Par Moon of Alabama − Le 5 juin 2019
Chaque anniversaire du jour du débarquement américain, la même question se pose. Qui a vaincu l’Allemagne et ses alliés ? La réponse est, sans aucun doute, l’Union soviétique.
Mais après des décennies de propagande occidentale, l’affirmation selon laquelle ce sont les États-Unis qui ont vaincu le Reich a pris le dessus dans de nombreux esprits. Les sondages montrent que la propagande a bien fonctionné. Plus de la moitié des Français croient maintenant que les USA ont contribué pour l’essentiel à la défaite de l’Allemagne.
Les USA ont perdu 411 000 hommes durant la Seconde guerre mondiale, les Anglais 450 000, l’Allemagne environ 7 millions et l’Union Soviétique 20 millions.
Beaucoup pensent que l’Union soviétique, aujourd’hui « les Russes », ont toujours été les méchants et que l’Allemagne était un allié loyal pendant cette guerre. C’est du moins ce que semble croire le récit donné par le compte twitter de la famille royale britannique.
La famille royale @RoyalFamily - 10:30 utc - 5 juin 2019 La Reine a été présentée aux dirigeants par le Premier ministre @10DowningStreet - chacun d’eux représentant les nations alliées qui ont participé au Jour J. #DDay75
Le président russe Vladimir Poutine n’a pas été invité à la réception royale commémorant le 75e anniversaire du jour J. Au lieu de cela, la reine a serré la main de la chancelière allemande, Merkel. Merkel aurait dû refuser d’y être, à moins que Poutine ne soit également invité. Les dirigeants des autres pays soviétiques, Vladimir Zelensky d’Ukraine et Alexandre Loukachenko de Biélorussie, devraient également être présents.
Il n’est pas totalement faux de dire que quelques divisions allemandes ont participé au Jour J. Et quelques douzaines de divisions allemandes, de moindre qualité, se joignirent plus tard à la bataille sur le front occidental. Mais au même moment, quelque 200 divisions des forces allemandes étaient engagées à l’Est.
Deux semaines après le jour J, l’Armée rouge lança l’opération Bagration et attaqua les lignes du Centre des Armées Allemandes à l’est, sur un front de 1 600 km de long. En huit semaines, les forces allemandes ont été repoussées de plus de 300 km. C’est cette attaque qui a brisé le dos de l’armée allemande. Cyniquement dit, l’invasion menée par les États-Unis à l’ouest n’a été qu’une simple diversion à l’attaque plus importante venant de l’est.
Il y a dix ans, Anatoly Karlin écrivait dans The Poisonous Myths of the Eastern Front [Les mythes empoisonnés du front oriental] :
MYTHE I : Les Américains héroïques et leurs acolytes britanniques ont gagné la Seconde Guerre mondiale, tandis que la campagne russe n’a été qu'une attraction RÉALITÉ : Bien que l’attaque terrestre et le bombardement stratégique de l'Occident aient été très utiles, la réalité est que la grande majorité des soldats et aviateurs allemands ont combattu et sont morts sur le front de l'Est, pendant toute la guerre. Rüdiger Overmans, dans son livre intitulé Deutsche militärische Verluste im Zweiten Weltkrieg estime qu'entre la campagne de Pologne et la fin 1944, 75 à 80 % de tous les membres des forces armées allemandes sont morts ou ont disparu au combat sur le front Est. Selon les recherches de Krivosheev, tout au long de la guerre, la grande majorité des divisions allemandes étaient concentrées contre l'Union soviétique - en 1942, par exemple, il y en a eu 240 à l'Est et 15 en Afrique du Nord, en 1943 il y en a eu 257 à l'Est et 26 en Italie et même en 1944, on en comptait plus de 200 à l'Est contre seulement 50 divisions sous-équipées à l'Ouest. De juin 1941 à juin 1944, 507 divisions allemandes (607 avec leurs alliées) ont été détruites sur le front Est, contre 176 divisions sur le front ouest. Les deux batailles décisives, Stalingrad et El Alamein, diffèrent en échelle d’un facteur d'environ dix. Il ne s'agit pas de dénigrer les soldats alliés occidentaux qui ont combattu et sont morts pour libérer le monde du nazisme. En particulier, les marins qui ont permis le débarquement, sous haut risque d'attaques sous-marine meurtrières, et ceux qui ont transporté des produits indispensables comme des conserves, des camions et du carburant pour les avions en Russie et qui ont peut-être joué un rôle crucial pour empêcher son effondrement en 1941-42. Et les équipages des bombardiers qui ont massivement perturbé la capacité de l'Allemagne à guerroyer, au prix d’un taux de mortalité horrible, réduisant ainsi considérablement la durée de la guerre.
