marx et engels — préfaces au manifeste du parti communiste
• PREFACE A L'EDITION ALLEMANDE DE 1872
La Ligue des communistes, association ouvrière internationale qui, dans les circonstances d'alors, ne pouvait être évidemment que secrète, chargea les soussignés, délégués au congrès tenu à Londres en novembre 1847, de rédiger un programme détaillé, à la fois théorique et pratique, du Parti et destiné à la publicité. Telle est l'origine de ce Manifeste dont le manuscrit, quelques semaines avant la Révolution de Février, fut envoyé à Londres pour y être imprimé. Publié d'abord en allemand, il a eu dans cette langue au moins douze éditions différentes en Allemagne, en Angleterre et en Amérique. Traduit en anglais par Miss Hélène Macfarlane, il parut en 1850, à Londres, dans le Red Republican, et, en 1871, il eut, en Amérique, au moins trois traductions anglaises. Il parut une première fois en français à Paris, peu de temps avant l'insurrection de juin 1848, et, récemment, dans Le Socialiste de New York. Une traduction nouvelle est en préparation. On en fit une édition en polonais à Londres, peu de temps après la première édition allemande. Il a paru en russe, à Genève, après 1860. Il a été également traduit en danois peu après sa publication.
Bien que les circonstances aient beaucoup changé au cours des vingt-cinq dernières années, les principes généraux exposés dans ce Manifeste conservent dans leurs grandes lignes, aujourd'hui encore, toute leur exactitude. Il faudrait revoir, çà et là, quelques détails. Le Manifeste explique lui-même que l'application des principes dépendra partout et toujours des circonstances historiques données, et que, par suite, il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. Etant donné les progrès immenses de la grande industrie dans les vingt-cinq dernières années et les progrès parallèles qu'a accomplis, dans son organisation en parti, la classe ouvrière, étant donné les expériences pratiques, d'abord de la Révolution de Février, ensuite et surtout de la Commune de Paris qui, pendant deux mois, mit pour la première fois aux mains du prolétariat le pouvoir politique, ce programme est aujourd'hui vieilli sur certains points. La Commune, notamment, a démontré que «la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte» (voir « Adresse du Conseil général de l'Association internationale des Travailleurs», La Guerre civile en France, où cette idée est plus longuement développée). En outre, il est évident que la critique de la littérature socialiste présente une lacune pour la période actuelle, puisqu'elle s'arrête à 1847. Et, de même, si les remarques sur la position des communistes à l'égard des différents partis d'opposition (chapitre IV) sont exactes aujourd'hui encore dans leurs principes, elles sont vieillies dans leur application parce que la situation politique s'est modifiée du tout au tout et que l'évolution historique a fait disparaître la plupart des partis qui y sont énumérés.
Cependant, le Manifeste est un document historique que nous ne nous reconnaissons plus le droit de modifier Une édition ultérieure sera peut-être précédée d'une introduction qui pourra combler la lacune entre 1847 et nos jours ; la réimpression actuelle nous a pris trop à l'improviste pour nous donner le temps de l'écrire.
Karl Marx, Friedrich Engels ; Londres, 24 juin 1872
• PREFACE A L'EDITION RUSSE DE 1882
La première édition russe du Manifeste du Parti communiste, traduit par Bakounine, parut peu après 1860 à l'imprimerie du Kolokol. A cette époque, cela (l'édition russe de l'ouvrage) avait tout au plus pour l'Occident l'importance d'une curiosité littéraire. Aujourd'hui, il n'en va plus de même.
Combien était étroit le terrain où se propageait le mouvement prolétarien à cette époque (décembre 1847), c'est ce qui ressort parfaitement du dernier chapitre : «Position des communistes envers les différents partis d'opposition dans les divers pays». La Russie et les Etats-Unis notamment n'y sont pas mentionnés. C'était le temps où la Russie formait la dernière grande réserve de la réaction européenne, et où l'émigration aux Etats-Unis absorbait l'excédent des forces du prolétariat européen. Ces deux pays fournissaient à l'Europe des matières premières et lui offraient en même temps des débouchés pour l'écoulement de ses produits industriels. Tous deux servaient donc, de l'une ou l'autre manière, de contrefort à l'organisation sociale de l'Europe.
