gabriel kolko, un jour de plus
Un jour de plus : la guerre en Irak bat la 2ème guerre mondiale | |
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"La guerre irakienne est depuis hier (samedi 25 novembre 2006, NDT) la seconde plus longue guerre que les Etats-Unis aient jamais menée. Avant-hier, notre titre "1303 ème jour de paix » voulait faire apparaître que le président Georges W. Bush avait déclaré la fin de la guerre de façon un peu anticipée, déjà au printemps 2003. Ensuite les choses ont continué un peu différemment.
Désormais, la durée de la guerre irakienne a dépassé celle de la 2ème guerre mondiale, vue des Etats-Unis. Pour eux elle avait en fait commencé le 7 décembre 1941. A cette époque aussi avec une attaque non précédée d'une déclaration de guerre. La différence c'est que cette fois l'attaque n'a pas été portée contre les américains, comme à Pearl Harbor, mais que ce sont eux qui ont bombardé Bagdad, sans préavis, en détruisant avec des bombes géantes et des missiles le restaurant où Saddam Hussein devait se trouver, selon les services secrets". Extrait de l'éditorial de Guglielmo Ragozzino, http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivoi/26-Novembre-2006/ART39.html . (Traduit de la version italienne par Marie-Ange Patrizio)
Depuis 1945, la politique extérieure Us a toujours été lourde de dangers, mais ce groupe ci est le pire groupe d'incompétents qui ait jamais détenu le pouvoir à Washington, qui a « choqué et effrayé », pour employer l'expression de l'ex-secrétaire à la défense Rumsfeld, lui-même. Pour les guerriers conservateurs les choses sont désastreuses. Le président Bush a fait des élections de mi-mandat un référendum sur la guerre ; pour son parti ça a été une défaite. Désorientation, dépression et sentiment de défaite ont laissé le président et ses néo-cons entre deux eaux. Ils ont le pouvoir pour deux années encore ; de ce fait nous sommes à la merci de personnes irresponsables et dangereuses dont la rhétorique s'est révélée une recette désastreuse en Afghanistan et en Irak – un cauchemar surréaliste. L'opinion publique étasunienne est en grande majorité opposée à la guerre (55% des votants désapprouvent la guerre, et presque tous énergiquement). L'électorat s'est exprimé contre la guerre et de façon seulement périphérique pour les Démocrates, dont la majeure partie avait vaguement laissé entendre qu'ils allaient faire quelque chose à propos de la guerre en Irak ; mais ils ont immédiatement fait marche arrière sans la moindre honte. Les gens, et en particulier ceux qui se rendent aux urnes, réagissent face à la réalité plus rapidement que par le passé, ce qui signifie que les politiciens traditionnels doivent les trahir très rapidement. Les gens posent des bornes que les politiciens ambitieux ignorent, courant cependant un risque plus grand que jamais, parce que la population a montré qu'elle était prête à renvoyer chez eux les canailles : qu'ils soient Démocrates, comme en 1952 et en 1968, ou Républicains, comme en ce mois de novembre. Le public étasunien est plus que jamais opposé à la guerre, et personne ne peut plus prévoir ce que l'avenir réserve ; certains Républicains pourraient doubler des Démocrates à gauche, en prenant des positions opposées à la guerre, en conservant ainsi leurs propres positions de pouvoir, ou même en en gagnant de nouvelles. Que la population soit par conséquent, préjudiciablement, cyniquement ignorée – tout comme elle l'a été immédiatement après les dernières élections étasuniennes- est un fait aussi, mais son rôle ne peut pas être surévalué ni ignoré. L'expérience montre que les politiciens, quelle que soit la manière dont ils se définissent et sous toutes les latitudes, ne sont jamais fiables. Jamais. Il est très difficile de prévoir ce que fera cette administration, même si les désastres de ces six dernières années ont rendu bien moins praticables certaines options. En un certain sens, ceci est positif, même si le coût en termes