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le foot et le fric

Quelque chose de pourri au royaume du football

 

Le 24/01/2019, par Henri Houben

 

 Il y a quelque chose de mythique dans le football, le sport le plus populaire. Il suffit d’un ballon, de quelques personnes et d’un terrain un peu large pour y évoluer. On forme deux équipes et on joue. C’est aussi simple que cela et on peut le pratiquer quasiment partout, dans une cour de récréation, sur une plage, dans un parc…

Non seulement c’est un divertissement amusant, une dépense physique totale bien utile à une époque de sédentarisation, mais il est aussi intéressant à regarder. Il faut prendre des décisions judicieuses pour l’équipe en une fraction de seconde parfois. On peut y prendre plaisir à tous les niveaux, que ce soit dans la compétition la plus huppée ou le match amical entre « potes ».

Cette vision idyllique du football n’a, pourtant, plus cours au plus haut niveau, celui des clubs qui inondent les images télévisées, dont la presse sportive ne cesse de parler et qui ont des supporters sur la terre entière.

En 1990, Gary Linecker, célèbre attaquant de l’équipe d’Angleterre et aujourd’hui journaliste à la BBC [1], avait déclaré après la demi-finale perdue à la Coupe du monde contre l’Allemagne : «  Le football est un jeu simple. 22 hommes courent après un ballon pendant 90 minutes et, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent toujours.  ». En réalité, à l’heure actuelle, ce ne serait plus vrai. Il faudrait remplacer dans la citation l’« Allemagne » par « l’argent ».

 Une fantastique manne financière

Cela fait longtemps que les questions financières se sont emparées du monde du ballon rond. À présent, elles prédominent les compétitions. Tout est devenu un problème d’argent.

Ceux qui en profitent ne sont pas les clubs en tant que tels, mais ceux qui tournent autour, les investisseurs, les sponsors, les agents de joueurs, les parieurs… Une véritable mafia qu’a révélée récemment un consortium de journalistes internationaux, dont ceux du Soir et du Standaard en Belgique [2], dans une série d’articles publiés sous le nom de « Football Leaks », à partir d’informations fournies par un dénommé John, qui avait accès à de nombreux mails des fédérations de football. En 2016, les investigations et les révélations ont porté sur les gains de joueurs et d’entraîneurs, qui, en outre, avaient été cachés aux différents fiscs nationaux. En 2018, il s’agit d’affaires de corruption, d’exploitation de mineurs, de racisme, de trafic d’influence…

Le football est une manne financière pour quelques acteurs peu recommandables et ils auraient tort de s’en priver vu l’évolution des sommes en jeu. Les salaires accordés aux joueurs les plus prestigieux grimpent. Les montants des transferts atteignent des sommets, avec en août 2017 le rachat pour 222 millions d’euros [3] du contrat de l’artiste brésilien Neymar officiant au FC Barcelone par le Paris Saint-Germain (PSG). Les dépenses de retransmission télévisée explosent et les versements publicitaires ne cessent d’augmenter.

Dès les années 1980, l’argent s’impose comme le roi qui détermine finalement les vainqueurs des différentes compétitions. En 1986, le financier italien Silvio Berlusconi rachète un des deux clubs phares de la ville de Milan, l’AC (Associazione Calcio Milano) [4], en dépôt de bilan. L’année suivante, il engage les internationaux néerlandais Ruud Gullit et Marco van Basten puis, en 1988, Frank Rijkaard [5]. Grâce à cet investissement, l’AC Milan gagne le championnat italien en 1988, puis la Coupe des clubs champions en 1989. Au début des années 1990, Berlusconi a fait du Milan un des grands d’Europe.

Cette période va être bouleversée par deux changements majeurs dans les règles des épreuves européennes.

En 1992, le titre le plus convoité, celui où se retrouvent normalement les vainqueurs des différents championnats européens est rebaptisé : Champions League [6]. Le format change progressivement et inclut petit à petit plusieurs clubs d’un même pays, en fonction de l’importance de celui-ci dans le monde du football. Ainsi, l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie et l’Allemagne peuvent aligner quatre équipes, la France et la Russie deux, avec la possibilité d’avoir une troisième si celle-ci passe des barrages, le Portugal, l’Ukraine et la Belgique une, avec une autre qui peut se qualifier dans les tours préliminaires. Les autres doivent se battre pour arriver au premier tour qui réunit 32 clubs. C’est la part belle pour les grands pays.

Ensuite, en 1995, intervient l’arrêt Bosman. Ce joueur belge du FC liégeois est cantonné au banc de touche. Il veut dès lors être transféré à Dunkerque, qui évolue en deuxième division française. Mais le club de la cité ardente refuse ce transfert et le met sur la liste des sportifs à vendre, mais à un prix de 300.000 euros, trop élevé pour qu’une association se décide à l’acquérir. Jean-Marc Bosman dépose plainte devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Il conteste deux éléments : primo, la possibilité pour un club de demander une indemnité pour un joueur en fin de contrat ; deuxio, les quotas de joueurs européens limités à trois étrangers, qui constituent une infraction au droit communautaire. La CJCE donne raison à Bosman. Depuis lors, une équipe peut disposer d’autant de footballeurs européens qu’elle veut, sans limitation de nationalité. De nouveau, c’est une aubaine pour les grands clubs qui peuvent acheter les meilleurs joueurs sur le marché, quelle que soit leur nationalité.

De fait, les années 1990 voient une explosion des montants dépensés par chaque équipe. Ainsi, durant cette décennie, les dépenses moyennes des clubs anglais de la Premier League [7] sont multipliées par sept et Manchester United, le club le plus riche du royaume et même de la planète voit ses revenus passer de 17,8 millions de livres en 1990 à 129 millions en 2001, soit plus de sept fois plus [8].

Le graphique 1 montre cette explosion des recettes (et davantage encore des dépenses) dans les principaux pays de football depuis lors, soit de 1997 à 2018.

Graphique 1. Évolution des revenus des cinq principales fédérations de football (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) de 1997 à 2018 (en milliards d’euros)

Source : Calculs sur base de Statista, Revenue of the biggest European soccer leagues from 1996/97 to 2018/19 (in million euros) : https://www.statista.com/statistics/261218/big-five-european-soccer-leagues-revenue/.

En 1997, ces cinq fédérations, les plus importantes dans le monde, disposent de 2,5 milliards d’euros. Vingt ans plus tard, elles enregistrent des rentrées de 15,7 milliards, plus de six fois plus. Une progression de plus de 9% par an !

Le graphique 2 indique que cet engouement ne se limite pas aux cinq fédérations, mais gagne toute l’Europe, sur la période de 1997 à 2017. Mais, en 2013, les cinq principaux pays reprennent les choses en main et vont de nouveau favoriser leurs équipes.

Graphique 2. Part des cinq principales fédérations de football en Europe (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) de 1997 à 2017 (en %)

Source : Calculs sur base de UEFA, Panorama du football interclubs européen UEFA, Rapport de benchmarking sur la procédure d’octroi de licence aux clubs, exercice financier 2016, p.56. Et UEFA, The European Club Footballing Landscape, Club Licensing Benchmarking Report, 2017, p.48

La baisse de la part des cinq fédérations signale une montée des autres pays et inversement. On peut, néanmoins, s’apercevoir d’abord que la part des cinq principales associations est très élevée : elle se situe entre 65 et 73%. Sur tout le continent élargi de l’UEFA [9] (puisqu’Israël, le Kazakhstan, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie en font partie), soit 55 nations, les cinq premières représentent entre deux tiers et trois quarts des revenus. C’est énorme.

Ensuite, comme on l’a présenté d’entrée, les cinq fédérations voient leur part se tasser de 2001 à 2011. Puis, c’est un redressement spectaculaire. Les cinq ligues vont imposer un partage des recettes footballistiques très avantageuses à leurs clubs.

De quoi attirer bien des convoitises de la part d’investisseurs en mal de gains rapides pour faire fructifier leur patrimoine. D’autant que les dépenses sont encore plus importantes. Un club n’a pas vocation à faire du profit. En revanche, il doit obtenir des résultats sportifs. Ceux-ci vont appâter les meilleurs joueurs, qui voudront gagner des trophées dans leur carrière. Cela va inciter les sponsors à financer les activités de l’équipe victorieuse. Les télévisions devront payer davantage pour retransmettre en direct les matches ou même pour avoir les images.

C’est sur ce business que les hommes les plus cupides et les plus avides de s’enrichir misent pour se créer une réputation et devenir des incontournables du football.

Quelques clubs dominent tout

En conséquence, seules quelques équipes remportent les compétitions et garnissent leurs présentoirs d’innombrables trophées. Les pays moins dotés ont peu de chance d’encore gagner quoi que ce soit sur le plan européen. Ainsi, la Belgique a placé 14 clubs en finale des différentes coupes d’Europe entre 1976 et 1996, plus aucun depuis lors [10]. C’est un constat assez semblable pour les Pays-Bas, l’Écosse, la Russie, et, dans une moindre mesure, l’Ukraine et le Portugal.

En Ligue des champions, la dernière victoire d’une équipe n’appartenant pas aux quatre grandes fédérations (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne) date de 2004, année exceptionnelle où tous les favoris se sont fait éliminer assez rapidement et où le FC Porto l’a emporté. Il faut remonter, ensuite, à 1995 pour voir l’Ajax Amsterdam obtenir le trophée pour la dernière fois. Quatre des cinq dernières victoires l’ont été par le Real Madrid et l’autre par un autre club espagnol, le FC Barcelone.

La Ligue Europa est plus ouverte, car tous les participants n’y mettent pas toujours la même énergie pour en sortir vainqueur. D’où la décision de l’UEFA en 2015 de qualifier d’office le lauréat de la Ligue Europa pour la Champion’s League l’année suivante. Depuis 2012, ce sont uniquement des équipes espagnoles et anglaises qui s’arrogent le titre.

Même constat pour les championnats nationaux. On sait d’avance que le Paris Saint-Germain gagnera la compétition en France. Il n’a pas d’adversaire à sa mesure dans l’hexagone. La Juventus de Turin l’emportera probablement en Italie. Le Bayern de Munich reste le favori en Allemagne. Il est champion en titre depuis 2013. Son principal opposant est le Borussia Dortmund, qui mène la danse actuellement, profitant d’un mauvais départ de son concurrent bavarois. En Espagne, la palme devrait revenir au FC Barcelone. À moins que l’Atlético de Madrid contrarie ce projet, le Real étant trop loin pour espérer encore le trophée.

