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Quand l’or blanc du Nil fait envie à Israël aussi

Quand l’or blanc du Nil fait envie à Israël aussi
En coulisse, la course pour l’accès à l’eau
 


Israël, écrit le New York Times, fait pression sur l’administration Obama pour qu’elle assure une « transition ordonnée » de l’après-Moubarak, craignant qu’un nouveau gouvernement égyptien « n’abandonne l’attitude bénévole du président envers Israël ».

Parmi les concessions que Tel Aviv espérait obtenir de Moubarak, il y en a une dont on ne parle pas mais qui revêt une importance stratégique fondamentale : l’accès israélien aux eaux du Nil. L’Egypte, née du Nil, continue à fonder sa vie sur le grand fleuve qui court sur 1.500 Kms de la frontière méridionale à l’embouchure en delta sur la Méditerranée, en créant une longue, fertile vallée à travers le désert. Sur ses rives et dans la zone du delta se concentre plus de 95% de la population, atteignant presque les 85 millions. La digue d’Assouan, construite avec l‘assistance de l’URSS en 1960-1971, a créé un vaste lac artificiel, le Nasser. Puis dans les années 90, a commencé la construction d’autres grandes œuvres hydrauliques. Parmi celles-ci le canal Al-Salam, qui apporte l’eau d’une branche du delta vers l’est jusqu’à la péninsule du Sinaï, en passant par des canaux souterrains sous le Canal de Suez

Ces œuvres, tandis qu’elles permettent d‘irriguer de nouvelles terres et produire de l’énergie électrique, diminuent la portée du Nil et la quantité de limon qu’il transporte, en provoquant un recul du delta et, en conséquence, la perte de terres fertiles. Il est vital, pour l’Egypte, de continuer à disposer amplement des eaux du Nil.

 En amont, dans la bassin du fleuve (long de 6.671 Kms) et des ses affluents, se trouvent cependant huit autres pays : Soudan, Ethiopie, Kenya, Ouganda, Congo (Rep. Dém.), Rwanda, Burundi et Tanzanie. Avec l’Egypte, ils font partie de l’Initiative du bassin du Nil, un partenariat pour la cogestion des ressources hydriques de la zone. Tâche pas facile.

Selon des accords remontant à l’époque du colonialisme britannique, Egypte et Soudan auraient le droit d’utiliser 80% de l’eau. Mais les autres pays revendiquent une plus grande part et en 2010 ils ont conclu un accord qu’Egypte et Soudan se refusent à signer. La question est compliquée par la probable naissance d’un nouvel Etat, le Sud Soudan, qui, en changeant l’assise géopolitique du bassin du Nil, compliquerait la répartition de ses eaux. L’Egypte s’est prononcée en faveur de l’unité du Soudan mais, en même temps, Moubarak a accompli en 2008 une visite aux sécessionnistes du Sud Soudan, en leur offrant l’aide égyptienne pour la réalisation du canal Jonglei : un projet déjà sponsorisé par l’Egypte, commencé en 1978 mais interrompu en 1984, qui permettrait aux eaux du Nil Blanc de contourner la vaste zone marécageuse dans laquelle il se jette, en accroissant la portée du Nil en aval.

 

Dans ce scénario déjà complexe, entre lourdement en jeu l’outsider Israël, qui lorgne l’accès aux eaux du Nil. Après la signature des accords de Camp David (1978), le président égyptien Sadate, lors de sa visite à Haïfa en septembre 1979, parla de la possibilité d’amener l‘eau du fleuve depuis le Sinaï jusqu’au désert du Néguev en Israël. Le projet ne se réalisa pas parce que le premier ministre israélien Begin refusa toute concession sur Jérusalem. Mais Israël n’y a pas renoncé. A travers le canal Al-Salam l’eau du Nil est en train d’arriver dans le Sinaï à 40 Kms de la frontière israélienne. L’amener en Israël serait techniquement facile. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement israélien a non seulement mené une tractation avec le régime de Moubarak, intensifiée quand l’eau du Nil est arrivée dans le Sinaï, mais il a mis en marche une stratégie à grande portée : elle consiste à accroître sa propre influence sur les autres pays du bassin du Nil, pour qu’ils acceptent un nouveau critère de répartition des ressources hydriques, dans lequel entre aussi Israël, et fassent pression sur l’Egypte en la contraignant à amener l’eau jusqu’en territoire israélien.

Les outils de cette stratégie sont aussi bien économiques que politico-militaires. Par exemple, en Ethiopie, Israël a financé la construction de dizaines de projets pour l’exploitation des eaux du Nil Bleu. Dans le Sud Soudan, il a financé, armé et entraîné les forces sécessionnistes, de façon à avoir, avec les Etats-Unis, une influence déterminante sur le nouvel Etat. Dans cette stratégie -qui a accompli un nouveau pas en avant avec la visite du ministre des affaires étrangères Lieberman en Ethiopie, Kenya et Ouganda en septembre 2009- l’eau du Nil est considérée comme un instrument de domination, à utiliser de la même façon qu’est aujourd’hui utilisée par Israël l’eau du Jourdain et celle des nappes phréatiques des Territoires palestiniens occupés. L’usage fait par le régime Moubarak des eaux du Nil est substantiellement analogue : celui-ci a décidé que les nouvelles terres arables créées par l’irrigation du Sinaï ne serviraient pas à améliorer les conditions de vie des paysans égyptiens et à produire des céréales pour la consommation intérieure, mais seront « louées », pour des périodes de 40 à 99 ans, à de gros investisseurs égyptiens et étrangers pour y produire surtout des cultures d’exportation, et, donc, des profits pour les élites au pouvoir.

 

 

 

Manlio Dinucci

 

 

 

Il manifesto,

12 février 2011

http://abbonati.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/12-Febbraio-2011/art22.php3

 

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



13/02/2011
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