hana abdul llah al bayaty — lettre ouverte au mouvement anti-guerre
Lettre ouverte au mouvement anti-guerre
L'invasion illégale et la destruction de l'Irak ne sont pas seulement les plus grands crimes de l'histoire récente, c'est le péché originel du 21 ème siècle et une dépravation. Avec leur guerre contre l'Irak, les USA pensaient détruire l'Etat et aussi la nation. Ils ont décimé une classe entière – la classe moyenne progressiste irakienne qui a prouvé sa capacité à gérer indépendamment les ressources irakiennes au bénéfice de tous ; ils ont tué presque un million d'irakiens et en ont contraint des millions à l'exil ; ils ont orchestré des escadrons de la mort et des pillages et ont inventé de nouvelles horreurs dans le domaine de la torture et du viol. Au nom de la démocratie, ils ont procédé à des destructions matérielles massives des biens de toute une population, dans le but de liquider son identité, sa mémoire, sa culture, sa cohésion sociale, ses institutions, ses formes d'administration, de commerce et de la vie de tous les jours ; ils ont même attaqué les générations à venir avec de l'uranium appauvri, mortel sur 4,7 milliard d'années. Ils se sont engagés dans le génocide de la civilisation ainsi que dans leur propre suicide moral. La force, en tout cas, ne fait pas le droit. La brutalité du pouvoir et de l'impérialisme a été définitivement mise à nu, au moment même où le « project for a new american century » a échoué complètement. Les conséquences pour l'histoire américaine et internationale sont concluantes. L'ordre mondial qui s'est formé autrefois autour des valeurs libérales US, s'est évaporé.
L'invasion et l'occupation US de l'Irak sont un désastre militaire, économique, politique, moral et culturel pour les américains ainsi que pour le monde. L'échec militaire US a été démontré par l'incapacité de la force armée la plus financée et la plus sophistiquée du monde, à vaincre la résistance d'un petit pays et de sa population appauvrie et fatiguée par 13 ans de sanctions. Il a démontré aussi que la guerre n'a aucun sens. Quoique les Américains s'efforcent de sécuriser leur présence en Irak, ils n'arrivent pas à venir à bout de la conviction des Irakiens dans leur droit de vivre comme tous les autres peuples du monde : libres, indépendants et souverains dans leur pays et avec leurs ressources. L'occupation de l'Irak est un désastre économique parce que les coûts de la guerre ont tellement augmenté pour les USA que le contrôle du pétrole irakien ne les rembourse même pas.
Politiquement l'occupation est un désastre pour les USA, parce que personne dans le monde ne peut leur attribuer un rôle progressiste dans ce qu'ils font. L'occupation est aussi un désastre moral et culturel pour les USA. Suite aux énormes souffrances humaines de la deuxième guerre mondiale, le monde - américains inclus - a établi un Droit International et des Droits de l'Homme qui sont devenus le fondement des sociétés démocratiques. Les néo conservateurs US et les impérialistes tentent de détruire ce fondement par leur refus de reconnaître ce droit international et en essayant de lui substituer une loi de la jungle. Comment le monde - américains inclus – peut-il s'identifier à une telle entreprise aussi barbare que la guerre contre l'Irak et son occupation ?
Les arabes ne sont pas étrangers aux tentatives néo impériales qui tentent d'empêcher leur développement. Les impérialistes appellent systématiquement à la diabolisation des mouvements arabes populaires : la tentative visant à faire tomber le gouvernement syrien, démocratiquement élu en 1956 pour «communisme » ; La désignation de Nasser comme « fasciste » lorsqu' il nationalisa le Canal de Suez ; la criminalisation du parti Baath d'Irak comme « Nazi » quand il refusa de céder le contrôle des ressources irakiennes. Même les peuples Palestinien et Libanais quand ils luttaient héroïquement contre l'occupation sont considérés comme étant des « terroristes ». Nous savons très bien ce qu'est la politique coloniale en général et dans cette région en particulier. Les USA prétendent toujours défendre les droits d'une minorité – que ses demandes soient justifiées ou pas – dans le but de contrôler la majorité. En Irak, depuis 1991, les USA ont appelé à la révolte des Kurdes et des Shiites en leur insinuant que ceux qui les gouvernent sont des Sunnites. Quiconque d'intellectuellement honnête reconnaît que le parti Baath n'était sectaire ni dans son idéologie ni par son personnel.