Que tout cela est changé aujourd'hui ! C'est précisément l'émigration européenne qui a rendu possible le développement colossal de l'agriculture en Amérique du Nord, développement dont la concurrence ébranle dans ses fondements la grande et la petite propriété foncière en Europe. C'est elle qui a, du même coup, donné aux Etats-Unis la possibilité de mettre en exploitation ses énormes ressources industrielles, et cela avec une énergie et à une échelle telles que le monopole industriel de l'Europe occidentale, et notamment celui de l'Angleterre, disparaîtra à bref délai. Ces deux circonstances réagissent à leur tour de façon révolutionnaire sur l'Amérique elle- même. La petite et la moyenne propriété des farmers, cette assise de tout l'ordre politique américain, succombe peu à peu sous la concurrence de fermes gigantesques, tandis que, dans les districts industriels, il se constitue pour la première fois un nombreux prolétariat à côté d'une fabuleuse concentration du Capital.
Passons à la Russie. Au moment de la Révolution de 1848-1849, les monarques d'Europe, tout comme la bourgeoisie d'Europe, voyaient dans l'intervention russe le seul moyen de les sauver du prolétariat qui venait tout juste de s'éveiller. Le tsar fut proclamé chef de la réaction européenne. Aujourd'hui, il est, à Gatchina, le prisonnier de guerre de la révolution, et la Russie est à l'avant-garde du mouvement révolutionnaire de l'Europe.
Le Manifeste communiste avait pour tâche de proclamer la disparition inévitable et prochaine de la propriété bourgeoise. Mais en Russie, à côté de la spéculation capitaliste qui se développe fiévreusement et de la propriété foncière bourgeoise en voie de formation, plus de la moitié du sol est la propriété commune des paysans. Il s'agit, dès lors, de savoir si la communauté paysanne russe, cette forme déjà décomposée de l'antique propriété commune du sol, passera directement à la forme communiste supérieure de la propriété commune, ou bien si elle doit suivre d'abord le même processus de dissolution qu'elle a subi au cours du développement historique de l'Occident.
La seule réponse qu'on puisse faire aujourd'hui à cette question est la suivante : si la révolution russe donne le signal d'une révolution prolétarienne en Occident, et que toutes deux se complètent, la propriété commune actuelle de la Russie pourra servir de point de départ à une évolution communiste.
Karl Marx, Friedrich Engels ; Londres, 21 janvier I882
• PREFACE A L'EDITION ALLEMANDE DE 1883
Il me faut malheureusement signer seul la préface de cette édition. Marx, l'homme auquel toute la classe ouvrière d'Europe et d'Amérique doit plus qu'à tout autre, Marx repose au cimetière de Highgate, et sur sa tombe verdit déjà le premier gazon. Après sa mort, il ne saurait être question moins que jamais de remanier ou de compléter le Manifeste. Je crois d'autant plus nécessaire d'établir expressément, une fois de plus, ce qui suit.
L'idée fondamentale et directrice du Manifeste, à savoir que la production économique et la structure sociale qui en résulte nécessairement forment, à chaque époque historique, la base de l'histoire politique et intellectuelle de cette époque ; que, par suite (depuis la dissolution de la propriété commune du sol des temps primitifs), toute l'histoire a été une histoire de luttes de classes, de luttes entre classes exploitées et classes exploitantes, entre classes dominées et classes dominantes, aux différentes étapes de leur développement social ; mais que cette lutte a actuellement atteint une étape où la classe exploitée et opprimée (le prolétariat) ne peut plus se libérer de la classe qui l'exploite et l'opprime (la bourgeoisie), sans libérer en même temps et à tout jamais la société entière de l'exploitation, de l'oppression et des luttes de classes ; cette idée maîtresse appartient uniquement et exclusivement à Marx.
Je l'ai souvent déclaré, mais il faut maintenant que cette déclaration figure aussi en tête du Manifeste.
