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palestine — c'est terrifiant ce qui se passe ici

L'annonce de nouvelles élections présidentielles et législatives par Abou Mazen a jeté le peuple palestinien, qui souffre déjà atrocement de la terreur que fait régner l'armée israélienne,  dans des affrontements sanglants. Nous avons recueilli le témoignage d'Ali, (1) un Palestinien de 35 ans, qui réside avec sa famille dans ce chaudron que l'on appelle curieusement « Bande de Gaza ». Son inquiétude contraste avec l'optimisme avec lequel ces nouvelles élections sont présentées par les représentants palestiniens au-dehors, comme Elias Sanbar par exemple. (2)

« C'est terrifiant ce qui se passe ici. Avec l'annonce de nouvelles élections Abou Mazen a fait exploser Gaza. Cette décision nous jette dans l'incertitude. Cela a rendu comme fous les gens qui ont élu le gouvernement du Hamas. Nous restons enfermés dans nos maisons. Nous ne bougeons pas. On a peur de sortir, peur d'être pris dans un accrochage. Et quand les enfants vont à l'école notre crainte est de ne pas les revoir. Jusqu'ici le 90 % des blessés et des tués sont des passants qui n'ont rien à voir avec ces combats entre le Fatah et le Hamas.

C'est une situation terrible. Abou Mazen n'a pas le droit de demander de nouvelles élections avant quatre ans. Il pouvait uniquement demander l'approbation du Conseil législatif pour obtenir la démission du gouvernement. Partant de là, la seule chose qui pouvait être faite était de demander la formation d'un autre gouvernement. Abou Mazen s'est conduit en dictateur. Ce qu'il a fait n'était pas légal. Il est passé par dessus la tête du Premier ministre Hanyie. Il a ignoré le fait que le Hamas possède la majorité au Conseil législatif et qu'il a plus de pouvoir que lui.

Nous pensons qu'Abou Mazen est tombé dans les pièges tendus par la bande des quatre : Abed Yasser Rabbo, Hassan Takhmad, Mohammed Dahlan et Saëb Erekat. Ce sont des marionnettes entre les mains d'Israël et de la CIA. Tout le monde a pu voir à la télévision Dahlan et Erekat assis au premier rang et applaudir, sauter de joie, exulter dès l'annonce de nouvelles élections par Abou Mazen. Ils se sont vus au pouvoir.

Nous pensons qu'Abou Mazen est un homme faible, qui s'est laissé pousser à aller aux élections par cette bande qui, depuis des mois, a tout fait pour faire capoter un gouvernement d'union nationale comme le Hamas les y invitait. Dahlan et Erekat savent que cette décision est de nature à provoquer une cassure, une guerre civile, mais ils s'en fichent car leur but est d'arriver au pouvoir.

Dahlan apparaît de plus en plus comme l'héritier d'Abou Mazen. C'est l'homme le plus détesté en Palestine, même parmi les gens du Fatah. Mais il a toutes les chances d'être leur candidat officiel pour les présidentielles. Il a acheté des politiques, des militaires, et des hommes dans l'appareil de sécurité. Il a pu et peut toujours distribuer autant d'argent qu'il veut pour consolider son pouvoir à partir du compte alimenté par la CIA. Dahlan a obtenu ce qu'il voulait. Nous sommes inquiets à l'idée que Dahlan puisse prendre le pouvoir. Dahlan travaille pour son intérêt. Israël lui donne toutes les facilités d'aller et venir comme il veut. Il fera tout ce que voudra Israël. Et nous avons tout à craindre de lui.

La situation est très grave. Ces élections sont perçues comme un coup d'Etat. Cela a mis le feu aux poudres. C'est un coup monté pour exclure le Hamas du gouvernement et du Conseil législatif. Nous pensons que le Hamas va refuser ce coup d'Etat contre son gouvernement démocratiquement élu et qu'il ne participera pas à cette élection. La situation ne peut que s'envenimer car le Hamas a la loi de son côté. Sa dignité et la dignité de son peuple est de s'y opposer. Il a l'obligation de refuser ce coup d'Etat et ne pas laisser ces élections se dérouler.

Abou Mazen a mené notre peuple vers une situation très sombre. Nous ne savons pas ce qui va se passer demain. L'annonce de nouvelles élections nous a emplis de douleur. Car cela veut dire que notre peuple va se battre, soit pour soutenir la décision du Fatah, soit pour que le vote des dernières élections en faveur du  Hamas soit respecté. On prie pour que cela ne se produise pas.

Israël et les Etats-Unis soutiennent Abou Mazen. Cela crée encore plus de dissensions entre nous. Ce n'est pas un combat entre gens du Fatah et gens du Hamas comme on le dit. C'est un combat entre ceux qui collaborent avec l'occupant et ceux qui se battent pour leur libération. Il y a eu des manifestations pour soutenir le Hamas, des manifestations pour soutenir la décision du Fatah. Il y a des gens même dans le camp du Fatah qui ne sont pas d'accord avec la décision d'Abou Mazen. Tout cela nous éloigne de ce qui devrait nous unir : la lutte pour nous libérer de l'occupant. Est-ce cela que veut notre président et sa bande de conseillers ? S'allier à Israël, recevoir les armes d'Israël pour en finir avec le Hamas ?

Nous sommes inquiets car nous pensons que les objectifs d'Abou Mazen et du Fatah ne se réaliseront pas sans heurts. Même si nous sommes conscients que, s'il y a de nouvelles élections, le peuple va voter avec son estomac. On l'a affamé. Les gens sont dans la misère. On ne peut pas demander à quelqu'un qui a faim de voter pour un idéal. Moi j'ai huit enfants à nourrir et je suis sans travail. Je me débrouille comme je peux. En une semaine j'ai gagné 14 shekels en vendant des bricoles. Comparé à mes voisins, qui sont dans une misère encore plus noire que la mienne, je me considère privilégié ».

Propos recueillis par Silvia Cattori.

20 décembre 2006.

1) Nous n'avons donné que le prénom d'Ali  pour des raisons de sécurité. A Gaza les gens ont très peur du Service de sécurité préventive (qui collabore semble-t-il avec le Shabak) qui déjà sous Arafat a arrêté, torturé, tué des Palestiniens qui s'étaient opposé aux processus d'Oslo ou qui étaient liés aux mouvements de résistance musulmane. Ces forces de sécurité - aujourd'hui sous l'autorité d'Abou Mazen - sont armées et entrainées par la CIA.  

 

2) Elias Sanbar était l'invité de France culture le 19 décembre 2006. Représentant palestinien auprès de l'Unesco depuis 20 ans, rédacteur en chef de la Revue d'études palestiniennes, il est membre du Conseil National Palestinien depuis 1988



22/12/2006
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