C’est en Angleterre que la concurrence est la plus rude. Mais, là aussi, depuis quelques années, un « Big Six » s’est constitué, il est composé des deux clubs mancuniens Manchester City, Manchester United, de trois équipes londoniennes Chelsea, Arsenal et Tottenham Hotspur, et du FC Liverpool. À l’exception de la victoire surprise de Leicester City en 2016, on retrouve uniquement ces six équipes au palmarès de la Premier League depuis 1995. Depuis 2015, elles trustent les six premières places du championnat (sauf en 2016). Et elles se partagent ces positions dans la compétition actuelle, les quatre premières donnant droit à une participation à la Champion’s League, les deux suivantes à la Ligue Europa. Or, ces épreuves offrent des rémunérations importantes aux clubs qualifiés. L’écart entre les riches et les pauvres ne cessent de se creuser.

Chaque année, le cabinet d’audit Deloitte établit un classement des équipes qui disposent des revenus les plus importants. Nous avons repris dans le tableau 1 le dernier en date, celui de la saison 2016-2017, pour les 15 premiers.

Tableau 1. Classement des clubs les plus riches au niveau des recettes durant la saison 2016-2017 (en millions d’euros)

CLUBSPAYSREVENUS
1 Manchester United Angleterre 676,3
2 Real Madrid Espagne 674,6
3 FC Barcelone Espagne 648,3
4 Bayern Munich Allemagne 587,8
5 Manchester City Angleterre 527,7
6 Arsenal Angleterre 487,6
7 PSG France 486,2
8 Chelsea Angleterre 428,0
9 Liverpool Angleterre 424,2
10 Juventus Turin Italie 405,7
11 Tottenham Hotspur Angleterre 355,6
12 Borussia Dortmund Allemagne 332,6
13 Atletico Madrid Espagne 272,5
14 Leicester City Angleterre 271,1
15 Inter Milan Italie 262,1

Source : Deloitte, Rising stars. Football Money League, Sports Business Group, janvier 2018, p.7 : https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/uk/Documents/sports-business-group/deloitte-uk-sbg-dfml2018.pdf.

On y trouve un seul club français, deux italiens, deux allemands, trois espagnols et le reste, soit sept au total (quasi la moitié), est anglais. Pour mesurer la distance entre chacun d’eux, le onzième, Tottenham, reçoit environ la moitié du premier, Manchester United.

Dans le tableau 2, nous avons calculé les montants cumulés des recettes sur les onze dernières années. On constate immédiatement que ce sont pratiquement les mêmes équipes que dans le tableau précédent, avec un ordre quelque peu différent.

Tableau 2. Classement des clubs les plus riches sur la période 2007-2017 (en millions d’euros)

REVENUS
1 Real Madrid Espagne 5.489,0
2 FC Barcelone Espagne 5.093,1
3 Manchester United Angleterre 4.906,3
4 Bayern Munich Allemagne 4.393,4
5 Arsenal Angleterre 3.641,6
6 Chelsea Angleterre 3.609,2
7 Manchester City Angleterre 3.144,4
8 Liverpool Angleterre 3.074,9
9 PSG France 3.013,2
10 Juventus Turin Italie 2.690,5
11 AC Milan Italie 2.479,6
12 Tottenham Hotspur Angleterre 2.216,9
13 Borussia Dortmund Allemagne 2.162,3
14 Inter Milan Italie 2.140,1
15 Schalke 04 Allemagne 1.990,4

Sources : Calculs sur base de Deloitte Football Money League, différentes années.

Les clubs espagnols trustent les deux premières places. Mais l’Atletico de Madrid n’y apparaît plus. En fait, ces revenus progressent surtout à partir de 2013. Inversement, l’AC Milan subit les conséquences des déboires de son financier, Silvio Berlusconi, qui finit par céder son patrimoine sportif à un consortium chinois en 2016. Entre 2003 et 2014, les recettes s’élèvent entre 200 et 260 millions d’euros par an. C’est ce que touche également la Juventus de Turin à cette époque. Durant cette période, Milan gagne deux fois la Champion’s League (2003 et 2007) et échoue en finale en 2005 face à Liverpool. Depuis 2014, c’est l’effondrement. Les rentrées descendent sous la barre des 200 millions, alors que dans les autres clubs, ces montants augmentent.

 Le cartel

Bref, il n’y a plus la place que pour quelques équipes au niveau européen, au point de rendre les compétitions nationales soporifiques. C’est dans ce cadre que les grands clubs ont élaboré un projet de championnat européen sur invitation. Le projet de créer une ligue européenne existe depuis belle lurette. Mais cette fois, il est appuyé par les équipes les plus prestigieuses et se fonde sur ce qui existe dans le football américain . Vingt-quatre acteurs y participeraient, seize de façon permanente et huit pouvant varier selon les saisons. Il n’y a au bout qu’un trophée et pas de relégation.

Les seize qualifiés d’office étaient : Real de Madrid, FC Barcelone, Atlético de Madrid pour l’Espagne, la Juventus de Turin et les deux équipes milanaises pour l’Italie, le Bayern de Munich et le Borussia Dortmund pour l’Allemagne, les Big Six anglais sans Tottenham et, enfin, les deux leaders portugais, Benfica Lisbonne et FC Porto, et le seul français PSG. Les huit invités auraient été les vainqueurs des championnats non encore représentés dans la liste : Leicester City, étonnant lauréat de 2016, le CSKA Moscou, le Dynamo de Kiev, le FC Bruges, le PSV Eindhoven, le Besiktas Istanbul, le FC Bâle et le Viktoria Plzen pour la Tchéquie. La compétition durerait 34 semaines, avec des matches le mardi, le mercredi et le samedi. Participer à cette ligue signifie sortir des championnats nationaux.

Le projet est sur la table. Un cartel de quatre équipes parmi les plus illustres en discute : le Real, Barcelone, la Juventus et le Bayern [11]. La question est de savoir si on lance cette initiative ou si on module les épreuves européennes actuelles dans ce sens. À Munich, on s’inquiète des conséquences. D’abord, un joueur quittant la fédération nationale pourrait-il encore être sélectionné dans l’équipe nationale ? Ensuite, en Allemagne, les contrats des footballers les lient à la ligue. Si le Bayern quitte celle-ci au profit d’un championnat européen, les joueurs pourraient quitter le club immédiatement, sans aucun coût de transfert et donc de revenu pour le groupe. Aussi les dirigeants bavarois vont appeler à plutôt transformer les compétitions européennes selon les vœux du cartel.

Mais le cartel a un atout dans sa main. Il va brandir la menace de créer une ligue alternative à la Ligue des champions et la Ligue Europa. Cela tombe bien, le président de l’Association européenne des clubs (ECA [12]), créée en 2008 et qui s’autoproclame la « voix des équipes », n’est autre que Karl-Heinz Rummenigge, qui en tant qu’ancien joueur représente le Bayern [13]. Il évoque le fait que «  les grands clubs ont reçu de grosses offres pour créer une Super Ligue  » [14].

L’UEFA est immédiatement sous pression et renégocie les avantages accordés à ceux qui disputent les épreuves européennes. Et ce n’est pas rien : les revenus provenant de celles-ci, sponsors, publicité, droits de télévision ont pratiquement triplé de 2007 à 2017 [15]. À qui va revenir cette manne ?

Dans la transaction avec l’UEFA, les quatre grandes fédérations obtiennent d’avoir automatiquement quatre équipes en Champion’s League. Cette dernière sera gérée par une société conjointe à parité égale entre l’UEFA et l’ECA, autrement dit par des membres du cartel [16]. Enfin, les montants demandés aux autres acteurs (sponsors, télévision…) passeront de 2,1 milliards d’euros à 2,9 milliards. Mais les équipes les plus prestigieuses, celles qui jouent la Ligue des Champions et qui parviennent aux plus hauts échelons, voire la gagnent, perçoivent les plus grandes sommes, les parts les plus importantes, comme le montre le tableau 3.

Tableau 3. Renégociation des contrats et des recettes UEFA pour la période 2018-2021 (en millions d’euros)

2015-16 2018-21 2018-21 Différence
LIGUE DES CHAMPIONS (32 CLUBS) 1.356 2.017 1.863 154
LIGUE EUROPA (48 CLUBS) 411 504 564 -60
CLUBS ÉLIMINÉS TOURS PRÉLIMINAIRES 85 96 116 -20
LIGUES NATIONALES 121 128 166 -38
UEFA 154 175 211 -36
TOTAL 2.127 2.920 2.920 0

Source : L’impact financier de la réforme de 2016 de la Ligue des Champions © Donatien Huet / Mediapart.

Note : À gauche, ce que l’UEFA a reversé lors de la saison 2015/2016 (2,1 milliards d’euros) ; au milieu, les 2,9 milliards qu’elle va reverser lors des saisons 2018 à 2021 selon les estimations du consortium des journalistes ; à droite, ce qu’elle aurait reversé sur ces trois saisons si la répartition des recettes était restée la même qu’en 2015/2016.

On constate effectivement que les proportions dans les versements des allocations sont redéfinies à l’avantage des clubs jouant la Champion’s League, et, bien entendu, au sein de cette catégorie, ceux qui emportent le trophée, parviennent en finale, demi-finale, etc. Ainsi, le Bayern de Munich reçoit pour la saison 2018-2019 30 millions d’euros avant même qu’il ait joué le moindre match, en raison de ses performances passées dans les compétitions européennes [17].

Cela n’a pas suffi à rassasier le cartel. Début 2018, une nouvelle proposition de championnat proprement européen refait surface. Dans un document de treize pages, le projet vise à créer une super ligue européenne à partir de 2021 pour une durée de vingt ans. Il y aurait seize participants : onze permanents (Bayern, Real, Barça, Juventus, PSG, Milan AC, Manchester United, Manchester City, Chelsea, Liverpool et Arsenal) et cinq invités (Atlético Madrid, AS Roma, Inter Milan, Borussia Dortmund et Olympique de Marseille). Le tout serait géré par une compagnie espagnole, dans laquelle chaque équipe aurait des parts, mais à des degrés divers (le Real serait le plus gros actionnaire avec 18,77% des parts ; suivraient Barcelone avec 17,61%, Manchester United avec 12,51% et le Bayern avec 8,29%).

