Les salariés de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), à Paris, sont inquiets. Les historiens membres du comité scientifique de cet établissement public aussi.
La nomination de Luc Gruson comme directeur général du musée de la Porte Dorée est loin de faire l’unanimité. Déjà, cette désignation s’est faite à la hussarde. Début février, Patricia Sitruk, la prédécesseure de Luc Grison, a appris que son mandat ne serait pas renouvelé. Jacques Toubon, président du Conseil d’orientation de la Cité, lui a demandé de faire un intérim. Elle a accepté. Avant d’être brutalement remerciée vendredi. Le personnel a appris la nouvelle, le même jour, par mail.
La veille, 8 avril, Luc Gruson avait été nommé directeur général du musée. Faut-il y voir la main de l’Elysée? «C’est le Premier ministre qui signe le décret sur proposition des quatre ministres de tutelle», rétorque le nouveau directeur de la CNHI.
Pour autant, Luc Gruson ne nie pas sa proximité avec la famille de Carla Sarkozy: «Mon épouse est proche des Bruni-Tedeschi». Elle a été leur gouvernante! Marisa Bruni-Tedeschi, mère de Carla, était présente le 31 mars, quand Eric Besson est venu inaugurer la médiathèque de la Cité. «Marisa était mon invitée personnelle. Je la connais très bien. Mieux que ses enfants», affirme Luc Gruson. Qui ajoute: «Les Bruni-Tedeschi ne sont pas des gens qui font de la politique. Plutôt des artistes».
Même si sa nomination fait débat, le nouveau directeur ne débarque pas de nulle part. Il a dirigé la mission de préfiguration de la Cité. Mais quand il s’est agi de trouver un directeur à cette nouvelle institution, c’est Patricia Sitruk qui a été choisie.
Entre temps, les historiens étaient montés au créneau pour s’inquiéter du retard que prenait le projet: «On est allés voir Jacques Toubon pour lui dire “ça ne va pas”. Et en discutant, l’analyse qu’on a faite c’est que le blocage venait de Gruson. Il est très mou», affirment Patrick Weil et Marie-Claude Blanc-Chaléard. Luc Gruson a toutefois été nommé directeur général adjoint de la CNHI.
Aujourd’hui, il prend la tête de la Cité alors que cette dernière cherche encore son public. «L’immigration, ça n’est pas glamour, reconnaît-il. On doit innover dans notre rapport au public en tissant du lien avec les associations».
La Cité n’a pas bénéficié, non plus d’un soutien franc et massif des plus hautes autorités de l’Etat. Alors qu’elle a ouvert ses portes en octobre 2007, elle n’a jamais été officiellement inaugurée par Nicolas Sarkozy ou François Fillon.
En janvier, un bruit a couru, qui a renforcé l’inquiétude des salariés: «La Cité allait être absorbée par le nouveau musée de l’histoire de France voulu par le président de la République», rappelle Luc Gruson. Vrai? Faux? Sa réponse est prudente: «Si le but de la CNHI est de reconnaître la place des immigrés dans l’histoire de France, on ne peut pas ne pas travailler en réseau avec ce musée. Par contre, cela ne veut pas dire se dissoudre dedans…»
Catherine Coroller
12 avril 2010