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Le Pentagone prévoit une suprématie militaire globale

Le Pentagone prévoit une suprématie militaire globale
Les États-Unis et l'OTAN pourraient déployer des lance-missiles mobiles en Europe
 
 

Du 17 au 20 août avait lieu la conférence du U.S. Space and Missile Defense à Huntsville en Alabama, où est situé le quartier général de la Missile Defense Agency (MDA) du Pentagone.

Parmi les 2 000 participants et plus se trouvaient le lieutenant général Patrick O'Reilly, nouveau directeur de la Missile Defense Agency, le général du Corps des Marines James Cartwright, vice-président de l'Instance collégiale des chefs d'état-major, le lieutenant-général Kevin Campbell, commandant du Space and Missile Defense Command/ Army Forces Strategic Command, et Charles Bolden Jr., administrateur de la NASA (National Aeronautics and Space Administration).

Il y avait également 230 exposants, dont le principal fabricant d'armes du pays et des compagnies d'armement se spécialisant pour la plupart dans la fabrication de boucliers antimissiles planétaires et les projets de guerre spatiale. Par ailleurs, la présence du directeur de la NASA indique que la distinction entre les utilisations civile et militaire de l'espace disparait rapidement. Comme le rapportait l'agence de presse Bloomberg le 2e jour de l'année 2009, « le président élu Barack Obama abolira probablement les anciennes barrières entre les programmes spatiaux civil et militaire afin d'accélérer une mission vers la lune dans la perspective d'une nouvelle course à l'espace avec la Chine [et] l'équipe de transition d'Obama envisage une collaboration entre le département de la Défense et la National Aeronautics and Space Administration [...] [1] ». M. Bolden, le chef de la Nasa récemment en poste, est un général du Corps des Marines retraité.

 

Un lance-missiles de 47 500 livres en route vers les bases de l'OTAN en Europe?

Le 20 août, une dépêche de Reuters au sujet de la conférence de Huntsville indiquait que Greg Hyslop, vice-président directeur général de la division antimissile chez Boeing, avait annoncé à cette conférence que sa compagnie « [envisageait] l'utilisation d'un intercepteur de 47 500 livres pouvant au besoin être transporté à bord d'un avion-cargo C-17 jusqu'aux bases de l'OTAN, monté rapidement sur une remorque de 60 pieds et ramené au pays lorsque l'on juge que cela est sécuritaire.»

Boeing a présenté une maquette d'un « missile d'interception [mobile] biétage conçu pour être déployé n'importe où dans le monde en 24 heures […] [2] »

Le directeur de la compagnie a fait allusion au déploiement prévu d'un missile d'interception fixe basé au sol pour la Pologne comme étant risqué d'un point de vue politique : la majorité des Polonais s'y oppose, contrairement à leur gouvernement, et les fonctionnaires russes se sont fermement engagés à prendre des contre-mesures si les États-Unis vont de l'avant avec ce projet. Le reportage de Reuters cité plus haut appuie la proposition de missile intercepteur mobile en prétendant qu'il pourrait « atténuer les craintes russes relativement à d'éventuels sites de défense fixes contre les missiles en Europe. [3] »

Ni Reuters ni les représentants de Boeing n'ont expliqué comment le fait de substituer un missile intercepteur mobile – pouvant « être déployé n'importe où dans le monde en 24 heures » – à dix missiles stationnés en Pologne en permanence, dans un lieu connu de la Russie, ne pourrait apaiser ses craintes concernant la neutralisation de ses capacités de dissuasion et de représailles advenant une première frappe des États-Unis et de l'OTAN.