S’agit-il de nouveau d’une manœuvre pour arracher de nouveaux droits pour les géants du football ? Pour sa part, le secrétaire général de l’UEFA a demandé à l’ECA de prolonger le contrat commençant en 2018 jusqu’en 2024. Mais, par exemple, Ivan Gazidis, patron d’Arsenal, mais qui vient d’être nommé à la tête de l’AC Milan en décembre 2018, souligne l’importance de la menace de créer une super-ligue. C’est «  notre moyen de pression pour obtenir ce qu’on veut  », avoue-t-il [18].

 Pour entrer dans le cercle, il faut des sponsors

Pour les autres clubs qui ont des ambitions, il faut absolument entrer dans le gratin du foot européen. Mais ce n’est pas simple. Il faut trouver des investisseurs fortunés, prêts à dépenser des fortunes dans l’achat de joueurs de qualité, des installations flambant neuves et un groupe de gens compétents pour entraîner, soigner et gérer. Comme à son époque, Silvio Berlusconi.

Cela suscite l’arrivée d’oligarques russes, de magnats du pétrole ou des milliardaires asiatiques à la manette des clubs européens. Ainsi, en 2003, le milliardaire russe Roman Abramovitch rachète Chelsea pour 140 millions de livres (environ 200 millions d’euros). Les recettes et dépenses du club passent subitement de 134 millions d’euros à 220 millions en un an. Il engage José Mourinho comme entraîneur, ainsi que de nombreux joueurs. Chelsea gagne la Premier League en 2005 et 2006.

À sa suite, un fonds d’investissement d’Abu Dhabi reprend une équipe anglaise de milieu de classement, Manchester City. L’investissement est plus progressif. Néanmoins, le cheik Mansour bin Zayed Al Nahyan dépense 1,3 milliard d’euros en quatre ans [19]. Cela lui permet d’engager l’attaquant argentin Carlos Teves en 2009, puis, l’année suivante, David Silva, Yaya Touré, Aleksandar Kolarov, Mario Balotelli et James Milner. Les résultats ne se font guère attendre : depuis 2010, le club se trouve toujours dans les cinq premiers du championnat d’Angleterre, gagnant cette compétition en 2012, 2014 et 2018. Au total, en sept ans, Abou Dhabi a apporté 2,7 milliards d’euros à Manchester [20].

En 2011, c’est au tour du Qatar de prendre 70% du PSG. De nouveau, c’est un recrutement à tout-va. Les recettes bondissent de 100 millions d’euros en 2011 à 220 millions un an plus tard. En deux ans, l’équipe achète 21 joueurs et la masse salariale triple. Le club végétait lui aussi en milieu de classement. Il est propulsé à la deuxième place du championnat français en 2012. Depuis lors, il emporte le trophée, sauf en 2017 où il se fait coiffer par Monaco.

Le joyau de la principauté, parlons-en. Autrefois soutenu pleinement par les autorités monégasques, il passe en 2011 sous le contrôle (à 66,67%) d’un autre milliardaire russe, Dmitri Rybolovlev, un proche de Vladimir Poutine. Tombé en seconde division, il remonte en 2013 et devient immédiatement dauphin du PSG l’année suivante. Il occupe régulièrement une des trois premières places depuis lors, avec une victoire en 2017. Les revenus explosent de 15 millions d’euros en 2013 à 176 millions en 2014, ce qui explique très largement la performance. Rybolovlev a dépensé 326 millions d’euros en deux ans pour parvenir à une telle performance [21].

Et que dire du « poucet » qui gagne la Premier League en 2016, Leicester City ? Il est racheté en 2010 par Vichai Srivaddhanaprabha, un homme d’affaires thaïlandais [22], alors qu’il vient de remonter du troisième échelon de la compétition anglaise (ce qu’on appellerait la troisième division dans d’autres pays) au second. En 2014, il gagne haut la main le championnat de cette section et regagne ainsi la Premier League, qu’il remporte deux ans plus tard. Là aussi, les compteurs financiers s’affolent. Les revenus passent de 37 millions en 2014 à 137 milliards l’année suivante.

Ces exemples, qu’on pourrait multiplier à des niveaux inférieurs, indiquent la méthode pour (re)devenir un géant du football : il faut trouver un généreux donateur, disposé à financer l’équipe, le plus souvent à perte. Mais une telle situation ne plaît guère au cercle dominant ce sport, qui estime cette nouvelle concurrence déloyale.

À l’instigation du président de l’UEFA de l’époque, Michel Platini, un « fair-play » financier va progressivement être mis en place. Son principe : ne pas dépenser davantage que ce que l’équipe reçoit comme revenu. Un dépassement limité (30 millions d’euros) est permis durant trois saisons, mais il faut revenir rapidement dans les clous d’un budget maîtrisé. En outre, les contrats de sponsoring sont estimés à leur valeur marchande réelle. Un investisseur ne peut donc pas faire appel à ses entreprises amies pour surfacturer des services qui, en réalité, ne sont pas rendus. Des cabinets d’audit peuvent évaluer la nature de ces rentrées.

Les prémices de ce système apparaissent en 2003, mais le mécanisme le plus complexe entre en application en 2013. Revenons un instant sur le graphique 2. Nous avions vu que la part des cinq plus grandes fédérations remontait fortement cette année-là. On constate l’effet principal du « fair-play » financier : assurer un monopole établi par les grands clubs sur les compétitions européennes.

Les deux équipes qui menacent cette stabilité sont le PSG et Manchester City. Le cas du groupe parisien est symptomatique. Le tableau 4 donne un aperçu des principaux revenus du club par catégorie depuis 2010, date de l’investissement qatari.

Tableau 4. Évolution des revenus du PSG par origine 2010-2018 (en millions d’euros)

2010-112011-122012-132013-142014-152015-162016-172017-18TOTAL
SPONSORS QATARIS 105,7 206,9 247,2 205,9 206,3 175,5 189,3 1.336,8
AUTRES SPONSORS 11,1 23,1 27,8 38,3 47,9 49,7 53,0 49,5 300,4
DROITS TV 45,3 47,0 90,9 83,4 105,8 123,1 121,9 127,8 745,2
STADE 23,7 25,3 44,3 63,0 77,3 92,0 89,5 97,5 512,6
MERCHANDISING 10,9 14,6 25,3 31,7 33,8 41,3 35,5 47,4 240,5
INTERNATIONAL 4,2 2,4 6,4 6,2 7,0 26,2
AUTRES REVENUS 3,5 5,4 4,4 11,0 10,8 19,8 3,9 3,2 62,0
TOTAL 94,5 221,1 399,6 478,8 483,9 538,6 485,5 521,7 3.223,7

Source : Donatien Huet / Mediapart.

Les rentrées « traditionnelles » augmentent au fil du temps, mais pas de manière exceptionnelle. Il est clair que ce sont les apports des sponsors qataris qui ont permis de rendre le PSG quasi imbattable dans le championnat français et un concurrent sérieux pour les compétitions européennes. Depuis 2011, ils représentent 42,7% des recettes du PSG. Voilà de quoi payer les transferts fabuleux de 222 millions pour Neymar et de 145 millions pour Kylian Mbappe en 2017 [23]. Et avant eux, ceux de David Pastore (42 millions), Zlatan Ibrahimović (20 millions), Ezequiel Lavezzi (31 millions), Thiago Silva (42 millions) et Edison Cavani (64,5 millions).

Mais l’agence de marketing sportif Octagon évalue les contrats qataris à seulement 26 millions d’euros. Même la firme Nielsen, commanditée par le club lui-même (ce qui n’est pas valide, car les expertises doivent être indépendantes), les estime à 104 millions [24]. Dans ce cas, les comptes ne sont plus en équilibre et le déficit cumulé sur trois ans dépasse largement les 30 millions d’euros permis. La sanction pour de tels cas est normalement l’interdiction de participer aux compétitions européennes et une amende financière.

Dès 2013, pour la qualification du PSG pour la Champion’s League, l’équipe est dans le collimateur de l’UEFA avec huit autres équipes. Les sponsors ne valent rien pour la saison 2011-2012 et pour seulement 3 millions pour la suivante. Le déficit s’élève, dès lors, à 260 millions d’euros. Mais l’UEFA décide de négocier. C’est Gianni Infantino, alors secrétaire général de l’organisme qui est à l’œuvre. Il propose finalement de passer l’éponge et de ne pas bloquer l’accès du PSG à l’épreuve européenne. Mais le club devra verser une indemnité de 60 millions d’euros.

Manchester City est dans le même cas. Son déficit estimé s’élève à 233 millions d’euros pour la période 2011-2013. L’actionnaire du groupe mancunien, les Émirats arabes unis, hausse le ton. Il dénonce une compétition qui pourrait se dérouler sans l’équipe anglaise et prévient qu’il est prêt à engager une cinquantaine d’avocats pour poursuivre la fédération durant dix ans. Résultat : sa peine est réduite à un débours de 20 millions d’euros.

Cette fois, c’est le Qatar qui se fâche. Pourquoi le PSG devrait-il payer une somme trois fois supérieure ? Gianni Infantino diminue donc la sanction au même montant exigé de Manchester City.

En avril 2014, le directeur juridique de l’UEFA explique cette clémence dans un document : «  Exclure de la Ligue des champions certains des plus gros clubs et des plus grands joueurs du monde ne serait pas bon pour le business : Il faut être raisonnable et essayer de trouver des solutions qui ne nuisent pas à la qualité de la compétition. Et il faut raisonnablement reconnaître à qui on a affaire. On parle de clubs (PSG et Manchester City) détenus par des États-nations, qui ne sont pas habitués à changer leur façon de faire du business pour respecter les règles d’une organisation de football comme l’UEFA.  » [25] Difficile d’être plus clair.

Mais la solution trouvée et négociée déplaît à d’autres acteurs majeurs du football. Ainsi, Karl-Heinz Rummenigge, réclame l’exclusion du PSG de la Ligue des champions. Javier Tebas, président de la fédération espagnole, dépose plainte contre le PSG pour violation du fair-play financier. Une nouvelle procédure est engagée.