Friedrich Engels ; Londres, 28 juin 1883
• PREFACE A L'EDITION ANGLAISE DE 1888
Le Manifeste est le programme de la Ligue des communistes, association ouvrière, d'abord exclusivement allemande, ensuite internationale et qui, dans les conditions politiques qui existaient sur le continent avant 1848, ne pouvait qu'être une société secrète. Au congrès de la Ligue qui s'est tenu à Londres, en novembre 1847, Marx et Engels se voient confier la tâche de rédiger, aux fins de publication, un ample programme théorique et pratique du Parti. Travail achevé en janvier 1848, et dont le manuscrit allemand fut envoyé à Londres pour y être imprimé, à quelques semaines de la révolution française du 24 février. La traduction française vit le jour à Paris, peu avant l'insurrection de juin 1848. La première traduction anglaise, due à Miss Hélène Macfarlane, parut dans le Red Republican de George Julian Harney, Londres 1850. Ont paru également les éditions danoise et polonaise.
La défaite de l'insurrection parisienne de juin 1848 -‹ la première grande bataille entre prolétariat et bourgeoisie ‹- devait de nouveau, pour une certaine période, refouler à l'arrière-plan les revendications sociales et politiques de la classe ouvrière européenne. Depuis lors, seuls les divers groupes de la classe possédante s'affrontaient de nouveau dans la lutte pour la domination, tout comme avant la Révolution de Février ; la classe ouvrière a dû combattre pour la liberté d'action politique et s'aligner sur les positions extrêmes de la partie radicale des classes moyennes. Tout mouvement prolétarien autonome, pour peu qu'il continuât à donner signe de vie, était écrasé sans merci. Ainsi, la police prussienne réussit à dépister le Comité central de la Ligue des communistes, qui à cette époque avait son siège à Cologne. Ses membres furent arrêtés et, après dix-huit mois de détention, déférés en jugement, en octobre 1852. Ce fameux «procès des communistes à Cologne» dura du 4 octobre au 12 novembre ; sept personnes parmi les prévenus furent condamnées à des peines allant de trois à six ans de forteresse. Immédiatement après le verdict, la Ligue fut officiellement dissoute par les membres demeurés en liberté. Pour ce qui est du Manifeste, on l'eût cru depuis lors voué à l'oubli.
Lorsque la classe ouvrière d'Europe eut repris suffisamment de forces pour un nouvel assaut contre les classes dominantes, naquit l'Association internationale des travailleurs. Cependant, cette Association qui s'était constituée dans un but précis ‹- fondre en un tout les forces combatives du prolétariat d'Europe et d'Amérique -‹ ne pouvait proclamer d'emblée les principes posés dans le Manifeste. Le programme de l'Internationale devait être assez vaste pour qu'il fût accepté et par les trade-unions anglaises, et par les adeptes de Proudhon en France, Belgique, Italie et Espagne, et par les lassalliens en Allemagne. Marx, qui rédigea ce programme de façon à donner satisfaction à tous ces partis, s'en remettait totalement au développement intellectuel de la classe ouvrière, qui devait être à coup sûr le fruit de l'action et de la discussion communes. Par eux-mêmes les événements et les péripéties de la lutte contre le Capital -‹ les défaites plus encore que les succès -‹ ne pouvaient manquer de faire sentir l'insuffisance de toutes les panacées et d'amener à comprendre à fond les conditions véritables de l'émancipation ouvrière. Et Marx avait raison. Quand, en 1874, l'Internationale cessa d'exister, les ouvriers n'étaient plus du tout les mêmes que lors de sa fondation en 1864. Le proudhonisme en France, le lassallisme en Allemagne étaient à l'agonie et même les trade-unions anglaises, conservatrices, et ayant depuis longtemps, dans leur majorité, rompu avec l'Internationale, approchaient peu à peu du moment où le président de leur congrès qui s'est tenu l'an dernier à Swansea, pouvait dire en leur nom : «Le socialisme continental ne nous fait plus peur.» A la vérité, les principes du Manifeste avaient pris un large développement parmi les ouvriers de tous les pays.