Plus tard dans la même journée, le premier vice-ministre aux Affaires étrangères de la République Tchèque, Tomas Pojar, a démontré que le subterfuge de Boeing était un mensonge en soulignant qu'un « éventuel bouclier antimissile mobile étatsunien ne menace pas les plans des États-Unis de construire une station radar en sol tchèque parce que le système sera une combinaison d'éléments mobiles et fixes [et que] le système dans son ensemble fonctionnera toujours sur la base d'éléments fixes et mobiles complémentaires (incluant de nombreux radars). Autrement, ce n'est pas possible [4]. »

 

La défense antimissile : ruse et réalité

Le déploiement de missiles intercepteurs et la construction d'installations radar complémentaires en Europe par les États-Unis et l'OTAN ne sont pas et ne pourraient pas être conçus pour protéger les États-Unis et l'Europe de l'Ouest de missiles balistiques intercontinentaux iraniens imaginaires et d'ogives nucléaires également inexistantes. Il s'agit d'un fait incontestable que même le vice-président de l'Instance collégiale des chefs d'état-major des États-Unis, le général James Cartwright, a été forcé de reconnaître à la conférence sur la défense spatiale et antimissile cette semaine.

En ce qui concerne la capacité [des États-Unis] de contrer simultanément 15 missiles balistiques intercontinentaux à l'aide de 30 GBI [intercepteurs basés au sol] placés dans des puits de lancement à Fort Greely en Alaska et sur la base aérienne de Vandenberg en Californie », le général Cartwright a déclaré, dans un rare moment de candeur : « C'est vachement plus que ce qu'un État voyou pourrait lancer. [5] »

L'actuelle U.S. Missile Defense Agency (MDA) est une prolongation de la Strategic Defense Initiative de 1983, introduite par l'administration de Ronald Reagan. Depuis 2002, l'organisation a succédé à la Ballistic Missile Defense Organization lancée en 1993. Les missiles intercepteurs et les composantes radars qui y sont rattachées et font partie d'un système planétaire de Guerre des étoiles sont destinés à être incorporés dans un projet d'une portée bien supérieure que ce que l'on reconnaît publiquement. Afin de le démontrer, le lieutenant général Patrick O'Reilly, directeur de la MDA, a abordé, lors de la conférence qui se tenait cette semaine en Alabama, l'une des facettes liées à l'espace dans les plans de son agence et a parlé de l'inauguration du Space Tracking and Surveillance System (STSS) (Système spatial de poursuite et de surveillance), lequel comprendra deux satellites de démonstration qui seront lancés le mois prochain [6].

Par ailleurs, en ce qui a trait aux composantes basées au sol liées aux déploiements d'un bouclier antimissiles des États-Unis et de l'OTAN en Europe de l'Est, les plans relatifs à leur implantation n'ont jamais été désavoués par des fonctionnaires étatsuniens, ni par le président Barack Obama, ni par le secrétaire à la Défense Robert Gates, pas plus que par la secrétaire d'État Hillary Clinton. Les seules réserves exprimées par Washington sur le déploiement de missiles et de radars dangereusement près des frontières russes concernent la viabilité et le rapport coût-efficacité avérés de tels déploiements. 

 

Élargissement de l'envergure des projets de bouclier antimissiles des États-Unis et de l'OTAN

Le 30 juillet, le secrétaire adjoint à la Défense Alexander Vershbow a déclaré aux membres du Congrès : « Le site en Pologne et le radar en République Tchèque sont parmi les options considérées, avec d'autres options qui pourraient également être en mesure d'accomplir la mission. » Ce jour-là, l'Associated Press a écrit : « Vershbow a affirmé que le comité de révision de la défense antimissiles examinera un éventail d'options, mais ne tiendra pas compte de l'objection de la Russie [7]. »

Les « autres options » ont toujours fait partie d'une entreprise élargie et non rétrécie : intégrer des sites de bouclier antimissiles étatsuniens dans un système continental avec l'OTAN.

Il se pourrait que la récente recommandation d'un modèle de missile intercepteur mobile à déploiement rapide soit bien ce qui est prévu, à nouveau pour renforcer plutôt que supplanter les arrangements bilatéraux entre les États-Unis, la Pologne et la République Tchèque.