La situation pourrait devenir inconfortable pour l’équipe parisienne. Le contrat avec le Qatar expire au 30 juin 2019. Les sponsors qataris devraient ne plus être comptabilisés qu’au niveau de 36 millions d’euros. Pour respecter les règles de l’UEFA et maintenir son statut actuel, le club devrait trouver 166 millions d’euros par an, soit un tiers de son budget [26]. Cela ne serait possible qu’en vendant Neymar ou Mbappe.

Comme on le voit, la bataille fait rage non derrière un ballon rond, mais sur le plan juridique et financier. Voilà l’état dans lequel se trouve le football moderne. La situation engendre une bulle financière sans fin. Chaque club est poussé par la concurrence à dépenser toujours davantage. Les salaires des meilleurs joueurs et entraîneurs grimpent de façon astronomique. Les droits de retransmission télévisée augmentent dangereusement, empêchant une bonne partie des chaînes, notamment publiques, de pouvoir disposer des images des matches les plus importants. Il n’y a pas de limite, si ce n’est la faillite de l’une ou l’autre équipe, ce qui arrive de plus en plus fréquemment.

Comme tout le monde, les instances professionnelles du football constatent l’évolution inquiétante. Dans une présentation confidentielle datée du 19 septembre 2017 (mais révélée par le consortium des journalistes), l’UEFA avoue que la tendance est de se diriger de façon quasi irréversible vers la domination des grands clubs européens. Selon elle, la part des recettes captée par les douze principales équipes est passée de 2010 à 2016 de 27 à 32%. La valeur des joueurs qui y évoluent a doublé en six ans, atteignant six milliards d’euros. Parmi les 250 footballers les mieux cotés, 61% appartiennent au top 13. Ces écuries disposent non seulement des talents les plus confirmés, mais également mettent le grappin sur les meilleurs jeunes. De ce fait, il y a pléthore de sportifs de qualité qui traînent sur les bancs des réservistes, ce qui affecte les compétitions, reconnaît le document.

Et il conclut de façon alarmante sur l’avenir du ballon rond : « Il a été académiquement et empiriquement prouvé qu’il existait un très haut niveau de corrélation entre l’argent dépensé et le fait de gagner. En d’autres termes, plus vous dépensez face à votre concurrent, plus vous avez de chances de gagner » [27]. Le problème est qu’à part cette observation, ni l’UEFA, ni la FIFA [28] ne tentent véritablement d’y remédier, comme on le remarquera plus loin.

 L’argent provocateur

Comme nous l’avons souligné précédemment, les clubs ne sont pas les acteurs qui profitent de manière pécuniaire des fonds investis dans le football. La plupart d’entre eux survivent difficilement, en tentant d’équilibrer leurs comptes. S’ils cherchent les moyens financiers, c’est pour acquérir des joueurs doués qui permettront de gagner des titres et ainsi attirer le public, la publicité, les sponsors, les télévisions, et les investisseurs dans une spirale sans fin.

Ces derniers ont parfois des projets cachés ou non avoués publiquement. Ainsi, il est clair que la prise de contrôle du PSG par le Qatar ou celle de Manchester City par les Émirats arabes unis ont pour but d’améliorer l’image de marque de ces États au niveau international. Dans le cas du premier, il s’agit aussi de garantir la tenue de la prochaine Coupe du monde à Doha en 2022, alors qu’elle est contestée de toutes parts.

Et si Dmitri Rybolovlev a acheté les deux tiers du capital de l’AS Monaco, c’est avant tout pour s’offrir une notoriété à bon prix. Il a d’ailleurs commencé par investir massivement dans l’acquisition d’une écurie de formule un. Ensuite, à partir de 2014, il change de pratique : le club devra vivre essentiellement de la vente de ses stars. Il utilise pour cela tout un réseau de contacts dans le milieu du football et de la principauté. Il est d’ailleurs poursuivi par la Justice monégasque pour corruption. Mais ces intérêts, certes importants et qui mobilisent des ressources considérables, ne sont pas les seuls en action.

Une première catégorie d’acteurs qui bénéficient de cette corne d’abondance financière sont les athlètes eux-mêmes. Ainsi, lors de la saison 2017-2018, Lionel Messi a gagné 126 millions d’euros bruts, Cristiano Ronaldo 94 millions et Neymar 81,5 millions [29]. Et l’entraîneur le mieux payé est sans surprise José Mourinho avec 26 millions d’euros, avant de se faire licencier de Manchester United juste avant les fêtes.

Mais, comme l’a montré l’affaire judiciaire belge impliquant des stars du ballon rond et des arbitres, ceux qui se remplissent les poches sont souvent les agents de joueurs. Les principaux amassent bien plus d’argent que Dejan Veljkovic et Mogi Bayat, impliqués dans des affaires de fraude fiscale et de matches truqués en Belgique… Ils n’en sont pas moins louches, utilisant des sociétés-écrans implantées dans des paradis fiscaux pour échapper à tout contrôle. Ils ont pour nom Pinhas (ou Pini) Zahavi, Jorge Mendes, Jonathan Barnett ou Mino Raiola et ne sont guère connus du public.

Le premier est israélien et a déjà 76 ans. C’est lui qui a organisé le transfert de Neymar de Barcelone au PSG. Pour cette opération, il a touché plus de 10 millions d’euros de commissions. Avant cela, il avait aidé Roman Abramovitch à prendre le contrôle de Chelsea. À travers un dédale de sociétés installées à Gibraltar, Malte, Chypre et les îles Vierges britanniques, il ne paie quasiment pas d’impôt. Il est installé à Londres, mais verse son écot sur ses revenus à Israël, car il a obtenu là-bas un arrangement fiscal sur mesure, dont on ignore la portée. Pourtant, selon ses propres dires, il ne passe pas plus de deux mois par an au Proche-Orient.

Son holding principal, Gol International, a son siège social à Gibraltar, où il ne paie aucun impôt sur ses bénéfices. En outre, les dirigeants de la firme sont des prête-noms fournis par Finsbury Trust, une société locale qui aide les investisseurs à s’installer sur le rocher.

Pinhas Zahavi est sûr de sa puissance, puisqu’il n’hésite pas à déclarer : «  J’ai fait les plus gros transferts de l’histoire du foot, nous lance-t-il. Il n’y a pas un gros deal dans le monde dans lequel je ne suis pas impliqué, aucun endroit dans le football international dans lequel je n’ai pas d’influence ou de pouvoir.  » [30]

Pourtant, il est impliqué en Belgique dans une affaire d’« escroquerie, faux et usage de faux », parce qu’il est accusé de diriger l’équipe de première division, le Royal Excel Mouscron, ce qui est interdit autant par les règles internationales que belges : un agent ne peut en aucun cas être propriétaire d’un club, car il y a clairement un conflit d’intérêts lorsqu’il doit négocier le contrat de joueurs.

Officiellement, Pinhas Zahavi s’est retiré de la direction en 2016. Dans un premier temps, c’est un fonds d’investissement maltais, Latimer, qui reprend les rênes pour la somme de 10 euros . Mais c’est le neveu Adar Zahavi qui le dirige et, à son conseil, on retrouve un autre neveu, Gil. En juin 2018, cette structure est remplacée par la société coréenne Bongo, appartenant au Thaïlandais Pairoj Piempongsant. Mais des courriels interceptés entre le « roi du transfert » et le numéro 2 de l’AS Monaco, Vadim Vasilyev, indiquent que c’est encore Zahavi qui administre en sous-main le pensionnaire de division 1 belge. La Justice pense également que Mouscron s’est rendu coupable d’avoir déposé de faux documents devant la cour belge d’arbitrage du sport [31].

L’Excel ne serait pas la seule équipe contrôlée par l’agent israélien. Il détiendrait également l’Apollon Limassol de Chypre. L’intérêt pour un tel acteur de détenir un club est de pouvoir y caser des joueurs sous contrat, de les faire évoluer et, dès lors, d’en augmenter le prix sur le marché. C’est pourquoi cette manière de réaliser des profits faciles est interdite. Mais cela ne rebute nullement les agents.

Jorge Mendes est un autre homme d’affaires du même acabit. Ce Portugais, d’abord vendeur de VHS, puis DJ et patron de boîtes de nuit se transforme en 1996, après l’arrêt Bosman, en négociant de joueurs à partir de sa société GestiFute. Il organise le transfert de Nuno Espirito Santo, gardien de but de Vitoria Guimarães (Portugal), vers le Deportivo La Corogne en Espagne. C’est le début d’une carrière fulgurante. Il s’acoquine avec les grands clubs et les célébrités comme Cristiano Ronaldo ou José Mourinho. Entre 2013 et 2016, il a fourni énormément de recrues pour l’AS Monaco, qui pouvaient acquérir du volume et de la notoriété. Ensuite, ceux-ci étaient revendus à prix d’or à des équipes plus huppées et plus riches. En 2016, le montant des transferts qu’il a organisés s’élève à 679 millions d’euros. Un record dans le monde du ballon rond ! Il en a perçu 68 millions en commissions, soit 10% du total des transactions.

Lui non plus ne paie guère d’impôts sur ses revenus. Il a installé sa société faîtière en 2012 à Amsterdam, Start BV, qui fonctionne suivant le droit néerlandais. Celui-ci permet de ne mentionner qu’un actionnaire comme responsable de la firme, en l’occurrence c’est celui de l’avocat. Ainsi, le nom de Jorge Mendes n’apparaît pas. Mais c’est bien lui qui en a le contrôle. Cette entreprise réalise des bénéfices, mais ne verse aucun dividende. En réalité, une filiale lui achète des actions pour le montant des profits enregistrés et transfère cet argent sur le compte de l’épouse, Sandra Mendes [32]. Sur les dividendes, il y a des taxes, mais pas sur les plus-values financières.

Néanmoins, ce mécanisme a été découvert par les fiscs de plusieurs pays (Portugal, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Irlande et Espagne). Ils ont constaté que la famille Mendes ne s’acquittait de ses impôts que sur ses salaires et non sur le reste, alors que ses compagnies étaient profitables. Il risque un redressement salé. C’est aussi Jorge Mendes qui avait programmé l’évasion fiscale de célébrités comme Cristiano Ronaldo, Angel Di Maria, José Mourinho, celles-ci ayant dû régler une ardoise importante après les révélations des Football Leaks en 2016.