Ainsi, le Manifeste s'est mis une nouvelle fois au premier plan. Après 1850, le texte allemand fut réédité plusieurs fois en Suisse, Angleterre et Amérique. En 1872, il est traduit en anglais à New York et publié dans Woodhull and Claflin's Weekly. Une traduction française d'après ce texte anglais, a été publiée par Le Socialiste newyorkais. Par la suite, parurent en Amérique au moins encore deux traductions anglaises plus ou moins déformées, dont l'une fut rééditée en Angleterre. La première traduction en russe, faite par Bakounine, fut éditée aux environs de 1863 par l'imprimerie du Kolokol d'Herzen, à Genève -- La deuxième traduction, due à l'héroïque Véra Zassoulitch, sortit de même à Genève en 1882. Une nouvelle édition danoise est lancée par la Socialdemokratisk Bibliothek à Copenhague en 1885 ; une nouvelle traduction française a été publiée par Le Socialiste de Paris, en 1886. D'après cette traduction, a paru une version espagnole, publiée à Madrid en 1886. Point n'est besoin de parler des éditions allemandes réimprimées, on en compte au moins douze. La traduction arménienne, qui devait paraître il y a quelques mois à Constantinople, n'a pas vu le jour, comme on me l'a dit, uniquement parce que l'éditeur avait craint de sortir le livre avec le nom de Marx, tandis que le traducteur refusait de se dire l'auteur du Manifeste. Pour ce qui est des nouvelles traductions en d'autres langues, j'en ai entendu parler, mais n'en ai jamais vu. Ainsi donc, l'histoire du Manifeste reflète notablement celle du mouvement ouvrier contemporain ; à l'heure actuelle, il est incontestablement l'oeuvre la plus répandue, la plus internationale de toute la littérature socialiste, le programme commun de millions d'ouvriers, de la Sibérie à la Californie.
Et, cependant, au moment où nous écrivions, nous ne pouvions toutefois l'intituler Manifeste socialiste. En 1847, on donnait le nom de socialistes, d'une part, aux adeptes des divers systèmes utopiques : les owenistes en Angleterre et les fouriéristes en France, et qui n'étaient déjà plus, les uns et les autres, que de simples sectes agonisantes ; d'autre part, aux méticastres sociaux de tout acabit qui promettaient, sans aucun préjudice pour le Capital et le profit, de guérir toutes les infirmités sociales au moyen de toutes sortes de replâtrage. Dans les deux cas, c'étaient des gens qui vivaient en dehors du mouvement ouvrier et qui cherchaient plutôt un appui auprès des classes «cultivées». Au contraire, cette partie des ouvriers qui, convaincue de l'insuffisance de simples bouleversements politiques, réclamait une transformation fondamentale de la société, s'était donné le nom de communistes. C'était un communisme à peine dégrossi, purement instinctif, parfois un peu grossier, mais cependant il pressentait l'essentiel et se révéla assez fort dans la classe ouvrière pour donner naissance au communisme utopique : en France, celui de Cabet et en Allemagne, celui de Weitling. En 1847, le socialisme signifiait un mouvement bourgeois, le communisme, un mouvement ouvrier. Le socialisme avait, sur le continent tout au moins, «ses entrées dans le monde», pour le communisme, c'était exactement le contraire. Et comme, depuis toujours, nous étions d'avis que «l'émancipation des travailleurs doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes», nous ne pouvions hésiter un instant sur la dénomination à choisir. Depuis, il ne nous est jamais venu à l'esprit de la rejeter.
Bien que le Manifeste soit notre oeuvre commune, j'estime néanmoins de mon devoir de constater que la thèse principale, qui en constitue le noyau, appartient à Marx. Cette thèse est qu'à chaque époque historique, le mode prédominant de la production et de l'échange économiques et la structure sociale qu'il conditionne, forment la base sur laquelle repose l'histoire politique de ladite époque et l'histoire de son développement intellectuel, base à partir de laquelle seulement elle peut être expliquée ; que de ce fait toute l'histoire de l'humanité (depuis la décomposition de la communauté primitive avec sa possession commune du sol) a été une histoire de luttes de classes, de luttes entre classes exploiteuses et exploitées, classes dominantes et classes opprimées ; que l'histoire de cette lutte de classes atteint à l'heure actuelle, dans son développement, une étape où la classe exploitée et opprimée -‹ le prolétariat -‹ ne peut plus s'affranchir du joug de la classe qui l'exploite et l'opprime ‹- la bourgeoisie -‹ sans affranchir du même coup, une fois pour toutes, la société entière de toute exploitation, oppression, division en classes et lutte de classes.
Cette idée qui selon moi est appelée à marquer pour la science historique le même progrès que la théorie de Darwin pour la biologie, nous nous en étions tous deux approchés peu à peu, plusieurs années déjà avant 1845. Jusqu'où j'étais allé moi-même dans cette direction, de mon côté, on peut en juger clairement par mon livre La Situation de la classe laborieuse en Angleterre. Quand au printemps 1845 je revis Marx à Bruxelles, il l'avait déjà élaborée et il me l'a exposée à peu près aussi clairement que je l'ai fait ici, moi-même.