Il y a presque 30 ans jour pour jour, Washington proposait pour la première fois une initiative de missile mobile qui, si elle avait été implantée, aurait pu constituer un des gestes les plus dangereux en 45 ans de guerre froide.

 

MX : le premier projet de lance-missile mobile de Washington

Annonçant une escalade qualitative des déploiements stratégiques, ouvrant la voie à des actions agressives additionnelles de la part de son successeur Ronald Reagan, le président étatsunien Jimmy Carter déclarait ceci dans un discours le 7 septembre 1979 :

«Mon administration s'est lancée dans un programme visant à moderniser et améliorer la capacité de toute notre triade stratégique, de nos trois systèmes, à résister à toute attaque. Notre force de bombardiers sera renforcée par des missiles de croisière équipés d'ogives nucléaires. Notre force de sous-marins stratégiques sera modernisée grâce aux sous-marins et missiles Trident. Toutefois, en raison de la précision grandissante des systèmes stratégiques, les missiles balistiques intercontinentaux terrestres fixes ou ICBM situés dans des lanceurs en silo, comme notre Minuteman, deviennent vulnérables aux attaques. Un système ICBM mobile réduira grandement cette vulnérabilité. »

Il faisait référence au système de missile MX et l'a décrit brièvement comme un système « consistant en 200 véhicules transporteurs ou lanceurs, tous capable d'effectuer des mouvements rapides sur une plateforme spéciale reliant approximativement 23 caisses horizontales ».

L'ensemble du projet devait inclure une voie ferrée circulaire sur laquelle plus de 200 missiles alterneraient dans 4 600 caisses tout le long de la voie en Utah et au Nevada.

Durant la période délicate et souvent instable de la guerre froide, la paix et la survie de la planète et de ses habitants dépendaient non seulement de la confiance mutuelle, mais aussi de la capacité des deux côtés – les États-Unis et l'Union Soviétique – à savoir ce que l'autre possédait et où cela se trouvait, particulièrement les lanceurs de missiles balistiques intercontinentaux équipés d'ogives nucléaires. L'aventurisme de Carter avec son système de missiles MX, s'il l'avait implanté, aurait pu mener le monde encore plus près de l'annihilation nucléaire qu'il ne l'avait été auparavant.

Car bien que Carter et son éminence grise, l'impitoyable géopoliticien et russophobe maladif Zbigniew Brzezinski, aient employé l'artifice de la défense des États-Unis contre une présumée menace de première frappe soviétique, ils avaient en fait l'intention de confronter l'URSS avec presque 5000 nouveaux sites à cibler. Aujourd'hui, l'arsenal stratégique total de la Russie comporte exactement de 5000 sites.

Les Négociations sur la limitation des armes stratégiques (SALT) de 1979 demandaient aux deux côtés de réduire le nombre de véhicules de livraison (silos d'ICBM, puits de missiles sous-marins et bombardiers stratégiques) à 2 250. Ce nombre est inférieur à la moitié des caisses de missiles qui auraient été construites dans le cadre du projet MX.

Le système MX et les initiatives complémentaires d'armes nucléaires avec l'OTAN et l'Europe avaient pour objet d'accomplir un ou deux des objectifs suivants : être en mesure de gagner (peu importe ce peut signifier ce verbe dans le plus horrible des contextes) une guerre nucléaire et de forcer l'Union Soviétique à dépenser jusqu'à la faillite, un double objectif poursuivi avec encore plus d'assurance par le remplaçant de Carter, Ronald Reagan, et son Initiative de défense stratégique (Guerre des étoiles), un projet entamé en 1983. (Reagan allait transformer le projet MX en missile fixe Peacekeeper – que seule son administration pouvait nommer ainsi – chacun transportant 10 véhicules de rentrée armés d'ogives de 300 kilotonnes.)