L’agent portugais, lui aussi, mêle les genres et joue des conflits d’intérêts à son plus grand avantage. Ainsi, le groupe chinois Foyo a pris une participation dans GestiFute. En 2016, Fosun International rachète le club anglais de Wolverhampton Wanderers, qui se trouve en « deuxième division », mais qui gagne ce championnat pour monter l’année suivante en Premier League. Fosun International est une filiale de Fosun Holdings, dont le siège se trouve à Hong Kong. Cette dernière est contrôlée par Fosun International Holdings, installé dans les îles Vierges britanniques, un paradis fiscal. Les propriétaires en sont Guo Guangchang, Liang Xinjun et Wang Qunbin, qui en détiennent respectivement 64,45%, 24,44% et 11,11%. En réalité, Foyo est une filiale de Fosun [33]. Une firme est donc à la fois propriétaire d’une équipe et actionnaire d’une agence de joueurs. Il y a manifestement conflit d’intérêt, ce qui est interdit.

Mais Jorge Mendes en profite pour approvisionner les Wolves, le surnom du club (qui signifie les loups) en athlètes, surtout portugais, de son cru. En 2016, celui-ci recrute les ailiers droits Ivan Cavaleiro et Hélder Costa. Un an plus tard, il engage le milieu défensif et grand espoir portugais Ruben Neves, le milieu offensif Diego Jota, ainsi que l’entraîneur Nuno Espírito Santo, le premier transfert de Jorge Mendes (voir plus haut). Grâce à cela, l’équipe regagne la Premier League. Pour faire bonne figure dans cette compétition relevée, elle complète son écurie par l’arrivée du milieu créateur de jeu João Moutinho, du gardien de la sélection portugaise Rui Patrício et de l’attaquant Raúl Jiménez. Ce dernier est le seul qui n’est pas portugais – il est mexicain – et qui n’est pas sous contrat avec Jorge Mendes - c’est l’agence de publicité américaine Shine Entertainment Media, fondée par Dario Brignole, qui le conseille.

Cette confusion totale avec laquelle les agents jouent atteint un sommet lors du transfert de Paul Pogba en 2016 de la Juventus de Turin vers Manchester United. Le montant atteint à l’époque un record à 105 millions d’euros. Le négociateur est Mino Railola, un Néerlandais né en Italie. Il a dans ses cartons outre le milieu défensif de l’équipe de France, l’attaquant belge Romelu Lukaku, le milieu italien Marco Verratti, l’ancien du PSG Blaise Matuidi, le milieu arménien d’Arsenal Henrikh Mkhitaryan ou le fantasque attaquant italien Mario Balotelli.

Dans l’affaire Pogba, il a la particularité de représenter les trois parties. Il représente aussi bien pour le joueur que les clubs (la Juventus ou Manchester United), sans compter ses intérêts personnels. En principe, c’est interdit. Mais la fédération anglaise tolère ces cas, à condition que les parties soient bien au courant de cette triple représentation. Mais les documents récoltés par les journalistes révèlent que les Mancuniens ignoraient que Mino Raiola agissait aussi pour le compte des Turinois [34]. La FIFA a lancé une procédure d’enquête pour pénaliser la Juventus. Mais le comité de discipline a finalement rejeté l’affaire.

Dans la transaction, l’agent gagnait 18 millions d’euros si le transfert se réalisait à 90 millions et 3 millions supplémentaires chaque fois que le montant de l’achat augmentait de 5 millions. Il a donc reçu 27 millions des Italiens [35]. C’est bien davantage que les 5 ou 10% des commissions d’un tel acteur.

Un autre avantagé des différents contrats est le numéro deux de l’AS Monaco et homme de lige du patron, Vadim Vasilyev. En plus de son salaire, il touche une commission de 10% sur la vente des joueurs, véritables marchandises à valoriser dans ce monde du foot. Selon les relevés comptables du club, il a perçu des primes de 5,3 millions d’euros pour la saison 2015-2016 et de 5,4 millions pour la suivante. En outre, il bénéficiait également d’un intéressement sur les produits commerciaux (publicité, sponsoring, billetterie…) : 1% si les revenus étaient inférieurs à 50 millions, 2% s’ils étaient supérieurs. Pour l’année 2014-2015, cela représentait 1,8 million d’euros. En 2016, cette allocation a été supprimée au profit d’une hausse salariale d’un demi-million d’euros [36].En 2017, ce Russe d’origine acquiert la citoyenneté maltaise. L’île de la Méditerranée échange effectivement ses passeports contre de l’argent et des investissements. Le taux d’imposition des sociétés y défie toute concurrence dans l’Union européenne(5%) et cette nouvelle nationalité donne droit à tous les avantages d’un Européen : la liberté de circulation aussi bien des capitaux que des services ou des personnes [37]. Alors que l’AS Monaco se traîne dans les profondeurs du classement du championnat français en 2018-2019, les comptes financiers de Vadim Vasilyev se portent, eux, très bien.

La banque est un autre acteur qui tente de capter une partie de la manne financière du monde du football en se spécialisant dans les prêts à court terme aux clubs endettés. En effet, les rentrées d’un groupement sportif ne sont pas toujours régulières. En particulier, les prix des transferts sont souvent payés en plusieurs fois. Cela laisse les clubs avec des trous qu’il faut combler grâce aux fonds de banques dont c’est le métier et qui s’enrichissent grâce à cela. Bien entendu, plus la situation financière est difficile, plus le club fait appel à des crédits et plus ceux-ci deviennent chers, car plus risqués.

Une de ces banques est l’Internationale Bankhaus Bodensee (IBB), qui appartient au milliardaire allemand Reinhold Würth. Celle-ci a des liens étroits avec l’équipe d’Hambourg SV, connue pour « vivre au-dessus de ses moyens ». D’ailleurs, en 2018, cette dernière a terminé avant-dernière du championnat et a été reléguée en deuxième division. Les autres clients d’IBB sont le Borussia Dortmund, le FC Porto, le Benfica de Lisbonne, l’Olympiakos du Pirée et l’Atletico de Madrid.

En 2011, Manchester City acquiert l’attaquant argentin Sergio Agüero à l’Atletico de Madrid pour 36 millions d’euros. Le géant anglais paie de suite 12 millions et promet de verser le solde durant l’été 2013. Mais les Madrilènes ne peuvent pas attendre. Ils empruntent donc les 24 millions d’un fonds d’investissement basé aux îles Vierges britanniques, intitulé Mousehold. Le club espagnol a beaucoup de contrats de ce type liés à des paradis fiscaux. Outre IBB, l’Atletico emprunte aussi largement à deux fonds financiers, XXIII Capital, créé en 2014 et situé à Londres, et Score Capital, fondé par un ancien d’IBB, Stephan Schnippe, et basé à Munich.

En 2017, l’IBB a réalisé un bénéfice après impôt de 5,2 millions d’euros, stable par rapport aux années précédentes [38]. Store Capital, qui vient de se lancer aurait enregistré un profit de 207.000 euros. Quant à XXIII Capital, 2017 fut difficile avec une perte d’environ 4 millions d’euros.
Il y a moyen de gagner beaucoup d’argent dans le monde du football et certains ne s’en privent pas. Mais, généralement, pour cacher ces gains largement indécents dans un sport qui n’est qu’un jeu après tout, ils usent et abusent des paradis fiscaux où ils installent de nombreuses filiales pour échapper à la fois à l’impôt et à la transparence. Ils emploient de nombreux prête-noms qui mènent les opérations apparemment de façon indépendante. Ils soudoient les responsables, que ce soient ceux des États ou des fédérations sportives. Ils s’acoquinent avec tout le monde et, de ce fait, restent puissants et menaçants [39].

 Les gueules noires des mineurs

Un des marchés les plus juteux et l’un des plus scandaleux aussi est celui qui concerne les jeunes joueurs. Certains sont recrutés dès l’âge de douze ans, voire moins. Ils sont alors embrigadés dans des camps d’où il est difficile de sortir. En général, ces pratiques sont illégales. En effet, la plupart des fédérations nationales fixent l’âge où un footballer peut signer un contrat à quinze ans. La Belgique, où ce seuil était fixé à seize ans l’a abaissé, elle aussi à quinze ans pour éviter que ces talents ne fuient trop tôt.

Au niveau international, la FIFA réglemente la politique des transferts. Ceux-ci sont, en principe, interdits avant 18 ans. Mais il existe trois exceptions. Primo, les parents déménagent pour des raisons extérieures au football. Secundo, les ressortissants de l’Union européenne peuvent changer de club à partir de 16 ans, si les conditions de formation et d’hébergement sont respectées. Tertio, les changements frontaliers, c’est-à-dire de part et d’autre de 50 km de la frontière, sont permis, si les deux associations en cause sont d’accord. Enfin, ceux qui sont incorporés dans une académie doivent être notifiés à la FIFA.

Mais toutes ces conventions sont allègrement contournées régulièrement et les transferts de jeunes joueurs explosent littéralement (3.300 enregistrements pour 2017, le double du nombre de 2011 [40]). Ainsi, en 2015, le PSG recrute Kays Ruiz-Atil, âgé de douze ans à l’époque et venant du FC Barcelone. Celui-ci a été condamné par le tribunal sportif pour abus dans le mercato de jeunes sportifs. Il est interdit de transactions pour deux saisons et doit se séparer de ces recrues. Pour contourner la règle qui veut qu’un jeune ne change de club que si ses parents déménagent, la direction parisienne offre un emploi peu défini à son père : il sera recruteur [41].

Mais l’équipe qui utilise le plus ces méthodes pour justifier des transferts de jeunes est l’Atlético de Madrid. Entre 2013 et 2017, il a opéré 52 transferts de mineurs, soit plus de dix par saison. La FIFA a constaté de nombreux abus, 65 infractions aux règles sportives : 27 avaient moins de douze ans, l’un d’entre eux 6 ans seulement et tous quasiment venaient du tiers-monde. L’instance mondiale du football a donc décidé de pénaliser l’Atlético d’interdiction de mercato pendant deux ans et une amende de 480.000 euros. Dans ses jugements, elle a déclaré que «  les intentions du club n’étaient pas seulement philanthropiques, mais dénotaient un intérêt financier et sportif  » et que l’équipe a «  de façon répétée placé ses propres intérêts devant celui des mineurs  » [42].