Un autre mythe est que ce sont les forces américaines qui ont mené le débarquement :
Andrew Neil @afneil - 11:05 utc - 2 juin 2019 Le jour du 75e anniversaire du jour J, il est grand temps de démystifier le mythe hollywoodien selon lequel il s'agissait en grande partie d'une force d'invasion américaine. Sur les 1 213 navires de guerre en cause, 892 étaient britanniques ou canadiens ; seulement 200 étaient américains. La Royal Navy était en charge de l'opération Neptune. Sur les 4 126 péniches de débarquement en cause, 805 étaient américaines et 3 261 britanniques. Les deux tiers des 12 000 aéronefs impliqués dans le jour J étaient des aéronefs de la RAF/RCAF. Les deux tiers des troupes débarquées sur les plages étaient britanniques et canadiennes. Eisenhower était le commandant suprême, mais tous les officiers supérieurs en charge de la terre, de la mer et de l'air étaient britanniques.
Lorsque l’Allemagne attaqua l’Union soviétique en juin 1941, les États-Unis étaient ambivalents sur ce qu’il fallait faire. Les deux pays étaient considérés comme des ennemis. Le bien connu sénateur Harry Truman a exprimé la position des États-Unis de façon très succincte :
"Si nous voyons que l'Allemagne gagne, nous devons aider la Russie et si la Russie gagne, nous devons aider l'Allemagne, et ainsi les laisser tuer autant de gens que possible."
Dès qu’ils ont été attaqués par les Allemands en 1941, les Soviétiques ont enjoint à leurs alliés d’ouvrir un front occidental contre l’Allemagne. En 1943, après la défaite des Allemands à Stalingrad et l’échec de leur contre-attaque dans la bataille de Koursk, il est devenu évident que les Soviétiques allaient vaincre les forces nazies. Lors de la conférence de Téhéran en novembre 1943, Staline pressa Roosevelt et Churchill d’ouvrir enfin un front occidental. Sachant que les Soviétiques l’emporteraient sur l’Allemagne, ils ont accepté de lancer leur invasion en mai 1944.
Les États-Unis ont dominé l’Europe occidentale depuis lors et ont, avec succès, endoctriné sa population avec une fausse version de l’histoire.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
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12.06.2019
Le jour J – le 6 juin 1944 – une immense armada composée de milliers de navires de guerre vogua des côtes d'Angleterre à la conquête des côtes normandes dans le sens inverse de Guillaume le Conquérant (1066) venu, quelques siècles auparavant, imposer son hégémonie à la paysannerie et à l'aristocratie anglaises. Neuf siècles plus tard, c'est le capital impérialiste atlantique qui est à la poursuite du capital allemand sur les terres françaises et européennes pour y imposer son hégémonie. Cet affrontement moderne entre le capital «libéral» atlantique – associé à l'Est au capital «dirigiste» soviétique – en guerre contre le capital «totalitaire» allemand – a couté la vie à des dizaines de millions de prolétaires occidentaux, africains et asiatiques, chairs à canon de cet affrontement mondialisé. (1)
En préparation de la prochaine guerre mondiale – vers lequel tend ce mode de production décadent – il parait important pour le grand capital international de commémorer ce débarquement et de répéter à satiété le mensonge de la soi-disant «Libération» (sic) des populations européennes asservies par le capital allemand. Quel prolétaire a été libéré de l'esclavage salarié sur les plages d'Omaha Beach le 6 juin 1944? Aucun évidemment! Au prix de leur vie, les prolétaires européens dupés changèrent simplement de maitre. Du capital Allemand, un temps dominant, ils changèrent d’allégeance et ils prêtèrent serment, qui à l’Ouest du « Rideau de fer », à leurs nouveaux maitres américano-britanniques; qui à l’Est du « Rideau de fer », à leurs nouveaux maitres soviétiques… et le monde capitaliste mondialisé était prêt pour un nouvel affrontement généralisé (chaud et froid). « L’impérialisme c’est la guerre », a dit un célèbre révolutionnaire.