 

1979 : déploiements d'armes nucléaires de l'OTAN en Europe

En octobre 1979, un mois après que Carter ait annoncé son engagement envers le programme de missile MX, l'OTAN a adopté une résolution recommandant la modernisation de ses forces nucléaires de théâtre à longue portée. 108 missiles Pershing II et 464 lance-missiles de croisière terrestres devaient être déployés en Europe de l'Ouest « [a]fin de rehausser la position de dissuasion de l'OTAN et de subvenir aux besoins d'une contingence où l'utilisation réelle des systèmes à capacité nucléaire de l'OTAN pourrait être nécessaire [8] ».

L'implantation de 572 ogives nucléaires additionnelles en Europe était justifiée par la mise en place des premiers missiles à moyenne portée SS-20 par l'Union Soviétique. La dissolution unilatérale de cette nation 12 ans plus tard a démontré combien la menace d'attaques de missiles soviétiques était sérieuse en Europe. Elle l'était encore moins aux États-Unis.

 Une réunion des ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l'OTAN en décembre a permis de formaliser les plans et le Secrétaire général de l'organisation Joseph Luns a révélé que les missiles Pershing II et les missiles nucléaires de croisière seraient basés en République Fédérale d'Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne et possiblement en Belgique et au Pays-Bas.

En juin de l'année 1980 le groupe des plans nucléaires de l'OTAN s'est réuni en Norvège et « [s]uivant un breffage par le secrétaire à la Défense des États-Unis [Harold Brown], les ministres ont discuté de politique stratégique et de planification concernant la stratégie centrale et les forces nucléaire de théâtre d'opérations en faveur de l'Alliance. Sur ce fond, les ministres ont constaté qu'il est toujours important d'améliorer l'efficacité du champs complet des forces de l'Alliance – c'est-à-dire la force conventionnelle, la force nucléaire de théâtre et la force nucléaire stratégique – et de maintenir le lien essentiel entre ces éléments de la triade de l'OTAN [9] ».

L'un des buts premiers de la fondation de l'OTAN en avril 1949 – des mois avant que l'Union Soviétique teste sa première bombe atomique en août de la même année – était de permettre aux États-Unis de positionner certaines des armes nucléaires dont ils détenaient un monopole en Europe. Malgré la réduction draconienne de l'arsenal d'ogives nucléaires de Washington sur le vieux continent après la fin de la guerre froide, des armes nucléaires étatsuniennes s'y trouvent toujours, plusieurs centaines selon certaines estimations.

 

La garantie suprême de l'OTAN : les forces nucléaires stratégiques.

Le Concept Stratégique de l'OTAN, adopté en 1999 stipule que « La garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l'Alliance, en particulier celles des États-Unis […] Les forces nucléaires basées en Europe et destinées à l'OTAN constituent un lien politique et militaire essentiel entre les membres européens et les membres nord-américains de l'Alliance. C'est pourquoi celle-ci maintiendra des forces nucléaires adéquates en Europe ».

L'ancienne secrétaire d'État des États-Unis, Madeleine Albright, est à la tête du groupe travaillant actuellement sur une nouvelle version du concept. À l'annonce du lancement de cette initiative, l'OTAN a réitéré que « [l]e concept stratégique, qui constitue l'énoncé officiel des objectifs de l'Alliance, donne, au plus haut niveau, des orientations sur les moyens politiques et militaires qui doivent permettre d'atteindre ces objectifs [10] ».

Pendant la dernière décennie, lors de chaque sommet et de plusieurs réunions ministérielles et du Comité militaire, l'Alliance a réaffirmé son dévouement envers le déploiement et l'utilisation d'armes nucléaires en Europe.

