des tirs dans l'obscurité, au-dessus des cieux de la syrie
Des tirs dans l'obscurité, au-dessus des cieux de la Syrie
DAMAS - Alors qu'il est devenu le premier officiel israélien à admettre que son pays a bien mené une attaque aérienne contre la Syrie, le 6 septembre, le chef de l'opposition israélienne, Benjamin Netanyahou, n'a pas donné d'autres explications sur cette escapade, ajoutant ainsi un peu plus à la montagne de spéculations qui existe déjà à propos de cet incident.
Netanyahou a déclaré jeudi qu'il avait apporté son soutien au Premier ministre Ehoud Olmert pour "une attaque" et il s'est promptement fait rabrouer par le chef du gouvernement pour avoir commis un impair.
Israël a imposé un black-out sur les médias à propos des événements de la nuit du 6 septembre, alors que la Syrie a affirmé que son espace aérien avait été violé dans la province septentrionale de Raqqa et que ses défenses avaient obligé les F-15 israéliens à s'enfuir, larguant des "munitions" et des réservoirs de carburant dans le désert près de la frontière turque.
Cependant, les médias américains insistent pour dire que les Israéliens ont touché quelque chose d'essentiel. Les derniers rapports, attribués aux "sources gouvernementales étasuniennes", disent qu'Israël, avec l'aide et le soutien tacite des Etats-Unis, a bombardé une installation où des armes nucléaires étaient en cours de développement avec l'aide de la Corée du Nord.
La Syrie et la Corée du Nord ont toutes deux réfuté qu'elles coopéraient en matière de technologie nucléaire et Pyongyang a émis une condamnation sévère de l'intrusion israélienne dans l'espace aérien de la Syrie.
Ces deux pays insistent sur le fait que ces accusations ont été fabriquées par les Etats-Unis pour des raisons politiques - visant principalement la Corée du Nord. Les faucons, en particulier John Bolton, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, s'inquiètent de la tournure pacifique que prennent les pourparlers sexpartites sur le programme nucléaire nord-coréen, préférant la confrontation.
Joshua Landis, professeur à l'Université d'Oklahoma et expert en affaires syriennes - il dirige le site Syriacomment.com -, a déclaré : "Bolton représente la masse de ceux qui sont très bouleversés que les Etats-Unis aient déclaré avoir perdu en Corée du Nord, par faute d'avoir fait confiance aux Nord-Coréens. Ils aimeraient faire échouer cet accord."
Un diplomate lié à l'Agence Internationale à l'Energie Atomique (AIEA) a été cité disant que l'AIEA n'avait aucune connaissance d'une installation nucléaire en Syrie.
Buthaina Shaaban, la ministre syrienne des expatriés, a fait le commentaire suivant sur al-Manar TV : "Toute cette histoire est fausse. Je ne sais comment leur imagination a pu atteindre une telle créativité." Elle a ajouté : "Il est regrettable que la presse internationale soit si occupée à justifier cette agression contre un Etat souverain et le monde devrait s'occuper de la condamner au lieu d'inventer des raisons et des justifications pour cette agression."
Cette histoire sur la Syrie et la Corée du Nord a commencé lorsque Andrew Semmel, du Département d'Etat américain, a soutenu que la Syrie "pourrait avoir" obtenu des équipements nucléaires de la part de "fournisseurs secrets", ajoutant : "Là-bas [en Syrie], il y a des Nord-Coréens. Il n'y a aucun doute là-dessus".
Il a réitéré ces accusations, qu'il avait portées dès 2004, selon lesquelles un réseau dirigé par Abdul Kader Khan, le scientifique nucléaire pakistanais, aujourd'hui en disgrâce, qui aurait fourni des centrifugeuses de gaz et de l'hexafluorure d'uranium à la Corée du Nord, opérait depuis la Syrie. Mais il n'y a pas la moindre preuve du réseau de Khan opérant depuis le territoire syrien - autrement, elle serait remontée à la surface.
Aux Etats-Unis, les journalistes ont pris la suite, disant que le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-il, pourrait cacher des matériaux en Syrie, tout en prétendant débarrasser son pays des armes nucléaires afin d'améliorer ses relations avec les Etats-Unis.
