NON. Enfin peut-être. Mais pas vraiment. Il convient tout d'abord de faire la différence entre chômage apparent et chômage réel. Et si le chômage apparent baisse, il est certain que l'emploi stagne : cette année, si l'on projette les derniers chiffres de l'INSEE, le nombre des chômeurs officiels devrait baisser de 11% sur un an tandis que l'emploi ne devrait croître que de 0,8%… contre 4,1% il y a cinq ans. De plus, il convient d'affiner la notion d'emploi, dans le sens où celui qui l'exerce est censé pouvoir en vivre dignement.
Cette synthèse tente d'explorer le phénomène dont se vante le gouvernement Villepin depuis plus d'un an de baisse consécutive : info ou intox ? Que cachent les chiffres ? Comment calcule-t-on le nombre de chômeurs ? Comment l'emploi est-il évalué, et que devient-il ?
Procédons par ordre...
CHÔMAGE
Les demandeurs d'emploi "officiels" (de catégorie 1 alors qu'il y en a 8) ne représentent que 57% de tous les inscrits à l'ANPE • Chômage : le grand camouflage Les chiffres ignorent un chômeur sur deux. Ou comment la gestion de la statistique a pris progressivement le dessus en créant des chômeurs «invisibles» : ceux des DOM qui ne figurent pas dans les résultats mensuels, les précaires et les emplois aidés "non disponibles immédiatement", les chômeurs en formation... Par exemple, 411.840 "seniors" de + de 55 ans sont dispensés de recherche d'emploi (DRE) et n'apparaissent plus dans aucune catégorie. Egalement, entre juin 2005 et août 2006, le dispositif CRP (convention de reclassement personnalisée) a recueilli 73.232 adhésions et ses signataires - 25% des salariés licenciés pour motif économique - resteront pendant huit mois en catégorie 5 ; le ministère du Travail relève actuellement plus de 5.000 adhésions par mois à cet ingénieux escamotage. Rajoutons à cela tous ceux qui ne peuvent prétendre à aucune allocation-chômage et se sont réfugiés dans le RMI.
47% des chômeurs ne sont pas indemnisés (contre 41% en 2003) Ils n'ont pas cotisé assez pour ouvrir des droits (jeunes, précaires…), ou ils sont en fin de droits mais leur conjoint travaille et ils n'ont pas droit à l'ASS ou au RMI (attribués par foyer fiscal). Ne pouvant prétendre à aucune allocation, nombre d'entre eux ne voit pas l'intérêt de s'inscrire et de pointer à l'ANPE (notamment les moins de 25 ans qui ne bénéficient même pas du RMI) : ils sont donc exclus des statistiques. • Baisse constante des chômeurs indemnisés Pour limiter son déficit, l'Unedic a fait en sorte de durcir toujours plus les conditions d'accès à l'assurance-chômage. Et ça marche : • Assedic : 10% d'allocataires en moins sur un an
Les radiations administratives ont explosé depuis 10 ans Elles représentent 10,4% des cas de sorties du chômage contre seulement 2% en 1996. • AC! dénonce l'explosion des radiations Corroborant l'étude d'Agir ensemble contre le chômage, le mensuel Alternatives Economiques constate que la convocation systématique des chômeurs s'accompagne mécaniquement d'une augmentation des radiations. De 1991 à 2003, les sorties de l'ANPE pour absence au contrôle ou radiation ont augmenté de 24%. Entre 2001 (mise en place du PARE) et 2002, le nombre de radiations des listes a augmenté de 35%.
Le nombre des RMIstes a explosé : + 20% depuis 2002 Le chômage de longue (+ d'un an) voire de très longue durée (+ de 3 ans) n'a cessé de croître : en 2004, il représentait 30% des inscrits à l'ANPE. Les "fin de droits" de l'Assedic sont déjà plus de 400.000 à percevoir l'ASS (allocation spécifique de solidarité, ancêtre des minima sociaux créé en 1984, + 8,2% de hausse en 2005) mais, sans compter les 47% de non-indemnisés, les chômeurs les plus «invisibles» sont bien les 63% de RMIstes (790.000 sur un total de 1,26 million d'allocataires du Revenu minimum d'insertion, créé en 1988 et versé par la CAF) qui ne pointent pas à l'ANPE et échappent aux chiffres du chômage. • Toujours plus de RMIstes Particulièrement stigmatisés, ils sont la proie idéale des contrats aidés.
EMPLOI
Emplois, ou sous-emplois ? Le comptage des emplois ne tient absolument pas compte de leur nature : ainsi, par exemple, sur 100.000 emplois créés, si le tiers est à temps partiel et la moitié à durée déterminée, on ne peut parler d'emplois à proprement dit mais de sous-emplois. Il est donc important d'évaluer les emplois en équivalent temps plein (nombre total d'heures travaillées divisé par la moyenne annuelle des heures travaillées dans des emplois à plein temps sur le territoire économique) : • Chômage officiel et chômage réel en 2005 Ainsi l'INSEE a relevé l'existence de 5.848.000 chômeurs "équivalent temps plein" sur une population active occupée de 24.921.000 personnes, alors que la population active totale (occupée + chômeurs officiels) totalisait environ 27.600.000 individus. Ce qui, pour 2005, donnait un taux de chômage en équivalent temps plein de 20,9%... |
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