Le 31 juillet, on mentionnait dans Zaman, un des principaux journaux turcs, que « les règles de l'OTAN permettent l'utilisation d'armes nucléaires contre des cibles en Russie ou dans des pays du Moyen-Orient comme la Syrie ou l'Iran [...] [11] »

L'an dernier, un reportage du magazine Time affirmait que « [l]es États-Unis conservent environ 350 bombes thermonucléaires dans 6 pays de l'OTAN. Dans 4 d'entre eux – Belgique, Allemagne, Italie et Pays-Bas – les armes sont stockées sur la base aérienne du pays hôte et sont surveillées par du personnel militaire étatsunien spécialisé [12]. »

Comme Boeing a annoncé qu'elle est prête à aider à déplacer un lance-missiles mobile de près de 50 000 livres – pouvant être déployé à travers le monde en 24 heures – dans diverses bases de l'OTAN en Europe, il est important de rappeler que bon nombre d'entre elles abritent des ogives nucléaires.

 

Les nouvelles bases de l'OTAN et du Pentagone en Europe : une menace pour la Russie

Lorsque l'administration Bush a fait savoir qu'elle envisageait d'équiper les ICBM de têtes conventionnelles, les dirigeants militaires russes l'ont mis en garde contre les conséquences d'un tel geste. Un missile intercepteur qui approcherait les frontières de la Russie par accident ou intentionnellement aurait le même effet, qu'il soit lancé d'un site fixe en Pologne ou de pratiquement n'importe où en Europe au moyen d'un lance-missiles mobile, tel que proposé.

Personne à Moscou ne pourrait se payer le luxe d'attendre de voir si un nuage en champignon se formerait au-dessus de la capitale russe. Les dirigeants politiques et militaires du pays feraient ce que leurs homologues de n'importe quel pays feraient, à coup sûr ceux des États-Unis : ils assumeraient le pire et réagiraient en conséquence, c'est-à-dire qu'ils répliqueraient avec leurs forces stratégiques.

Il n'existe pas en soi de bases de l'OTAN, même si des bases dans plusieurs pays européens, de la Grande-Bretagne à la Turquie, ont été utilisées par le bloc depuis des décennies. De nos jours, pratiquement dans chaque coin de l'Europe, des bases militaires sont à la disposition de l'OTAN sur une base collective et des États-Unis sur une base individuelle. Depuis les dix dernières années, bon nombre de nouvelles bases sont disponibles en Europe de l'Est, particulièrement dans des pays qui, comme la Russie, longent la mer Baltique et la mer Noire.

Les projets des États-Unis et de l'OTAN de bouclier antimissile en Europe, inextricablement liés à un réseau mondial de missiles intercepteurs et à la militarisation de l'espace, n'existent pas dans un vacuum stratégique.

 

Garanties de vérification et limitation des armements : Les États-Unis laisseraient le START disparaître, les Russes craignent une première frappe nucléaire

Cette année, l'Ouest a posé plusieurs gestes similaires visant à obtenir une suprématie militaire mondiale, y compris une suprématie nucléaire, particulièrement en raison de l'expiration le 5 décembre prochain du Traité sur la réduction des armements stratégiques (START I).

Il y a deux ans Reuters rapportait qu'« un fonctionnaire étatsunien affirme que les États-Unis envisagent de laisser expirer en 2009 un traité modèle avec la Russie sur la réduction des armes nucléaires et à le remplacer par un accord moins formel éliminant les strictes modalités de vérification et les limitation des armements ».

L'adjoint à la secrétaire d'État étatsunienne, Paula DeSutter, a soutenu que les principales clauses du traité « ne sont plus nécessaires. Nous ne croyons pas être dans un endroit où l'on a besoin de listes (d'armes) détaillées ainsi que de mesures de vérification [13] ».

En décembre dernier un chroniqueur russe a fait le lien entre l'absence d'un accord pour remplacer le START et les plans de bouclier antimissiles de Washington. Il a prévenu que « l'absence d'un tel accord et le déploiement d'un système de défense antimissiles pourraient miner la parité stratégique entre la Fédération de Russie et les États-Unis. La supériorité considérable du potentiel ennemi au niveau du nombre d'ogives augmente grandement le risque d'une première frappe de neutralisation et les missiles qui résisteraient pourraient ne pas être suffisant pour pénétrer la défense antimissiles et infliger des dommages insoutenables à l'ennemi [14] ».