de vies sacrifiées et de richesses dilapidées a été immense. La commission bipartisane Baker-Hamilton est profondément divisée et même si – avec un accent sur le « si »- elle proposait une alternative claire, le président serait libre de l'ignorer. Le Pentagone a formulé différentes alternatives, synthétisées dans les formules go big, go long (toutes les deux requérant 5 à 10 ans pour « irakiser » la guerre), ou même go home, mais lui aussi est divisé. Une chose est certaine en tout cas : il n'a ni les hommes, ni le matériel, ni la liberté politique pour commettre les mêmes erreurs qui avaient été commises au Vietnam, comme les deux premières hypothèses le nécessiteraient. En Irak il n'y a pas d'options parce que les USA ont traumatisé le pays tout entier en créant des problèmes immenses qu'ils ne savent pas comment résoudre. Personne ne peut prévoir ce que feront les USA en Irak parce que l'administration Bush espère préserver l'illusion du succès, et qu'elle est vraiment confuse sur la façon de procéder. Elle a créé un chaos. Très probablement, dans les années à venir, l'Irak restera une tragédie, un pays brisé par la violence. Bush a causé un énorme désastre en mettant en péril la vie de millions de personnes. Beaucoup de choses dépendent du président, dont la politique a totalement échoué en Irak, et échoue aussi au Liban. Une des options est l'escalade : la guerre avec l'Iran. Israël pourrait attaquer l'Iran pour entraîner avec lui les Etats-Unis, mais, seul, il ne peut être qu'un catalyseur et il le sait, au moins à certains niveaux. Et Ehud Olmert et Bush ont la même approche de ces questions. Quoi qu'il en soit, Bush n'a pas exclu la guerre avec l'Iran, malgré les avertissements de nombreux représentants de l'armée : un tel conflit aurait de vastes répercussions, il durerait vraisemblablement des années et les Usa le perdraient après avoir généré une Apocalypse. Même s'ils utilisaient des armes nucléaires. Mais cette éventualité devient moins probable parce que le Pentagone y est de plus en plus opposé, et, de plus, il n'a pas de ressources suffisantes pour mener ce genre de guerre, qui pourrait durer des années : à moins que ne soit utilisée immédiatement une force nucléaire écrasante, chose improbable. Une série de théoriciens néo-cons se sont repentis de l'aventure irakienne, et aussi de certaines des prémisses fondamentales qui l'avaient causée, mais ce serait une erreur de donner pour escompté que cette administration ait un contact avec la réalité, et qu'elle puisse tirer un enseignement de l'électorat ou d'intellectuels néo-cons isolés. Il y a encore énormément de gens à Washington qui poussent pour risquer le tout pour le tout, et cultivent encore des illusions. Reste le facteur impondérable, l'attitude semi religieuse de Bush : fantasme et illusions mêlées à des désirs. La victoire est-elle au tournant si nous augmentons nos hommes ? Les troupes irakiennes entraînées par les étasuniens pourront-elles gagner sur des ennemis qui ont eu le dessus sur les forces armées Usa ? Une telle stratégie avait été adoptée au Vietnam, et elle échoua. De nombreux présidents décisivement plus sages que Bush ont eu recours à des illusions de ce genre. Pourquoi pas Bush, aussi ? La situation sur le terrain, beaucoup plus problématique pour la puissance étasunienne qu'il n'était prévisible il y a six ans, est un facteur crucial. Mais cela pourrait ne pas suffire à empêcher un comportement irrationnel. Nous, tout simplement, nous ne pouvons pas le savoir. C'est un moment périlleux pour le monde entier. Gabriel Kolko
Gabriel Kolko est historien canadien, auteur de « Le livre noir de la guerre ». Cet article a été traduit de l'anglais à l'italien par Marina Impallomeni, pour il manifesto. Edition de dimanche 26 novembre 2006 de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/26-Novembre -2006/art31.html Traduit de la version italienne par Marie-Ange Patrizio
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