Toutes les fédérations sont épinglées et risquent des sanctions. L’une d’elles s’illustre : la fédération belge. Entre 2010 et 2015, la FIFA y a rejeté 71 demandes de transferts internationaux de jeunes joueurs. Dans quarante cas, la raison était le déménagement des parents. Mais il s’avère que c’était faux. Les autorités du football demandent des sanctions contre la fédération belge et contre trois clubs : Anderlecht, Zulte-Waregem et l’Antwerp. L’équipe bruxelloise est dans le collimateur de la Justice sportive pour plusieurs cas douteux. Pour l’un d’entre eux, le Népalais Bimar Magar, la direction a déclaré ne pas le connaître, alors qu’il avait joué pour leur équipe des moins de dix-sept ans lors d’un tournoi [43].

Une autre manière de procéder est de créer une académie sportive, où des mineurs sont engagés, formés pour espérer un jour évoluer au plus haut niveau du football. C’est le cas de la Right to Dream Academy (académie du droit de rêver en français), dirigée par Tom Vernon et financée par Manchester City. Située au Ghana, elle vise à repérer et embaucher les futures stars de l’Afrique de l’Ouest. Mais une telle initiative aboutit à beaucoup de désillusion d’un point sportif : seuls deux jeunes sur une promotion de dix-huit peuvent espérer atteindre l’élite.

Le contrat établi en 2010 pour dix ans assure aux Citizens [44], le surnom de l’équipe mancunienne, l’exclusivité du recrutement du joueur (ce qui est de nouveau, en principe, illégal [45]). Manchester City finance la formation de ces jeunes par le biais d’une société basée aux îles Vierges britanniques, Africa Sports Management (ASM), et via le compte d’une banque installée aux îles Caïmans. On se retrouve à nouveau confronté aux paradis fiscaux. L’académie qui reçoit cet argent ne paie pas d’impôts non plus, car elle destine ces fonds à ses activités. Elle ne distribue pas de dividende.

Le premier joueur à être sorti de l’académie est le Ghanéen Mohammed Abu. Il ne peut pas évoluer pour Manchester, qui a recruté des pointures internationales pour remporter des trophées. Il est donc prêté à d’autres clubs, de préférence à l’étranger. Il passe en Allemagne, France, Espagne, Danemark et Norvège. Au total, huit équipes différentes pour rester la plupart du temps sur le banc et aboutir à Vålerenga, le groupe sportif de la capitale norvégienne Oslo.

En fait, cet exemple révèle le sort de ces athlètes. Ils sont préparés pour l’élite mancunienne. Mais, quand ils y arrivent, ils sont trop jeunes, pas assez aguerris. Ils sont donc prêtés à d’autres associations, mais souvent ne jouent pas. Ils passent donc de club en club, toujours en contrat avec Manchester. Finalement, de guerre lasse, ils sont vendus à une autre équipe, de préférence avec profit. Ou alors ils atterrissent au FC Nordsjaelland, propriété de Tom Vernon via la société Pathways Group. Cette équipe de première division danoise dispose ainsi pour la saison 2018-2019 de cinq Ghanéens pour renforcer l’effectif composé en majorité d’autochtones. Jusqu’à présent, aucun pensionnaire de l’académie n’a joué la moindre minute pour Manchester City [46].

Un document interne émanant de celui-ci souligne le caractère lucratif de ce commerce de mineurs : « Les 30 millions de livres investis de 2012 à 2016 en ont rapporté 34, avec une valeur sur le marché de 76 millions de livres, qui pourrait à terme atteindre 151 millions de livres, soit cinq fois la mise de départ.  ». Il ajoute : «  Nous envisageons d’investir 48 millions de livres sur dix ans, soit 60 millions d’euros en 2016, pour un retour sur investissement de 24 % concernant le développement et la vente de 130 joueurs.  » [47]

En outre, de nombreux jeunes de l’académie se plaignent des mauvais traitements qu’ils subissent au sein de Right to Dream : des coups, des privations, des châtiments corporels, des humiliations, des pressions psychologiques… Les enfants sont enlevés à leurs parents dès l’âge de dix ou douze ans. Mais ils acceptent cette situation. Ils y voient l’occasion d’aider leur famille et d’essayer de les sortir de leurs conditions misérables. La discipline est spartiate, avec des horaires rigides et fixes. Toute infraction est punie sévèrement : se tenir agenouillé, tête inclinée, durant deux à trois heures, sous un soleil de plomb ; ou tenir le long d’un mur les genoux pliés durant des heures ; ou encore, réveil au milieu de la nuit pour courir pendant quasiment 120 minutes. Le catalogue des supplices est vaste et montre une forme d’esclavage moderne tout à fait inacceptable.

Mais Right to Dream et Manchester City ne sont pas les seuls sur la sellette. Le Qatar a fondé une institution à Saly au Sénégal pour attirer les jeunes joueurs prometteurs de la région. C’est l’académie Aspire. Elle fait signer des contrats de quatre ans aux mineurs, ce qui est interdit par la FIFA, car trop long. Mais le tribunal du sport ne peut poursuivre, car Aspire n’appartient à aucune fédération sportive.

Ensuite, les recrues sont acheminées principalement à l’AS Eupen, mais aussi au Lask Linz en Autriche et au Cultural y Deportiva Leonesa en troisième division espagnole. La particularité de ces équipes est d’avoir toutes été rachetées par l’Aspire Zone Foundation [48] : Eupen en 2012, Linz et le club de Leon en 2015. C’est une manière de placer les jeunes recrues arrivées à maturité.

Le directeur sportif de l’académie ne s’en cache pas : «  Nous souhaitons permettre aux jeunes talents, issus de 14 pays et de 3 continents, formés au sein de l’Académie Aspire d’évoluer au sein d’un club. Et nous avons choisi l’AS Eupen  ». [49] Il faut préciser qu’alors ce dernier, en seconde division, est au bord de la faillite. Les Qataris le rachètent pour quatre millions d’euros. En 2016, Eupen remonte en première division, grâce à une quarantaine de joueurs venant des centres du Qatar ou du Sénégal. Les propriétaires injectent de nouveau 5 millions pour maintenir l’équipe au sein de l’élite. Actuellement, six jeunes venant d’Aspire évoluent à l’AS Eupen.

Le symbole de cette pratique est le Nigérian Henry Onyekuru. Né en 1997, il entre à l’académie qatarie en 2010. En 2015, il obtient un contrat à Eupen. Il y joue deux saisons, inscrivant au total 28 buts. Cela attire les regards d’un géant de la Premier League, Everton. Son transfert en 2017 coûte au club de Liverpool quelque 8 millions d’euros. Mais, au lieu de l’intégrer dans la sélection anglaise, les dirigeants prêtent l’Africain à Anderlecht, où il marque à 19 reprises. Puis, en 2018, il s’en va, toujours en prêt, au Galatasaray, un des groupes sportifs majeurs d’Istanbul.

L’AS Monaco est un autre lieu de ces marchandages de jeunes recrues au profit des investisseurs et des agents. Après avoir dépensé des montants considérables, le nouveau propriétaire russe, Dmitri Rybolovlev, décide de s’engager dans une autre forme de business : acheter des joueurs dont on fera monter la cote pour les revendre plus cher. Pour les mineurs, l’équipe utilise un compte particulier intitulé « Tableau de suivi des joueurs à venir ». Pour chaque recrue, il y est inscrit le montant de ce qu’il a coûté, avec l’espoir évidemment de pouvoir les recéder avec une marge.

Il faut surtout se débarrasser de ceux qui prennent de l’âge et qui ont peu de chance d’entrer dans la sélection : ils prennent de la place. Dans un mail, Nicolas Holveck, directeur adjoint de l’AS Monaco, explique la nouvelle stratégie : «  Primo, il faut certainement moins de jeunes au centre et ne faire que de l’élite (recrutement plus élitiste, on ne doit prendre que les meilleurs). Secundo, il faut se séparer des joueurs dès qu’on sait qu’ils sont en échec pour Monaco, c’est-à-dire incapables de rejoindre l’équipe première. Comment ? On peut soit les résilier (plus cher), soit les céder à des clubs plus faibles. Il ajoute : Je ne sais pas si je suis assez clair.  » [50]

Au PSG, ce n’est pas tellement mieux. Les recruteurs doivent choisir les futurs talents sur une base ethnique. Ils doivent remplir une fiche dont une demande est de définir l’origine du joueur. Ils ont la possibilité de cocher une des quatre cases suivantes : « Français », « Maghrébin », « Antillais » ou « Afrique noire » [51]. Rappelons qu’en principe ils sont tous de nationalité française. C’est, en outre, totalement illégal. La direction tente d’expliquer que c’est une situation particulière, arrêtée depuis lors. Mais il s’avère que c’est, au contraire, généralisé [52]. Il s’agirait de ne pas avoir trop de « noirs » dans les équipes de jeunes, même au risque de voir s’échapper d’authentiques dons au profit de clubs rivaux. Plainte a été déposée devant le parquet de Paris pour discrimination raciale.

 FIFA : cacher cette corruption que je ne saurais voir

Que font les instances sportives face à une situation qu’elles ne peuvent ignorer ? En 2016, la FIFA a été frappée par une gigantesque affaire de pots-de-vin et d’opérations frauduleuses en tout genre, qui ont amené à la démission aussi bien le président, Sepp Blatter, que celui de l’UEFA, Michel Platini. Le successeur, le Suisse Gianni Infantino, avait promis à l’époque de nettoyer à fond les écuries d’Augias et de redorer le blason du football mondial. Mais qu’en est-il ?

Rappelons que le nouveau patron de l’instance internationale a été celui qui a négocié les peines adoucies des équipes qui avaient contrevenu au « fair-play financier », lorsqu’il était le secrétaire général de l’UEFA. Il a passé l’éponge sur les 2,5 milliards d’euros apportés par Abu Dhabi à Manchester City, le 1,8 milliard du Qatar au PSG, le 1,65 milliard investi dans les clubs russes et d’autres cas comme celui de l’AS Monaco ou l’Inter de Milan. On estime que 6 milliards d’euros auraient été ainsi blanchis par l’UEFA [53].