En mars de cette année, le Council on Foreign Relations a fait une entrevue avec Pavel Felgenhauer, analyste russe de la défense, (qui a définitivement un penchant pour l'Ouest), dans laquelle il a affirmé : La Russie croit « que des missiles nucléaires seront déployés près de la Russie en Pologne, qu'ils posséderont également une capacité de première frappe et pourraient toucher Moscou avant qu'il ne puisse réagir. Donc, cela ne sera pas tellement vu en réalité comme une défense antimissiles, mais plutôt comme un déploiement de capacité de première frappe.

« L'armée russe a dit à ses dirigeants politiques qu'en réalité ce projet de missiles n'est pas ce que les Étatsuniens disent qu'il est. Elle affirme que ces missiles auront des charges nucléaires, car elle ne croit pas qu'il existe des missiles de défense non nucléaire [15]. »

 

Prompt Global Strike : des missiles pourraient frapper n'importe où sur la planète en 35 minutes.

 

Le Prompt Global Strike (Frappe planétaire rapide), une initiative approuvée par le Congrès il y a deux ans, est un autre plan étatsunien pouvant bouleverser la parité militaire mondiale et mettre la paix mondiale davantage en danger. On le définit comme étant capable de « donner aux États-Unis la capacité de frapper pratiquement n'importe où sur la surface de la Terre en 60 minutes. »

« Les experts préviennent que cela pourrait déclencher une nouvelle spirale de la course aux armements et [est] lourd de conséquences imprévisibles.

Le geste des Étatsuniens est perçu comme une menace contre tous.

«Ils peuvent prendre n'importe quel ennemi potentiel dans leur ligne de mire, y compris la Russie, et si des traités comme START 1 et d'autres ne sont pas prorogés, il ne restera plus de restrictions […] pour prévenir le développement de nouvelles armes mortelles menant toutes à une nouvelle ronde de la course aux armements [16] ».

Il y a deux ans une source russe a lancé un autre avertissement concernant le Prompt Global Strike : « Une nouvelle stratégie étatsunienne en développement a suscité ce programme, une stratégie découlant de la création d'un potentiel de première frappe, impliquant des armes non nucléaires, n'importe où dans le monde en l'espace d'une heure.

 

Deux projets doivent être réalisés dans le cadre de ce programme.

 

«Le premier consiste à armer des missiles Trident basés en mer de charges conventionnelles, le deuxième porte sur la fabrication d'un nouveau missile de croisière basés en mer [17] ».

Peu de temps après, dans un article intitulé « US plans new space weapons against China » (Les États-Unis envisagent de nouvelles armes spatiales contre la Chine), un grand journal britannique révélait que «  le Congrès a alloué une somme de 150 millions de dollars au projet Falcon [de véhicule hypersonique] et au programme de frappe planétaire rapide auquel il est lié. Une source de l'industrie de la défense a affirmé qu'il était probable que des centaines de millions de dollars additionnels étaient dépensés dans le cadre de la guerre spatiale "à l'insu du public".

La plateforme de "frappe planétaire" donnerait aux États-Unis la "présence militaire avancée dont ils ont besoin à travers le monde sans que des bases à l'extérieur du pays  soient nécessaires".

« Le Pentagone dépensent des milliards de dollars sur des nouveaux genres de guerre spatiales pour contrer le risque grandissant d'attaques de missiles provenant d'États voyous et des "tueur de satellites" de la Chine [18] ».

Le programme Prompt Global Strike comprend deux armes principales, un missile de frappe conventionnel, ainsi qu'une arme supersonique perfectionnée, « un engin haute vitesse lancé par un missile et pouvant toucher des cibles n'importe où sur la planète en 35 minutes [19] ».