Les plans israélo américains, basés sur la création des divisions entre les arabes dans un seul et même pays ou entre les pays, ont échoué. En Irak, la politique de charme envers quelques groupes de la résistance ou de leurs supporteurs, dans le but de diviser et d'isoler la résistance, a échoué complètement. Malgré les déclarations répétées du criminel de guerre Jalal Talabani, les groupes de résistance sont unis dans leurs positions.
Deuxièmement, la politique de division des mouvements irakiens en shiites, sunnites et kurdes se désintègre : de larges mouvements d'opinion insistent sur l'unité de l'Irak et sur l'intérêt commun de son peuple. De plus en plus de groupes du sud entrent dans la lutte contre l'occupation et son gouvernement fantoche. L'unité des Turkmènes, Assyriens, et Arabes sur le destin de Kirkuk est un exemple d'unité soutenue, comme l'est l'approfondissement de la solidarité tribale, propageant les demandes pour un large front politique national, manifestations dans le nord, et des positions toujours unifiées, concernant le futur de la richesse pétrolière irakienne.
L'Irak a été une entité socioéconomique et géopolitique depuis plus de 4000 ans, il ne peut pas être divisé. Il est le berceau de plusieurs civilisations. Une fois unie, cette entité s'est montrée capable de faire progresser la civilisation humaine et de servir de moteur au progrès. Là où les Sumériens ont inventé l'écriture, les Babyloniens ont inventé la loi, suivis par les Abbasides qui ont introduit l'idée d'un Etat pour tous ses citoyens et d'une solidarité sociale dans le corps social, ouvrant ainsi la voie à l'unification de la civilisation arabo- musulmane qui a survécu fièrement jusqu'à ce jour. Le peuple irakien est l'expression de cet héritage, sans distinction de religion ou d'ethnicité. Jamais l'histoire n'a permis la cohabitation de deux états dans cette région qui est l'actuel Irak. Il a toujours été dans l'intérêt des peuples qui se sont installés dans le bassin irakien d'organiser ensemble un futur géopolitique commun. Il y a eu beaucoup de tentatives impériales veines de diviser cette entité naturelle. Aucune forme d'agression, quelque soit le degré de barbarie ou de vengeance, ne peut détruire l'identité arabo- musulmane de l'Irak ou l'unité géopolitique irakienne. Dans sa tentative de détruire cette civilisation et sa réalité, l'administration US a jeté l'idée globale du soi-disant Occident dans la déroute. Les attitudes racistes et condescendantes qui ont été latentes ou cachées, ont été définitivement mises au jour. L'Occident- et les USA en particulier – se révèle maintenant en tant que culture de la force. La responsabilité morale qui se développe inexorablement, changera le cours de l'histoire du monde. C'est la résistance du peuple irakien qui l'exige.
Les tentatives d'empêcher le développement arabe ne peuvent qu'échouer. Les trois principaux courants socio-économiques et politiques, développés par les sociétés arabes – nationalistes, islamistes et socialistes sont intrinsèquement anti-impérialistes et par conséquent opposés aux intentions régionales israélo- américains. Pour les nationalistes, maintenir le contrôle des ressources nationales dans l'intérêt de tous, est sacro-saint. Pour les socialistes, l'opposition aux chaînes de l'impérialisme international et de la globalisation néolibérale est un fondement. Pour les islamistes, la résistance à l'occupation étrangère, comme il est écrit dans le Coran, est un devoir sacré. L'intérêt de ces trois composantes se situe actuellement dans la réussite de leur unification dans la lutte. Ils sont unis par leur identité arabo- musulmane. Ils partagent les principes et les valeurs communes suivantes : les ressources naturelles, l'héritage matériel et la richesse de la culture et de la civilisation sont la propriété de la totalité des peuples ; la totalité des citoyens constitue le peuple. Le peuple est l'unique tenant de la souveraineté et de la légitimité constitutionnelle, politique et judiciaire ; Le gouvernement est responsable de tous ses citoyens et doit lui rendre compte ; la solidarité entre les citoyens - entre les générations, les gens en bonne santé et les malades, les vieux et les jeunes, les orphelins et tout être humain qui se trouve dans un état de faiblesse – devraient former la base de la politique sociale de tout gouvernement. L'intérêt général est la justification et la base du fonctionnement de l'Etat, avec chaque citoyen, libéré de toutes les formes de discriminations, partageant les fruits de la richesse nationale et poursuivant un développement social.