Je reproduis les lignes suivantes empruntées à notre préface commune à l'édition allemande de 1872 :
«Bien que les circonstances aient beaucoup changé au cours des vingt- cinq dernières années, les principes généraux exposés dans ce Manifeste conservent dans leurs grandes lignes, aujourd'hui encore, toute leur exactitude. Il faudrait revoir, çà et là, quelques détails. Le Manifeste explique lui-même que l'application des principes dépendra partout et toujours des circonstances historiques données, et que, par suite, il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. Etant donné les progrès immenses de la grande industrie dans les vingt-cinq dernières années et les progrès parallèles qu'a accomplis, dans son organisation en parti, la classe ouvrière, étant donné les expériences pratiques, d'abord de la Révolution de Février, ensuite et surtout de la Commune de Paris qui, pendant deux mois, mit pour la première fois aux mains du prolétariat le pouvoir politique, ce programme est aujourd'hui vieilli sur certains points. La Commune, notamment, a démontré que «la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine d'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte» (voir «Adresse du Conseil général de l'Association internationale des Travailleurs», La Guerre civile en France, où cette idée est plus longuement développée). En outre, il est évident que la critique de la littérature socialiste présente une lacune pour la période actuelle, puisqu'elle s'arrête à 1847. Et, de même, si les remarques sur la position des communistes à l'égard des différents partis d'opposition (chapitre IV) sont exactes aujourd'hui encore dans leurs principes, elles sont vieillies dans leur application parce que la situation politique s'est modifiée du tout au tout et que l'évolution historique a fait disparaître la plupart des partis qui y sont énumérés.
Cependant, le Manifeste est un document historique que nous ne nous reconnaissons plus le droit de modifier.»
La traduction que nous présentons est de M. Samuel Moore, traducteur de la plus grande partie du Capital de Marx. Nous l'avons revue ensemble, et j'ai ajouté quelques remarques explicatives d'ordre historique.
Friedrich Engels ; Londres, 30 janvier 1888
• PREFACE A L'EDITION ALLEMANDE DE 1890
Depuis que j'ai écrit les lignes qui précèdent, une nouvelle édition allemande du Manifeste est devenue nécessaire. Il convient en outre de mentionner ici qu'il s'est produit bien des choses autour du Manifeste.
Une deuxième traduction russe, par Véra Zassoulitch, parut à Genève en 1882, nous en rédigeâmes, Marx et moi, la préface. Malheureusement, j'ai égaré le manuscrit allemand original, et je suis obligé de retraduire du russe, ce qui n'est d'aucun profit pour le texte même. Voici cette préface :
«La première édition russe du Manifeste du Parti communiste, traduit par Bakounine, parut peu après 1860 à l'imprimerie du Kolokol. A cette époque, une édition russe de cet ouvrage avait tout au plus pour l'Occident l'importance d'une curiosité littéraire. Aujourd'hui, il n'en va plus de même. Combien était étroit le terrain où se propageait le mouvement prolétarien aux premiers jours de la publication du Manifeste (janvier I848), c'est ce qui ressort parfaitement du dernier chapitre : «Position des communistes envers les différents partis d'opposition dans les divers pays»). La Russie et les Etats-Unis notamment n'y sont pas mentionnés. C'était le temps où la Russie formait la dernière grande réserve de la réaction européenne, et où l'émigration aux Etats-Unis absorbait l'excédent des forces du prolétariat européen. Ces deux pays fournissaient à l'Europe des matières premières et lui offraient en même temps des débouchés pour l'écoulement de ses produits industriels. Tous deux servaient donc, de l'une ou l'autre manière, de contrefort à l'organisation sociale de l'Europe.