  Les Russes ont également sonné l'alarme, à peu près en même temps, et le mot clé de celle-ci est « orbital » : « Malgré la menace évidente qu'elles représentent pour la civilisation, les États-Unis pourraient acquérir des armes orbitales dans le cadre du plan Prompt Global Strike. Ils lui donneront la capacité d'effectuer une frappe conventionnelle pratiquement n'importe où dans le monde en une heure [20] ».

Jusqu'à maintenant, cette année fut sinistre à bien d'autres égards lorsqu'il est question des plans de domination militaire mondiale incontestée du Pentagone.

 

La Marine des États-Unis lance le Missile Defense Command, l'Armée de l'air consolide le Nuclear Global Strike Command, le Air Force Space Command constitue l'Unité de l'info-guerre, la ZDP augmente la capacité de faire la guerre au laser

Le 30 avril la Marine étatsunienne a créé le Air and Missile Defense Command. Lors d'un discours à cette occasion au Naval Support Facility à Dahlgren en Virginie, l'amiral Robert F. Willard, commandant du U.S. Pacific Fleet, a affirmé : « Nous cherchons à mettre en service une capacité navale compétente autant en matière de défense antimissiles nationale aux États-Unis qu'en défense antimissiles régionale chez nos alliés et nos amis à l'étranger, ainsi qu'en défense de théâtre pour nos forces combattantes avancées. [21]

Le système de combat Aegis ayant équipé les États-Unis et leurs alliés (à ce jour la Norvège, l'Espagne, le Japon et la Corée du Sud) de radar et de missiles intercepteurs basés en mer est administré par la Marine étatsunienne.

Le 7 août, l'Armée de l'air étatsunienne a lancé le Global Strike Command, lequel combine tous les ICBM étatsuniens et les bombardiers à capacité nucléaire, comprenant des avions de guerre super discrets de nouvelle génération capables d'échapper au radar et de pénétrer l'espace de défense aérienne de pays ciblés pour effectuer des premières frappes dévastatrice.

Onze jours plus tard, le 18 août, le U.S. Air Force Space Command « a mis sur pied une nouvelle unité […] afin de mieux organiser le potentiel spatiale et virtuel ».

Pour illustrer à quelles fins l'espace et le cyberespace serviront dans les futurs plans sur la façon de faire la guerre, le plus haut officier du Space Command, le général C. Robert Kehler, a dit de son commandement qu'il « s'engage à organiser et équiper la 24e Force aérienne pour qu'elle soit la première à se dédier au soutien des commandants combattants [22]. »

Le Space and Missile Defense Command de l'Armée étatsunienne a donné de l'élan à ses activités au High Energy Laser Systems Test Facility du White Sands Missile Range au Nouveau-Mexique. Le 10 août, le Missile Defense Agency du Pentagone a employé un avion de passagers Boeing 747 modifié pour le test le plus perfectionné de son système de défense antimissiles au laser aéroporté effectué jusqu'ici. La Missile Defense Agency a annoncé qu'elle envisage d'utiliser l'arme la prochaine fois contre des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) pendant leur phase de rehaussement.

 

MEADS : l'OTAN et le Pentagone couvriront l'Europe d'un bouclier antimissiles à couches multiples

Retournons à l'Europe et à la soi-disant défense antimissiles. L'administration Obama a réclamé pour l'an prochain presque 600 millions de dollars en financement pour le Medium Extended Air Defense System (MEADS) et « le Congrès est sur la bonne voie pour accéder à la demande de l'administration [23] ». MEADS est un programme conjoint de missiles intercepteurs de théâtre entre les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie et l'OTAN visant à améliorer les systèmes Patriot et Nike Hercules existants en Europe et gérés par l'OTAN. « Il offrira des capacités supérieures à tout autre système de défense antimissiles terrestre ou aérien et sera facilement déployé dans un théâtre d'opérations [24]. »

«Les États-Unis fournissent 58 pour cent du financement, l'Allemagne 25 pour cent et l'Italie et d'autres membres de l'OTAN 17 pour cent. MEADS est conçu pour défendre l'espace aérien des missiles balistiques, des missiles de croisière et des avions [25].»