Les USA ont créé une collision et un terrain de confrontation avec la société irakienne quand ils ont liquidé l'Etat irakien, détruit son projet de réaliser sa société et tenté d'effacer sa mémoire. C'était inconscient, du simple fait que la société n'est pas un mouvement politique ou la tête d'un Etat pouvant être vaincue, effrayée, corrompue ou tuée. Une société est composée de tous les gens qui vivent dans un pays donné et, comme d'autres sociétés dynamiques, la société irakienne possède de formidables capacités – une légation sophistiquée, basée sur d'anciennes civilisations et d'un mouvement patriotique expérimenté. Les forces d'occupation ont dû faire face , dès le premier jour, à une résistance résolue, culminant dans une révolte de tous les mouvements irakiens et des organisations civiles, y compris celles de la défense des femmes, des jeunes chômeurs, des organisations des droits de l'homme, des syndicats, agences pour la défense de l'environnement, des droits des prisonniers et de toutes les autres organisations culturelles et politiques, de pair avec les communautés tribales et paysannes et les groupes de résistance, non armée et armée. Un mouvement populaire et national, opposé à l'occupation et au sectarisme, bien développé et prenant des formes variées, de la résistance civile à la résistance armée.
En luttant contre des pouvoirs militaires impériaux, la bataille de l'Irak pour la défense des valeurs universelles trouve un consensus chez une majorité des gens de la planète. En contraste, la force à l'état pure à laquelle le peuple irakien a été confronté par les pouvoirs impériaux – du meurtre et du viol systématique, la profanation des sites religieux et culturels, la destruction de l'héritage historique, l'empoisonnement du paysage et des fleuves irakiens par des armes radioactives qui marqueront la vie des générations futures pour des centaines et mêmes des milliers d'années, terrorisant la totalité de la population nationale, ses tentatives de division et de déplacements forcés suivant les lignes de séparation, provoquant la guerre civile, le pillage de ses ressources – est une preuve flagrante de la décadence et de l'immoralité totale de l'agenda néolibéral et néo conservateur. La lutte de l'Irak est la lutte pour une civilisation de la culture, de la justice, et contre la réduction de la vie humaine à une simple existence de production et de consommation, et à la conquête des autres. Vraiment, le soulèvement actuel des Irakiens n'est pas seulement la partie d'une lutte plus large contre une globalisation sauvage et du capital « libre », c'est la bataille en première ligne. C'est parce que les Irakiens refusent de brader leur souveraineté aux corporations multinationales que l'Irak est détruit aussi vicieusement.
Alors que l'occupation est un désastre pour les USA, elle est une catastrophe pour la société irakienne. Avec l'aide de leurs alliés, les USA ont détruit tout ce que les Irakiens ont construit dans les temps modernes. Ce n'est pas surprenant que les Irakiens continuent leur lutte contre l'occupation, afin de pouvoir restaurer leur société. La classe moyenne, bien éduquée et marginalisée, avec la classe ouvrière appauvrie et les jeunes chômeurs privés d'indemnisations de l'Etat, n'ont aucun intérêt à collaborer avec la politique US pour la création d'une classe de seigneurs de la guerre féodaux et assoiffés de sang. La résistance est la seule voie pour les Irakiens vers une réelle liberté, une démocratie, la paix, la dignité et pour la réalisation de leurs intérêts en tant qu'individus et en tant que peuple. L'administration US n'a réussi que dans la destruction, les bains de sang et les mensonges. La résistance irakienne est démocratique par définition parce qu'elle est l'expression spontanée d'un peuple qui a pris sa destinée dans les mains. Elle est progressiste par définition, du fait qu'elle défend les intérêts du peuple.
