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suzanne et le « Mar’aa Ton » égyptien


   
  Le « Mar’aa Ton » égyptien
   

   
  En septembre de l’an 490 (avant J.C.), il y a eu la célèbre bataille de
Marathon entre les Athéniens et les Perses. Un violent combat avait opposé les
deux armées sur la plaine de Marathon, au nord-est d’Athènes. Les Athéniens ont
remporté une victoire (militaire) écrasantes.
  
  La joie de Philippidès, un officier grecs, l’a conduit à un comportement
bizarre. Ce dernier a couru de Marathon à Athènes (36 km) sans s’arrêter. À son
arrivée, il a annoncé la nouvelle de la victoire à ses compatriotes avant de
s’écrouler, mort de fatigue. Le souvenir de cet officier est resté dans la
mémoire collective avant que les Jeux Olympiques ne le remettent au goût du
jour, au 19ème siècle. Aujourd’hui, le terme « marathon » est utilisé pour
désigner les courses et les marches longues.
  
  Ces faits ne sont pas bien compliquées à trouver. Mais ceux qui ont organisé
la course du « Mar’aa (femme !) Ton », la semaine dernière au Stade du Caire
étaient visiblement pressés. Comme ils ne savent rien du marathon, ils ont pensé
que c’était un mot composé.
  
  Ainsi ils ont mis « Mar’aa » (femme) dans la première partie pour que cela
fasse bon genre. Après tout, la compétition se déroulait sous le haut patronage
de Suzanne Moubarak.
  
  En vérité, l’idée même de cette course est aussi bizarre qu’incompréhensible.
Les Égyptiens furent surpris par l’annonce dans laquelle on leur expliquait que
la Première dame parrainait une compétition dont le but est de généraliser la
culture de la santé chez les femmes égyptiennes pour que ces dernières restent
sveltes.
  
  Les hypocrites ont évidemment rivalisé pour pondre des poèmes à la gloire de
la Première dame. Les journaux écrits ont ensuite publié des photos de femmes de
bonne société portant des lunettes de soleil à la mode, dont le prix suffirait à
nourrir une famille égyptienne de cinq individus pendant tout un mois.
  
  Enthousiastes, les élégantes femmes ont entouré Mme Moubarak et se sont
élancées pour faire une marche rapide captée par les caméras des télévisons
locales et étrangères.
  
  En même temps, des millions d’Égyptiens se sont posés ces questions : Que
signifie ce « Mar’aa Ton » ? À quoi sert-il ? Qui en profite ? La bonne forme de
millions d’Égyptiennes sera-t-elle réalisée lorsque quelques dames font de la
marche aux côtés de Mme Suzanne Moubarak ? Est-ce adéquat d’évoquer des
questions de régime amincissent dans un pays où la moitié de la population vit
en dessous du seuil de pauvreté ? Si Mme Moubarak s’intéressait vraiment aux
femmes, ne serait-elle pas mieux inspirée de s’occuper des veuves des victimes
des navires de la mort, des trains brûlés et des familles de ceux qui sont
emprisonnés depuis de nombreuses années ?
  
  Pourquoi la Première dame n’irait-elle pas à « Kalaat Al Kabch » et dans
d’autres bidonvilles ? Pourquoi ne rencontrait-elle pas les employés qui
occupent leurs lieux de travail, dans la plupart des villes égyptiennes, après
qu’on les ai viré, appauvri et « clauchardisé » ?
  
  Si Mme Suzanne voulait vraiment s’occupe des femmes égyptiennes, qu’elle sache
que la misère, le chômage, les arrestations intempestives et la torture infligée
par des bourreaux de la police sont ce qui intéresse ces femmes. Pas les
questions de prise de poids et de régime !
  
  Le « Mar’aa Ton » aurait tout simplement pu être ignoré par la population qui
se moque déjà des multiples comédies gouvernementales. Mais la comédie s’est
transformée, cette fois, en un drame bien réel et tellement triste.
  
  À cause du fait que ce bizarre de « Mar’aa Ton » se déroulait sous l’égide de
la Première dame, la course s’est transformée en un sprint de flagornerie. Les
plus hauts responsables gouvernementaux ont ordonné aux femmes fonctionnaires,
de toutes les administrations, de lâcher leur travail et de prendre des bus
spécialement affrétés pour se diriger vers le lieu du « Mar’aa Ton ».
  
  Le but de ces responsables était de montrer leur appui conditionnel à la
course et leur fidélité à la Première Dame et à notre bien-aimé leader, Hosni
Moubarak. Tous espéraient évidemment que Mme Moubarak entende - ne serait-ce
qu’une fois - parler d’eux.
  
  Après tout, nombreux sont les ministres dans cette Égypte - affligée par ceux
qui la gouvernement - qui doivent leur poste à un bon mot dit envers le
président ou promus grâce à leur force à regrouper les gens qui crient à la
gloire du « zaïm ».
  
  Ces  douces espérances ont poussé les responsables à mettre de la pression sur
les femmes fonctionnaires. Le Journal « Al Masri Al Yaoum » a révélé que Anouar
Afifi, haut responsable au sein du ministère de la Jeunesse, a découvert que 13
fonctionnaires ont contredit ses ordres et ont raté, de ce fait, le « Mar’aa Ton».
  
  Face à ce crime de lèse-majesté, M. Afifi a convoqué une réunion d’urgence
avec ses conseillers pour avoir le détail de cette situation délicate. Il a
ensuite décidé de mettre fin aux services des travailleuses coupables. Ce qui
veut concrètement dire qu’il les a envoyées - elles et leurs familles - à la
misère noire.
  
  Nous ne contestons pas ici le pouvoir absolu de M. Anouar Afifi sur ses
employées. Comme nous ne cherchons sûrement pas à justifier leur conduite
scandaleuse puisqu’elles ont omis de participer à la course en toute
connaissance de cause.
  
  On se permettra néanmoins d’attirer l’attention de M. Afifi sur certaines
considérations qui ont, peut-être, empêché ces femmes de courir aux côtés de la
Première dame.
  
  Ainsi, la travailleuse Naheb Abdel Hakim, par exemple, est enceinte. Elle a
peut-être pensé que le fait de marcher avec un ventre aussi gros en compagnie
des femmes de haute classe pourrait déranger, voire dégoûter ces dernières.
  
  L’employée Imen Abdallah est sur le bord a’accoucher, Elle a peut-être eu peur
de perdre ses eaux et de donner la vie devant les caméras de la télévision. Elle
aurait de ce fait gâché cette belle fête.
  
  La situation de la travailleuse Nahed Abdel Khalaq est peut-être la plus
compliquée. Elle est non seulement handicapée, mais elle doit s’occuper de son
poupon. De ce fait, la course à coté de la Première dame pouvait devenir une
question dangereuse.
  
  Espérons que M. Anouar Afifi aura pitié de ces pauvres travailleuses et qu’il
leur pardonnera pour ne pas avoir couru le « Mar’aa Ton ». Si le bon dieu le
permet, elles participeront assurément à la prochaine course.

 Alaa Al Aswany

   
Traduit de l’arabe par : Taïeb Moalla  
L’article a été lu sur le blog de Alaa Al Aswany
Al Araby (journal nassérien), 6 mai 2006



09/05/2007
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