jean-daniel fabre — ne touchez pas à Fabre (I)
Ne touchez pas à Fabre (I)
Je veux que ce livre inspire l'horreur, comme l'apparition de la magie noire et des pandémies et du LSD, afin de toucher du doigt la conscience avariée du siècle. J'ai poussé les choses à bout, c'est le seul moyen de cerner le mal. Je ne saurais le faire sans grand repentir.
Kyria je vois ton visage bouleversé dans cette ville morte et je suis navré
J'ai trahi
J'ai livré
J'ai perdu
J'ai fait toute la guerre
Et je me demande encore comment je puis survivre au chaos des nations.
prélude
De beau je m'habille ce soir
je me sens bon et j'ai envie de me battre
L'imagination a perdu le pouvoir
mais avec des amis sûrs je me suis caché derrière le mont MEZENC
et j'attends
Satan et Dieu
Un seul gredin
Surgissent de leur repère des îles anglo-allemandes
Depuis le début je sais que cet homme-là veut ma mort.
le succès des armes
Figé ou errant, le désir me cerne et me brise
Il m'a chassé de la ville, il m'en rapproche sans cesse
Et me conduit par le détroit de mépris et de douleur
il m'a fixé pour longtemps
C'est un long siège.
Celui qui fait toutes ces choses
Celui-là je le prends, je saisis ce qu'il trouble
Et je l'entends dire
Alors la nuit je cherche Kyria
Tout près d'elle je passe en frayage inutiles
Elle enfermée dans cette ville étroite et presque vide
Plantée devant moi comme un Dieu brute
Devant qui je tourne et je rends toutes les saloperies du siège.
Nul nom de Dieu
Nul arbre ne me protège
Qu'un amas de pierres concassées
Je rassemble, je force des espèces dérisoires.
prologue
Je fus dans le préau de l'École Alsacienne
où se réunit le grand état-major prussien
À la fin de l'été 1945
Et j'avais imposé à l'ordre du jour le dépistage des simulateurs
Avant même de commencer mon discours
Je fis passer, arraché au cantique de la supérieure de Sainte-Odile
un feuillet traçant la carte de notre inconscient
un arbre à deux branches dépouillé de ses attraits
l'une et l'autre reliant un bordel et une fabrique abandonnée
Réunis de l'autre côté par un œuf maculé de sang
c'est alors que le général Los von Kant pourtant confondu s'est écrié
« Non jamais non je n'ai donné d'ordre de ma vie
et vous le savez que cela m'est impossible
j'ai trop longtemps vécu à Léningrad
pour commettre une chose pareille. »
la fin du socialisme
Non, Dieu n'est pas si méchant que cela
Staline me le disait un jour, et vous pouvez en être sûr
il ne faut pas croire son demi-frère, qui le disait fourbe et cruel
certes il n'était pas un tendre.
Mais l'assassin de Jaurès, lui, était un doux
c'est un geste si menu d'appuyer sur la gâchette.
cantate à staline
Mon premier est paralytique
Mon second est épileptique
Et je vis dans la hantise du troisième
Tant je suis pris par les événements
Que j'attends la venue du socialisme.
Bientôt Spartacus sera fusillé
Fabius Mort
Et Justus se sera suicidé.
Troncs démantelés
Hommes ou femmes tirés par des idoles sadiques
La foule perdant son visage
Se plaque contre les murs à leur passage
La nuit, quand je ne veux pas dormir
Je demande leur mort.
le désir et la contrainte
Morde m'a dit : il n'y a plus de Bon Dieu, demain on rase gratis.
À ces mots, je bondis dans l'escalier ; quand je fus sur le boulevard,
je m'écriais : salaud de Dieu de salaud de Dieu.
Irrité, je l'étais, et furieux.
De l'autre côté, de Borco remontait le boulevard.
Ferme, décidé, courageux, plein d'entrain, il clamait :
il crimine paga, il crimine paga.
Quand je fus vis-à-vis, je lui répondis : e lo pagero molto caro,
les flics le laissaient encore passer.
Ce soir, ou il la baise, ou il la tue, se disaient-ils.
kyria
Très aimée et très attendue Kyria
Pour vous j'ai sauvé la fortune de l'Europe
Elle se cache quelque part à Sceaux les chartreux derrière les tombeaux
J'ai trompé la vigilance des lesbiennes anglo-saxonnes qui montent la
Garde à Heligoland pour maintenir le Trésor de Himmler
De nuit et précipitamment
J'ai ramené à Louxor l'Obélisque dépareillé
Je suis Chamahot l'obscur
J'étais consul à Alexandrie.
fragment d'une crucifixion
Alors le Fils de l'Homme poussa un immense cri
Eli, Eli, Lamma sabachtrani !
un si grand cri que la terre toute entière en frémit comme
d'un frisson d'épilepsie,
un si grand cri que le silence infini en écho plaintif à cette plainte répondit :
mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?
Alors, tous ceux de la terre
les grands et les petits
et la foule à gauche
et la foule à droite
tous ceux-là qui ce matin hurlaient encore « à mort ! à mort !
crucifie-le » insultèrent toujours le Christ.
chamahaudes doed
Grimpez les escaliers
Ouvrez la porte
Le premier cadavre à gauche c'est moi et c'est Dieu qui m'a foutu là
Dans ce bordel à franzouzes
J'étais parti à Dallas disputer les championnats mondiaux
Toute la ville était tenue par la police chrétienne
Et la John Kennedy Society voulait me déporter avec les Juifs
dans une terre de préférence inhabitée située du côté d'Arkhangelsk
Sous la surveillance de la police internationale des mœurs
Salauds d'extrémistes !
L'Ombudsman de Stockholm m'a traqué dans toute sa ville
Il avait disposé sur tous les ponts de l'Artilleriegoatan
les colonnes de ses brigades centrales pour tirer sur moi des balles dum-dum
Ils ne m'ont jamais pardonné d'avoir arraché à la reine de Suède la liste de ses péchés et de l'avoir noyée dans le port de Stockholm.
Ils redoutent le jour et l'heure où je livrerai
l'Europe aux colonels mongols pour la faire crever de plaisir
En attendant les Américains refusent toujours de soigner ma maladie
(c'était une syphilis imméritée dans un bordel de la Nouvelle-Helvétie)
Ce qu'ils veulent, c'est retrouver mon corps pour le percer et le transfigurer de toutes parts
for his salvation and souls immortality, ont-ils dit
et leurs kremlinologues veulent s'emparer de mon cerveau pour retenir ma mémoire fantastique
mais commettant ce crime, ils feraient immédiatement resurgir tous les blindés et les navires engloutis pendant la guerre de 39-45 et les morts gelés qui servaient de poteaux indicateurs sur le front d'Ukraine se mettraient aussitôt à parler
Sachant cela, Staline aussitôt fit masser 300 divisions blindées soviétiques dans le Caucase
Ce qui fit réfléchir longuement l'Amérique
Et vraiment ce jour-là Staline dissipa le malheur.
Dieu de dieu mes tempes brûlent toujours
et tous les membres de mon corps craquent comme les vieux ponts
usés par la guerre et par l'indépendance
c'est une doctoresse anglaise qui m'a donné les premiers soins.
Vingt ans plus tard les extrémistes du 7e jour sont revenus
ils veulent imprimer sur mon front le tau liquide et la croix gravée sur leurs murs d'acier
les cons, ils ne se figurent pas que je suis le soleil !
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