nazim hikmet — la plus drôle des creatures
La plus drôle des creatures
Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
Dans ses menues inquiétudes
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille,
Tu es terrible, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau, habillé de ta peau
Quand le bourreau lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misères sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés, jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non, mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Nazim Hikmet
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 839 autres membres