Cette clémence est d’autant plus scandaleuse que d’autres équipes ont été pénalisées pour des infractions bien moindres. Ainsi, dès 2013, le Partizan de Belgrade a été exclu un an des compétitions européennes pour des dettes vis-à-vis de groupes sportifs et de l’administration serbe pour un montant de deux millions d’euros. En 2012, l’UEFA a poursuivi huit associations roumaines pour des impayés allant de quelques centaines de milliers d’euros à 2,6 millions. Trois d’entre elles ont été interdites de la ligue Europa. La même année, à cause de dépenses fabuleuses financées par le nouveau propriétaire, le cheik qatari Abdallah Al Thani, Malaga est suspendu des épreuves européennes de 2013 à 2017 et doit payer une amende de 300.000 euros. De même, l’Étoile rouge de Belgrade a dû renoncer à la Champion’s League de 2014-2015 pour mauvaise situation financière. Pourquoi ce « deux poids, deux mesures » ?

La politique d’Infantino, aussitôt arrivé au sommet des instances internationales, est de nommer des personnes de confiance qui ne lui feront pas trop de vague. Il en est ainsi de la nouvelle secrétaire générale, Fatima Samouta. Cette Sénégalaise a fait partie de nombreuses institutions dépendant de l’ONU, notamment pour le programme alimentaire, mais n’avait aucune expérience dans le football, ne connaissait rien à la FIFA, ni aux droits de retransmission télévisée. Elle a été choisie en 2016 pour remplacer Jérôme Valcker, démis de ses fonctions un an plus tôt pour soupçon de corruption dans la vente des tickets pour la Coupe du monde 2014.

Gianni Infantino a justifié cette sélection en affirmant : «  Elle apportera un vent nouveau à la FIFA - une personne de l’extérieur  » [54]. Aujourd’hui, elle ose prétendre, en se comparant au président : «  Je suis n°1 à la FIFA et exerce une plus grande influence que lui.  » [55] Ce dont tout le monde doute.

Plus symptomatique encore : la nomination de María Claudia Rojas à la tête du comité d’éthique en mai 2017. Elle remplace le Suisse Cornel Borbély, un spécialiste du crime en col blanc. Ce dernier, avec l’aide du juge Hans-Joachim Eckert, avait œuvré pour faire tomber Sepp Blatter et Michel Platini. Ils préparaient un dossier contre Infantino [56]. Dehors les gêneurs ! Cornel Borbély apprend son éviction dans un avion à destination du Bahreïn.

Place à la nouvelle présidente, ancienne juge administrative colombienne, qui n’a aucune expérience dans les investigations . Elle a été proposée par le président de la fédération colombienne de football, Ramón Jesurún, qui est impliqué dans une affaire de vente illégale de tickets à la Coupe du monde. Elle est également proche de l’ancien titulaire de ce poste à la ligue colombienne, Luis Bedoya, radié à vie du monde du ballon rond pour racket et enrichissement personnel. Elle a été présentée comme une « super-amie » par son parrain et son entretien d’embauche n’a duré que quinze minutes, dénotant que l’affaire était dans le sac depuis le début.

Les commentaires vont bon train depuis son entrée en fonction : « Depuis que Maria Claudia Rojas est à son poste, plus aucune affaire visible ne vise un membre important de la FIFA, déclare un initié. La quantité et la qualité des enquêtes ont nettement diminué.  » [57]

Le meilleur exemple en est le cas du dopage des athlètes russes. À la suite des affaires durant les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en 2014, le juge canadien Richard McLaren propose de mener une enquête comparable avant la Coupe du monde de football de 2018, qui doit se dérouler aussi en Russie. Il a de l’expérience, puisque suite aux révélations de la télévision allemande ARD, il a été mandaté par l’Agence mondiale antidopage (AMA) pour découvrir ce qui s’était passé. En 2016, il dépose deux rapports, montrant que des centaines d’athlètes avaient falsifié leurs tests et échangé leurs fioles de sang et d’urine, sous la supervision du gouvernement et du FSB [58], les services secrets russes. Il veut pouvoir assurer la netteté de l’épreuve à venir, avant qu’elle ne se déroule.

Une fois nommée, María Claudia Rojas se déclare enchantée de cette initiative, mais ne convoque pas l’enquêteur pour définir l’ampleur des investigations, le cadre dans lequel elles devraient être conduites, la méthodologie qui sera employée, etc. Richard McLaren a beau relancer la nouvelle présidente du comité d’éthique, il ne reçoit plus de réponses ou alors des courriers évasifs ou des rendez-vous annulés à la dernière minute. Le temps presse, car on est déjà début 2018. Les preuves risquent de disparaître.

Or, un rapport de la fédération russe de football montre des cas de dopage, notamment de onze joueurs dont deux participent à la sélection nationale, le défenseur Sergei Ignashevich et l’arrière droit brésilien naturalisé Mário Fernandes, qui évoluent tous les deux au CSKA Moscou. Mais les instructions de la FIFA sont claires : on ne fâche pas les organisateurs et surtout pas la toute-puissante Gazprom, partenaire officiel de la FIFA, de la Coupe du monde en Russie, mais aussi de la Champion’s League.

Finalement, le 22 janvier, un contact téléphonique est pris. Il ne dure que dix minutes pendant lesquelles l’ancienne juge colombienne confirme qu’elle compte toujours sur les compétences de l’enquêteur. Mais trois jours plus tard, elle fait appel à l’AMA pour désigner trois sociétés indépendantes pour mener les investigations. En même temps, elle finit par avouer à McLaren qu’il ne frappe pas à la bonne porte : ce n’est pas le comité d’éthique qui s’occupe de l’affaire, mais l’unité antidopage, qui est sous le contrôle intégral de la FIFA. Il n’y aura donc pas de contrat avec le spécialiste.

Le 22 mai 2018, la FIFA publie un communiqué dans lequel elle indique qu’aucune preuve suffisante n’a montré des cas avérés de dopage dans le football russe : tous les résultats des tests ont été négatifs et il n’y a pas eu d’échanges de flacons ou autres falsifications. Le dossier est classé sans suite. La Coupe du monde peut se dérouler sans problème. Et la Russie a pu s’y illustrer de surprenante manière.

Il y a, enfin, l’affaire du choix de la prochaine Coupe du monde qui devrait se dérouler au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022. Tout indique que le choix a été obtenu grâce à des votes achetés. Notamment, c’était la première fois que deux épreuves internationales avaient été sélectionnées en même temps, celle de 2018 et de 2022. Tout porte à croire que Russes et Qatari se sont entendus pour obtenir les suffrages à leur avantage respectif.

La décision est manifestement une ineptie pour n’importe quel amateur de football. Le Qatar est classé 93e pays dans l’ordre – très discutable, certes – des meilleures nations du monde institué par la FIFA. Il a extrêmement peu de chance de se qualifier pour la compétition par ses propres moyens sportifs. Il pratique donc une politique de naturalisation précoce pour se constituer une équipe un peu compétitive, à tel point que les instances du football ont dû la ramener à la raison et aux règles de ne pas accorder un tel avantage avant les cinq ans pendant lesquels un joueur évolue dans le pays.

La température et le climat sont un autre obstacle. En été, le moment habituel de l’épreuve, la chaleur peut être étouffante, atteignant les 50°, sans goutte d’eau aux alentours. C’est pourquoi les organisateurs ont prévu, pour la première fois de l’histoire, de déplacer la Coupe du monde à la fin de l’automne, en novembre et décembre, lorsqu’il peut faire encore 30°. Mais cela va affecter toutes les autres compétitions et notamment les différents championnats en Europe, qui seront inévitablement interrompus durant cette période.

Pour rendre respirables les matches, les Qataris construisent d’immenses stades complètement couverts, au mépris de nombreuses considérations écologiques. Pour cela, ils font travailler des travailleurs migrants, venant souvent d’Asie du Sud, sans droit quasiment et sans protection élémentaire contre les accidents.

Le choix du Qatar pour 2022 est donc une infraction manifeste aux règles et à la morale sportive, environnementale et sociale. Cela n’empêche pas la FIFA de poursuivre les préparatifs et d’enterrer toute contestation possible à ce grand événement. Son président s’est empressé de déclarer lors de la fin de l’épreuve à Moscou : «  Nous sommes tombés amoureux de la Russie. Je suis sûr que nous aimerons aussi le Qatar  » [59].

La politique d’Infantino est surtout de ne pas faire de vagues qui pourraient remettre en cause sa réélection possible en juin 2019. Il envisage de verser 1,4 milliard de dollars aux associations nationales, soit bien plus que ce que Sepp Blatter provisionnait. L’affairisme dénoncé de l’ère de l’ancien président déchu est loin d’avoir disparu. Un membre de la FIFA décrit d’ailleurs ainsi le système de Gianni Infantino : «  Placer des gens […] qui lui sont redevables et donc faciles à contrôler. Des béni-oui-oui. Le tout dans un climat de peur et de silence.  » [60].

 Illustration parfaite de ce qu’est le capitalisme

Ce que révèle le consortium de journalistes n’est pas en soi étonnant. Mais ils apportent les preuves de ce que beaucoup subodoraient depuis longtemps : l’argent est roi dans le football et, loin de réguler ou de freiner cette tendance, les instances internationales s’en accommodent et ferment la plupart du temps les yeux, voire empochent de juteuses commissions. La démission forcée de l’ancien « parrain » Sepp Blatter n’a rien changé fondamentalement.

Les révélations fournies régulièrement pendant plus d’un mois par le consortium n’ont guère ému le monde du ballon rond. Il a juste attendu que cela se termine et qu’on passe enfin à autre chose. «  Il ne faut pas casser le jouet  »«  Silence, on joue  » [61]. Il y a trop d’intérêts en jeu : des acteurs comme les agents de joueurs qui s’enrichissent, des affaires de corruption qui peuvent même ébranler des États comme la Principauté de Monaco et qui sont souvent généralisées. Un responsable véreux est découvert. Il est immédiatement remplacé par un autre, dont les pratiques ne sont pas plus reluisantes.

