exemples : à l' élection présidentielle de 2005 en Égypte, son président Hosni Mubarak a fait emprisonner le candidat de l'opposition Ayman Nour, probable vainqueur, pour « fraude électorale ». Une projection, comme on dit.


La Maison Blanche va augmenter la répudiation du monde arabe avec une telle stratégie, sans oublier que si quelques-unes de ces armes tombent entre les mains des terroristes, la fragile monarchie saoudienne — cible d'attaques répétées d'Al Qaida — ne se portera pas bien, pas plus que les émirats du Golfe, plus fragiles encore. Il se confirme que les USA sont la puissance derrière le trône des rois et émirs corrompus du Golfe qui dilapident les richesses nationales et vendent bon marché l'or noir. Comme l'a souligné Michael Scheurer, qui a été durant 22 ans un agent de la CIA et chargé en 1986/89 de suivre Oussama dans la guerre contre les soviétiques, « les forces et les politiques des USA complètent la radicalisation du monde islamique, quelque chose qu'Oussama Ben Laden tenta de faire avec un succès relatif dès le début des années 90. En conséquence, il me paraît correct de conclure que les USA continuent d'être l'unique allié indispensable de Ben Laden » (Harpers's Magazine, 23-8-06). Israël a accepté — en rechignant — le renforcement militaire de l'Arabie Saoudite et d'autres États arabes, mais l'augmentation de 25% de l'assistance usaméricaine en la matière a satisfait Tel Aviv. Incidemment, selon des estimations prolifiques de la fondation American Educational Trust fondées sur des documents officiels, Israël a reçu de 1949 à 2006 une aide militaire directe des USA qui s'est élevée à 108.000 millions de dollars; Il y a plus, mais dissimulé sous des postes budgétaires de différents ministères et organismes, le Pentagone en particulier (Washington Report on Middle East Affairs, juillet 2006). L'estimation est de 30.000 millions de dollars supplémentaires.


Condoleezza Rice et le chef du Pentagone Robert Gates ont voyagé au Moyen-Orient les mains pleines d'offres d'armement. L'Arabie Saoudite pourra acheter des bombes guidées par satellite, des défenses anti-missiles et jusqu'aux avions de chasse les plus modernes avec les 20.000 millions de dollars que la Maison Blanche lui propose. A l'Université usaméricaine du Caire, la même Rice — où en était-ce une autre — affirmait en juin 2005: « Durant 60 ans mon pays, les USA, a procuré la stabilité au Moyen-Orient aux dépens de la démocratie dans la région. Et nous n'avons rien obtenu. Aujourd'hui notre position est différente. Nous appuyons les aspirations démocratiques de tous les peuples ». Cela se voit: les USA envahissent des pays, méconnaissent la victoire électorale du Hamas, réarment Mubarak, président continu de l'Égypte depuis 1981 et les élites sunnites des pays du Golfe, non moins autocrates que Saddam Hussein. La conception de la démocratie du gouvernement Bush est vraiment bizarre.


Juan Gelman


Gérard Jugant, révisé par Fausto Giudice



13/08/2007
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