Peu importe la frauduleuse polémique à propos de quel camp impérialiste – Soviétique ou d’Amérique – sacrifia le plus de vies humaines dans cette reconquête inhumaine, peu importe quel camp a fourni le plus grand effort de guerre pour assurer l’invasion de l’Europe assiégée de tous côtés (Est, Sud, Ouest), et peu importe quel camp assuma le plus lourd fardeau pour l’assujettissement des peuples occupés, et peu importe quel camp offrit la plus grande contribution à la défaite de l’impérialisme allemand décadent, le résultat reste le même.(2) Après la marche sanglante outre-Manche – amorcée à l’Ouest par « Le débarquement de Normandie », après un florilège de bombardements génocidaires sur les villes françaises – de viols en série – de massacres mécanisés – de sacrifices innombrables – à travers l’Europe toute entière (à l’Est comme à l’Ouest, après l’Afrique du Nord), l’épopée triomphale du capital étala son manteau d’opprobre sur cette terre de misère. Par la suite, chaque peuple du monde «civilisé» fut contraint de rallier l’un ou l’autre des deux camps impérialistes – d’Amérique ou soviétique – y compris le peuple japonais nucléarisé (6 août 1945 – Hiroshima), le peuple chinois tétanisé et tous les peuples «libérés» par leurs nouveaux geôliers … Cinquante ans plus tard (1990) la Seconde Guerre mondiale prit fin définitivement avec l’effondrement de l’un des deux camps impérialistes et le commencement d’un nouvel affrontement entre le camp impérialiste atlantique et le capital des pays «émergents» d’un tiers-monde «libéralisé» et mondialisé.(3)
La Seconde Guerre mondiale fut une guerre impérialiste pour la conquête de nouveaux marchés et l’établissement de l’hégémonie d’un camp impérialiste sur les autres. Chacun des grands carnages qui marquèrent cette saga sanglante s’inscrit dans cette stratégie de conquête et d’asservissement par l’un ou par l’autre camp impérialiste dont le prolétariat a servi de prétexte et de chair à canon pour justifier les pires calamités, mais surtout pas pour gagner notre «liberté» d’esclave salarié.
L’effort de propagande guerrière dont le capital international entoure ce drame historique est à la mesure de la mystification mise en œuvre. Pour le prolétariat mondial, le «devoir de mémoire» consiste à se rappeler qu’ils nous ont menés à la boucherie globale à deux reprises… et qu’ils préparent une troisième guerre pour trancher leurs différents commerciaux… Dire non à la guerre c’est d’abord dire non au capital et c’est mettre fin au capitalisme sous toutes ses formes (de gauche comme de droite).
Éditeur du webmagazine http://www.les7duquebec.com
Notes
- http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/le-mythe-de-la-liberation-cristallise-le-6-juin-1944/
- https://lesakerfrancophone.fr/le-jour-j-et-son-mythe-dune-victoire-americaine
- http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/239225/