En fait, le football est une bonne illustration de ce qu’est le capitalisme aujourd’hui : une affaire de pouvoir et d’argent, où l’éthique n’a guère de rôle à jouer, où les plus forts écrasent les plus faibles, où les exclus sont nombreux à rester au bord du chemin, où les rares rêves n’arrivent plus à cacher les nombreux cauchemars qu’ils provoquent…

Le football devrait être l’univers de l’enchantement, où un artiste jongle avec la balle, une combinaison bien orchestrée arrive au but, suscitant l’émerveillement du public, une parade de gardien surprend les spécialistes par son efficacité et son élégance… Mais ces arbres, en fait, dissimulent la forêt, celle peu brillante où sévissent les voleurs, les escrocs, les corrupteurs et les corrompus…

C’est ce qui a d’ailleurs incité le dénonciateur à transmettre toutes ces données aux journalistes du consortium. Se sentant traqué, il désire conserver l’anonymat et les enquêteurs ont décidé de l’appeler John. Sa condamnation des instances du ballon rond est sans appel : «  Nous nous heurtons à l’une des plus puissantes mafias du monde. Les pots-de-vin, la corruption ou le trafic d’influence sont des activités quotidiennes dans le secteur du football. Certains politiciens et fonctionnaires de police corrompus souhaitent également protéger l’establishment et peuvent déplacer des montagnes pour réussir. Par exemple, plusieurs agences de renseignement privées ont été embauchées pour tenter de retrouver quiconque est impliqué dans Football Leaks. Dans certains cas, ils collaborent directement avec des policiers corrompus, et nous disposons de preuves concrètes à ce sujet.  » [62].

Il est désabusé et aspire à un renouveau de son sport favori, sans toutes ces collusions et pratiques mafieuses. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel décrit ce que ressent le lanceur d’alerte : «  Enfant, John a appris à aimer le football. Il est troublé par le fait que ce sport est devenu une simple activité commerciale et de divertissement. John se dit dégoûté par tout ce que l’argent a fait pour le football, par toute la corruption et les discussions sur l’évasion fiscale, et par les nombreuses transactions sales conclues entre consultants, joueurs et officiels.  » [63]. On ne peut que le comprendre et partager ses sentiments.

 

 

Henri Houben, "Quelque chose de pourri au royaume du football" janvier 2019, texte disponible à l’adresse :
[http://www.gresea.be/Quelque-chose-de-pourri-au-royaume-du-Football]

 

[1C’est lui qui anime l’émission « The Match of the Day », le samedi soir.

[2En France, c’est Mediapart qui a participé à l’enquête. En Allemagne, le maître d’œuvre, ainsi que de toute la campagne, est Der Spiegel. Aux Pays-Bas, c’est NRC Handelsblad{}.

[3252 milliards avec les bonus.

[4L’autre est l’Inter (pour FC Internazionale Milano).

[5Ces trois joueurs ont participé activement au seul titre remporté par les Pays-Bas à ce jour, l’Euro 88 disputé en Allemagne.

[6En français, la Ligue des champions de l’UEFA, cette dernière étant le nom de la fédération européenne de football. On utilise habituellement l’appellation anglaise, même en français.

[7La division élite d’Angleterre.

[8The Economist, 30 mai 20% l’an.02.

[9Union des associations européennes de football.

[10L’Écho, 6 décembre 2016. Anderlecht a gagné deux coupes des vainqueurs de coupe (1976 et 1978) et une coupe UEFA (1983). Malines a remporté une coupe des vainqueurs de coupe (1988). La coupe des vainqueurs de coupe a été supprimée dès 2000.

[11À l’origine, l’AC Milan, Chelsea et Manchester United en faisaient également partie. Mais, au bout d’un temps, ceux-ci n’ont plus été conviés aux réunions.

[12Selon le sigle anglais : European Club Association. Il y a officiellement 232 membres, 109 ordinaires et 123 associés. Mais ce sont les plus grands clubs qui gèrent l’association.

[13Il en est le président.

[14Yann Philippin, « Un cartel secret des plus gros clubs européens a plumé le foot français », Mediapart, 3 novembre 2018.

[15Der Spiegel, 2 novembre 2018.

[16Karl-Heinz Rummenigge a été président de l’ECA de 2008 à 2017. Son successeur n’est autre que le patron de la Juventus de Turin, Andrea Agnelli, dont la famille contrôle Fiat.

[17Der Spiegel, 2 novembre 2018.

[18Yann Philippin, op. cit.

[19Der Spiegel, 5 novembre 2018.

[20Yann Philippin, « Nicolas Sarkozy et le cadeau à Manchester City », Mediapart, 2 novembre 2018.

[21Yann Philippin et Donatien Huet, « Dopage financier : la bombe atomique de l’AS Monaco », Mediapart, 5 novembre 2018.

[22Après un match à domicile le 27 octobre 2018 contre West Ham se terminant par un partage, ce patron a pris son hélicoptère personnel avec trois autres personnes. Celui-ci a pu à peine décoller qu’il s’est écrasé au sol, provoquant la mort des quatre passages et celle du pilote. En 2017, cette cinquième fortune thaïlandaise avait racheté le club belge Oud-Heverlee Leuven (OHL), qui évolue actuellement en deuxième division (ou première division 1B selon l’appellation farfelue des instances belges de football).

[23Avec les bonus et commissions supplémentaires, les montants passent à 252 millions pour Neymar et 180 millions pour Mbappe, soit 432 millions pour les deux.

[24Yann Philippin et Donatien Huet, « Dopage financier : Platini et Infantino ont couvert la fraude du PSG », Mediapart, 2 novembre 2018.

[25Yann Philippin et Donatien Huet, op. cit.

[26Yann Philippin, « Le cauchemar financier du PSG », Mediapart, 22 décembre 2018.

[27Yann Philippin, « L’UEFA discréditée, le football en péril », Mediapart, 8 novembre 2018.

[28Fédération internationale de football association, qui chapeaute le monde du foot. Elle est composée de six confédérations, une par continent : l’AFC pour l’Asie, l’UEFA pour l’Europe, la CAF pour l’Afrique, la CONMEBOL pour l’Amérique du Sud, l’OFC pour l’Océanie, la CONCACAF pour l’Amérique du Nord, l’Amérique Centrale et les Caraïbes.

[29Selon les données de France Football, 24 avril 2018.

[30Yann Philippin et Daniel Dolev, « Neymar et les dribbles fiscaux de l’agent Pini Zahavi », Mediapart, 9 novembre 2018.

[31L’Écho, 15 novembre 2018.

[32Yann Philippin, Donatien Huet et le consortium des journalistes (EIC pour European Investigative Collaborations ou Collaborations européennes d’investigation en français), « La combine fiscale à 67 millions du super agent Jorge Mendes », Mediapart, 20 novembre 2018.

[33Der Spiegel, 22 novembre 2018.

[34Der Spiegel, 21 novembre 2018.

[3518 millions auxquels on ajoute trois fois 3 millions, puisque la somme finale s’est établie à 105 millions, soit 90 plus trois fois cinq millions.

[36Antton Rouget et Michel Henry, « Vadim Vasilyev, le monsieur 10% de l’AS Monaco », Mediapart, 20 novembre 2018.

[37Du moins ce genre de personnes.

[38IBB, Pressemitteilung zur Bilanz-Pressekonferenz für das Geschäftsjahr 2017 : https://www.ibb-ag.com/aktuelles/pressemitteilung-geschaeftsbericht/.

[39Ainsi, au journaliste du consortium venu l’interroger à Tel-Aviv, le 10 octobre 2018, à propos des commissions sur le transfert de Neymar au PSG, Pinhas Zahavi lance : « Si vous publiez ne serait-ce qu’un seul mot, je vous ferai le plus grand procès de l’Histoire  »{} (Yann Philippin et Daniel Dolev, op. cit.).

[40Michel Henry, « Le marché mondial des footballeurs mineurs : horreur et hypocrisie », Mediapart, 13 novembre 2018.

[41Michel Henry, « Le fils, le père et le maire : l’improbable recrutement d’un futur Messi au PSG », Mediapart, 8 novembre 2018.

[42Michel Henry, « Le marché mondial des footballeurs mineurs : horreur et hypocrisie », op. cit.

[43Michel Henry, « Le marché mondial des footballeurs mineurs : horreur et hypocrisie », op. cit.

[44Cela signifie citoyens en français.

[45Un joueur, surtout mineur, doit pouvoir choisir le club où il veut évoluer et négocier le contrat en son nom.

[46Der Spiegel, 9 novembre 2018.

[47Michel Henry (avec l’EIC), « Les joueurs mineurs africains ? Une gestion d’actifs pour Manchester City », Mediapart, 10 novembre 2018.

[48L’académie Aspire est située dans la zone Aspire à Doha, dans le district Al Waab. Elle dispose aussi d’installations et d’un centre au Sénégal.

[497 sur 7{}, 6 juin 2012.

[50Michel Henry, « Le trouble jeu de l’AS Monaco avec les joueurs mineurs », Mediapart, 13 novembre 2018.

[51Michaël Hajdenberg, « Le PSG a fiché et recruté des joueurs selon leur origine ethnique », Mediapart, 8 novembre 2018.

[52Michaël Hajdenberg, « Au PSG, le fichage ethnique était généralisé pour recruter », Mediapart, 15 novembre 2018.

[53Yann Philippin, « L’UEFA discréditée, le football en péril », Mediapart, 8 novembre 2018.

[54The New York Times{}, 13 mai 2016.

[55Der Spiegel, 2 novembre 2018.

[56Yann Philippin et l’EIC, « La Fifa a étouffé l’enquête sur le dopage russe en vue du Mondial », Mediapart, 23 novembre 2018.

[57Michaël Hajdenberg et l’EIC, « Les dossiers noirs du nouveau président de la FIFA », Mediapart, 2 novembre 2018.

[58Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie.

[59FIFA, « De Russie 2018 à Qatar 2022 », 15 juillet 2018 : https://fr.fifa.com/worldcup/news/de-russie-2018-a-qatar-2022-2986121.

[60Michaël Hajdenberg et l’EIC, op. cit.

[61Michaël Hajdenberg et Yann Philippin, « Le monde du football se déballonne », Mediapart, 3 décembre 2018.

[62Fabrice Arfi, Yann Philippin, Antton Rouget et Michel Henry, « Football Leaks, saison 2 : un raz-de-marée sur la planète foot », Mediapart, 2 novembre 2018.

[63Der Spiegel, 2 novembre 2018.



08/03/2019
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