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stefano chiarini — beyrouth, gouvernement en état de siège

 Beyrouth, gouvernement en état de siège

                                                                                        

Un grand campement, avec des milliers de manifestants de  l'opposition libanaise, occupe  depuis 48 heures l'immense Place des Martyrs, en plein centre de Beyrouth, et celle, contiguë, de Riad el Solh, qui se trouve sous la colline dominée par le grand palais ottoman du « Sérail », siège du gouvernement pro étasunien de Fouad Siniora. Les manifestants bloquent désormais tous les accès au palais sauf un, gardé à vue par des centaines de soldats et des dizaines de blindés. Les militants chiites du Hezbollah, les chrétiens maronites du Mouvement patriotique libre du général Aoun, (avec quelques Frères portant la croix d'une main et le coran de l'autre), des représentants chiites de Saïda, des jeunes progressistes et communistes, ont passé la nuit, en un melting pot interconfessionnel inédit, dans des dizaines de grandes tentes  qui ont été dressés vendredi soir à la tombée de la nuit ; mais l'affluence aux piquets nocturnes a été si massive – 5.000 personnes au moins — qu'une grande partie d'entre eux  a passé cette nuit sur des matelas de camping. Sans  renoncer quand même à une bonne pipe du narguilé ramené de la maison avec le thermos de thé. Une organisation parfaite chapeautée par une coordination mise en place il y a plus de trois mois entre les forces principales de la manifestation (Hezbollah et Mouvement de Aoun), a fourni  une logistique impeccable sur la « place des martyrs », immense espace entre la ville et le port où se dresse le mausolée de Rafiq Hariri –l'ancien premier ministre tué dans un  attentat en février 2005 —  en y amenant tentes, camions-citernes, toilettes chimiques, repas chauds, et en assurant un service d'ordre inflexible, chargé à la fois d'effacer tout slogan ou drapeau de parti ou confessionnel ; d'éviter des attentats en perquisitionnant un à un tous les participants. Et en tenant en bride les manifestants les plus jeunes et les plus exaspérés — qui par milliers ont perdu leur maison pendant la guerre du mois d'août, et sont désormais au chômage — afin qu'ils ne tombent pas dans les provocations des nouvelles Forces de sécurité interne (Isf) : forces fidèles au premier ministre Fouad Siniora, entraînées et armées de pied en cap par le FBI et les conseillers étasuniens. Ces mêmes forces qui ont ouvert le feu, en octobre dernier,  sur quelques centaines de squatters et tué deux jeunes garçons. Face à une présence chiite forte dans les rangs de l'armée libanaise et d'officiers chrétiens maronites « patriotes » fidèles au président Lahoud ou, parmi les officiers supérieurs, à leur ancien commandant le général Aoun, les pays occidentaux, Usa et France en particulier, ont investi massivement depuis un an cette nouvelle force de sécurité « sunnite » de plus de 24.000 hommes dotés d'armes ultra sophistiquées.  Avec le risque, augmenté ultérieurement par le réarmement de toutes les milices du pays, à commencer par celles  de l'extrême-droite phalangiste de Geagea qui est depuis toujours sponsorisée par les services secrets israéliens, de précipiter ainsi le pays dans une spirale de type irakien. Cet élément confirme bien comment la désagrégation confessionnelle hier de l'Irak, aujourd'hui du Liban et demain de la Syrie, n'est pas du tout « un accident » mais le véritable objectif de la politique étasunienne au Moyen-Orient. Les nouvelles Forces de sécurité interne,  avec leurs uniformes bleu et leurs véhicules flambant neuf fournis par les pays sunnites du Golfe, ont aussi dans leurs rangs un noyau central de commandos, appelé « les Panthères », de 350 hommes environ, et disposent de leurs propres services secrets créés avec un premier financement étasunien de 30 millions de dollars.

Le front d'opposition, de son côté, a annoncé hier sa détermination à continuer à faire le siège du palais du gouvernement jusqu'à ce que le premier ministre « Siniora Ali Baba » (en référence au sac du pays qu'il a accompli en qualité de bras droit de l'ex-premier ministre Hariri) n'aura pas démissionné.

L'opposition réclame un exécutif d'unité nationale dans lequel la communauté chiite, le mouvement du général Aoun et l'opposition  aient  un tiers des sièges, de manière à se garantir de tout coup de main possible de la part de Siniora, et surtout contre un nouveau mandat colonial sur le pays de la part des USA et de la France. Fouad Siniora, cependant, fort  du soutien reçu par les USA, par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, et l'Italie – mais aussi de l'Arabie Saoudite — ne montre aucune disposition à démissionner. Mais en ne misant ainsi que sur un premier ministre sunnite discrédité, les pays occidentaux sont en train de s'aliéner un gouvernement minoritaire contre lequel se soudent les deux autres communautés sous représentées au niveau institutionnel  — la communauté chrétienne et, surtout, les chiites — ainsi qu'avec tous les secteurs sunnites « nationaux », opposés à une braderie de leur pays à un nouvel axe franco étasunien.  Donc, une fois de plus, ils misent sur le chaos. Selon des rumeurs non confirmées l'opposition aurait laissé du temps à Siniora, jusqu'à ce soir (dimanche 3 décembre, NDT), avant d'étendre la mobilisation en vue d'une campagne de « désobéissance civile » qui bloquerait tout le pays.  Très dure réponse de la part du sous-secrétaire d'état étasunien, Nicolas Burns, selon lequel, en cas de crise de gouvernement, la Conférence des pays donateurs programmée en janvier, serait annulée.

STEFANO CHIARINI

Edition de dimanche 3 décembre 2006 de il manifesto

http://www.ilmanifetso.it/Quotidiano-archivio/03-Dicembre-2006/art36/html

Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio

 



04/12/2006
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