Il y a eu des rapports selon lesquels, trois jours avant l'attaque israélienne, un bateau transportant les matériaux nord-coréens étiquetés comme "ciment" a déchargé sa cargaison en Syrie. Ces matériaux, estimaient ces rapports, étaient de l'équipement nucléaire.
Ces rapports ont été récusés. Joseph Cirincione, l'auteur de Bomb Scare: The History and Future of Nuclear Weapons [Alerte à la Bombe : l'histoire et le future des armes atomiques], chercheur et directeur de la politique nucléaire au Center for American Progress, a déclaré : "Cette histoire est absurde".
Ainsi qu'il a été dit plus haut, cette histoire sur la Corée du Nord n'est pas nouvelle. Elle a commencé en 2004 lorsque Bolton, alors sous-secrétaire au contrôle des armements, a accusé la Syrie de couver des ambitions nucléaires. Cela faisait partie du flot d'accusations après l'invasion de l'Irak en 2003.
On a d'abord accusé les copains de Saddam Hussein de s'être enfuis à Damas. Lorsqu'ils ont été arrêtés les uns après les autres à l'intérieur de l'Irak, l'histoire a changé : Les armes de destruction massive de Saddam étaient cachées en Syrie. Lorsque cela s'est avéré faux, Bolton est arrivé avec son accusation énorme.
Cela a provoqué une enquête de l'AIEA, à la suite de laquelle, l'agence a déclaré qu'il n'y avait aucune preuve soutenant ces accusations. Le chef de l'AIEA, Mohamed el-Baradei, a fait le commentaire suivant le 26 juin 2004 : "Nous n'avons obtenu aucun élément d'information nous permettant d'avoir quelque inquiétude vis-à-vis de la Syrie".
David Albright, l'ancien inspecteur en armement des Nations-Unies, dit que l'AIEA a trouvé que les accusations de Bolton sur la Syrie étaient "sans fondement".
La Guerre ou des mots ? Cette semaine, Israël a semblé essayer de désamorcer les tensions avec la Syrie, avec Olmert disant qu'il était prêt à entamer avec Damas des pourparlers de paix sans conditions. Les deux pays sont en conflit depuis l'occupation du Plateau du Golan par Israël, lors de la Guerre des Six Jours.
Le quotidien d'Etat syrien, Tishreen, a été prompt à répliquer : "Ce qui est nouveau dans les propositions d'Olmert est le ton respectueux, mais le reste n'est qu'une répétition des vieilles propositions destinées à duper et à diviser".
Le 11 juillet, Olmert a fait une proposition similaire durant une interview avec la chaîne saoudienne par satellite Al-Arabiyya : "Je suis prêt à m'asseoir avec vous et à parler de paix, pas de guerre. Je serai content si je pouvais faire la paix avec la Syrie. Je ne veux pas livrer de guerre à la Syrie", a déclaré Olmert.
Le 18 septembre, cette proposition a reçu un écho du Président Shimon Peres, qui a ajouté : "Nous sommes prêts au dialogue avec Damas".
A la suite de l'incursion aérienne, Israël a aussi transféré des troupes depuis le Plateau du Golan vers le désert du Néguev, pour désamorcer les tensions croissantes à la frontière. On avait dit à Damas que cela se produirait.
Plusieurs heures avant que les avions israéliens ne traversent la frontière syrienne, Javier Solana, le chef de la politique étrangère de l'UE, a délivré un message du Ministre de la Défense Ehoud Barak, selon lequel le déploiement de soldats sur la frontière syrienne serait réduit pour éviter le déclenchement d'une guerre, insistant sur le fait que son pays n'était pas intéressé par une guerre avec les Syriens.
Si c'est le cas, cela n'aide pas à expliquer ce que les avions israéliens faisaient au-dessus de la Syrie.Sami Moubayed
Asia Times Online, le 22 septembre 2007
article original : "Shots in the dark over Syria's skies"
Traduction : JFG-QuestionsCritiques.
A découvrir aussi
- saraya al-quds : nous riposterons à l’assassinat de nos dirigeants
- le mur à Ni'lin
- Manlio Dinucci - La ligne noire de Netanyahu
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 839 autres membres