Alors que les sociétés occidentales se définissent comme étant démocratiques, les actions de rue et le consensus populaire, au cours des quatre dernières années, ont prouvé que les structures occidentales de la gouvernance politique sont imperméables aux aspirations populaires. A part son échec à renforcer notre confiance dans notre capacité à changer l'histoire, le mouvement anti-guerre et anti-libéralisme, avec ses diverses formes d'expression, montre que les gens comprennent le divorce actuel entre leurs propres aspirations, en tant qu'individus d'une part, et les partis et institutions supposés les représenter et les défendre eux et leurs intérêts, d'autre part. Des nouvelles voies de lutte civile doivent être trouvées en urgence.
Alors que son échec est global, l'administration US ne montre aucun signe de changement de cap. L'Irak et le monde ne peuvent attendre novembre 2008, pour qu'un autre million d'irakiens soit tué pendant ce temps par cette administration US et ses collaborateurs locaux et s'ajoutant au million d'Irakiens déjà tués depuis 2003. Des actions rigoureuses sont nécessaires, y inclus l'arrestation et le procès des responsables de l'Etat et des fonctionnaires ayant commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide.
Nous devrons soutenir l'appel de Tun Dr.Mahatir Mohammed pour criminaliser la guerre en tant que moyen de résoudre les conflits entre nations. Nous devrons soutenir cet appel non seulement parce que la guerre est un crime mais aussi parce que la guerre s'est avérée inutile. L'Irak ne peut pas être cassé ni soumis. La défaite des USA et de son occupation se doit être une leçon, que jamais plus une force militaire n'essaye de soumettre la population d'un autre pays. Les USA ne pouvaient ni pourraient atteindre leur but, même s'ils exterminent des pans entiers de la société irakienne. Pour parvenir à arrêter cette démence, le mouvement anti-guerre doit réviser toute sa terminologie et doit refuser les termes dictés par l'occupation. Nous devrons condamner l'ignorance acceptant la déshumanisation des autres. Nous devrons refuser le mot « insurrection » et le substituer à ce qui existe en réalité : la résistance légitime et légale contre une occupation étrangère et vicieuse. L'occupation est une condition de facto et non une détermination de jure. Avec un effectif de près de 200.000 militaires étrangers sur son sol, l'Irak ne peut être décrit autrement qu'un pays occupé. Les détenus en Irak ne peuvent être considérés que comme des prisonniers de guerre, avec la protection de tous les droits qu'assure
Nous devrons tous être très humbles face aux pertes que ce peuple a été obligé d'endurer pour notre salut et exigeons le retrait complet, inconditionnel et immédiat des forces occupantes du sol irakien. Ensemble pour l'annulation de toutes les lois, les traités, les accords ou contrats passés sous l'occupation et pour le paiement équitable de réparations et compensations, pour les pertes humaines tragiques et pour le matériel que les Irakiens ont subis en défendant la civilisation. Nous devrons refuser en sa totalité la culture de l'état militaro- impérial, si nous voulons participer à la vague de résistance globale grandissante pour la défense de la civilisation, de la justice, de l'indépendance et de la coexistence pacifique. Nous devrons retirer la reconnaissance à toute entité imposée par les USA et revendiquer la représentation du peuple d'Irak.
Longue vie au peuple irakien et sa seule représentation qui est la résistance irakienne.
Hana Abdul Ilah Al Bayaty,
18 mars 2007
L'auteur est un membre du Comité Exécutif de « The BRussells Tribunal et un collaborateur fréquent à Global Research.
Original : www.globalresearch.ca/PrintArticle.php?articleId=5103
Traduit de l'anglais par Frigga HIARD
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