 

MEADS sera composé des éléments suivants : 

 •un radar sophistiqué en bande X;

•une surveillance par radar de 360 degrés;

•un centre d'opérations tactique;

•des lanceurs; et

•l'intercepteur Patriot de la prochaine génération [26].

La nouvelle version du Patriot est le nouvel intercepteur « hit-to-kill » (frapper pour tuer) PAC-3 Missile Segment Enhancement de Lockheed Martin, dont la portée et l'exactitude dépassent celles du PAC-3 standard, lequel couvre sept fois la zone couverte par le Patriot original et possède une distance de frappe deux fois plus élevée.

"MEADS International, la coentreprise qui a obtenu le contrat, a annoncé le 5 août que les revues critiques de conception au niveau des composantes étaient terminées et que l'entreprise allait commencer les revues du système.

« Si toutefois les États-Unis vont de l'avant avec les systèmes destinés à la République Tchèque et à la Pologne, il est raisonnable de demander aux Allemands et aux Italiens d'appuyer la mise en service des défenses antimissiles longue portée aux États-Unis et en Europe. […] MEADS fournira un missile transportable et une capacité de défense aérienne. Cela signifie que le système pourra accompagner des forces expéditionnaires terrestres, où qu'elles soient, et les protéger contre des attaques aériennes et des missiles.  MEADS sera donc un élément critique de la capacité de projection de force de l'alliance.

« Le MEADS est interopérable avec les autres systèmes de défense. Ce n'est pas un système indépendant. Il peut être associé à d'autres systèmes de défense antimissiles, dont le système Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) et système de défense antimissiles basé en mer Aegis […] Comme c'est le cas pour les systèmes de défense à plus longue portée qui devraient être mis en service en République Tchèque et en Pologne, MEADS pourrait être en mesure de contribuer matériellement au système Active Layered Theater Ballistic Missile Defense que les planificateurs de l'OTAN sont en train de concevoir [27]. »

Tout espoir voulant qu'un nouvel ordre post-guerre froide, un nouveau siècle ou une nouvelle administration étatsunienne annoncerait la venue d'un monde plus pacifique et moins dangereux est gravement contesté.

Le 9 septembre 2009



Article original en anglais :
Pentagon Plans For Global Military Supremacy, U.S., NATO Could Deploy Mobile Missiles Launchers To Europe, publié le 22 août 2009.

Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.

Notes

1) Bloomberg News, 2 janvier 2009

2) Reuters, 20 août 2009

3) Ibid

4) Czech News Agency, 20 août 2009

5) Reuters, 20 août 2009

6) Aviation Week, 20 août 2009

7) Associated Press, 30 juillet 2009

8) Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 457,

   No. 1, 78-87 (1981)

9) NATO Nuclear Planning Group, 3-4 juin 1980

10) Organisation du Trait de l'Atlantique Nord, 8 juillet 2009

11) Zaman, 31 juillet 2009

12) Time, 19 juin 2008

13) Reuters, 23 mai 2007

14) Russian Information Agency Novosti, 12 décembre 2008

15) Council on Foreign Relations, 18 mars 2009

16) Voice of Russia, 12 septembre  2007

17) Voice of Russia, 7 août 2007

18) Daily Telegraph, 14 novembre 2007

19) Washington Times, 27 novembre 2009

20) Russian Information Agency Novosti, 20 novembre 2007

21) United States Navy, 30 avril 2009

22) U.S. Department of Defense, American Forces Press Service, 19 août 2009

23) Heritage Foundation, 17 août 2009

24) Wikipedia

25) Aviation Week, 20 août 2009

26) Heritage Foundation, 17 août 2009

27) Ibid



16/09/2009
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