Que tout cela est changé aujourd'hui ! C'est précisément l'émigration européenne qui a rendu possible le développement colossal de l'agriculture en Amérique du Nord, développement dont la concurrence ébranle dans ses fondements la grande et la petite propriété foncière en Europe. C'est elle qui a, du même coup, donné aux Etats-Unis la possibilité de mettre en exploitation ses énormes ressources industrielles, et cela avec une énergie et à une échelle telles que le monopole industriel de l'Europe occidentale disparaîtra à bref délai. Ces deux circonstances réagissent à leur tour de façon révolutionnaire sur l'Amérique elle-même. La petite et la moyenne propriété des farmers, cette assise de tout l'ordre politique américain, succombe peu à peu sous la concurrence de fermes gigantesques, tandis que, dans les districts industriels, il se constitue pour la première fois un nombreux prolétariat à côté d'une fabuleuse concentration du Capital.
Passons à la Russie. Au moment de la Révolution de 1848-1849, les monarques d'Europe, tout comme la bourgeoisie d'Europe, voyaient dans l'intervention russe le seul moyen capable de les sauver du prolétariat qui commençait tout juste à prendre conscience de sa force. Ils proclamaient le tsar chef de la réaction européenne. Aujourd'hui, il est, à Gatchina, le prisonnier de guerre de la révolution, et la Russie est à l'avant-garde du mouvement révolutionnaire de l'Europe.
Le Manifeste communiste avait pour tâche de proclamer la disparition inévitable et prochaine de la propriété bourgeoise. Mais en Russie, à côté de la spéculation capitaliste qui se développe fiévreusement et de la propriété foncière bourgeoise en voie de formation, plus de la moitié du sol est la propriété commune des paysans. Il s'agit, dès lors, de savoir si la communauté paysanne russe, cette forme déjà décomposée de l'antique propriété commune du sol, passera directement à la forme communiste supérieure de la propriété foncière, ou bien si elle doit suivre d'abord le même processus de dissolution qu'elle a subi au cours du développement historique de l'Occident.
La seule réponse qu'on puisse faire aujourd'hui à cette question est la suivante : si la révolution russe donne le signal d'une révolution ouvrière en Occident, et que toutes deux se complètent, la propriété commune actuelle de la Russie pourra servir de point de départ à une évolution communiste.
Karl Marx, Friedrich Engels ; Londres, 21 janvier 1882
Une nouvelle traduction polonaise parut, à la même époque, à Genève : Manifest Kommunistyczny.
Depuis, une nouvelle traduction danoise a paru dans la Socialdemokratisk Bibliothek, Copenhague, 1885. Elle n'est malheureusement pas tout à fait complète ; quelques passages essentiels, qui semblent avoir arrêté le traducteur, ont été omis, et çà et là, on peut relever des traces de négligences, dont l'effet est d'autant plus regrettable qu'on voit, d'après le reste, que la traduction aurait pu, avec un peu plus de soin, être excellente.
En 1886 parut une nouvelle traduction française dans Le Socialiste de Paris ; c'est jusqu'ici la meilleure.
D'après cette traduction a paru, la même année, une version espagnole, d'abord dans El Socialista, de Madrid, et ensuite en brochure : Manifesto del Partido Comunista, por Carlos Marx y F. Engels, Madrid, Administracion de «El Socialista», Hernan Cortès.
A titre de curiosité, je dirai qu'en 1887 le manuscrit d'une traduction arménienne a été offert à un éditeur de Constantinople ; l'excellent homme n'eut cependant pas le courage d'imprimer une brochure qui portait le nom de Marx et estima que le traducteur devrait bien plutôt s'en déclarer l'auteur, ce que celui-ci refusa de faire.
A plusieurs reprises ont été réimprimées en Angleterre certaines traductions américaines plus ou moins inexactes ; enfin, une traduction authentique a paru en 1888. Elle est due à mon ami Samuel Moore, et nous l'avons revue ensemble avant l'impression. Elle a pour titre : Manifesto of the Communist Party, by Karl Marx and Frederick Engels. Authorized English Translation, edited and annotated by Frederick Engels, 1888. London, William Reeves, 185 Fleet St., E.C. J'ai repris dans la présente édition, quelques-unes des notes de cette traduction anglaise.
Le Manifeste a eu sa destinée propre. Salué avec enthousiasme, au moment de son apparition, par l'avant-garde peu nombreuse encore du socialisme scientifique (comme le prouvent les traductions signalées dans la première préface), il fut bientôt refoulé à l'arrière-plan par la réaction qui suivit la défaite des ouvriers parisiens en juin 1848, et enfin il fut proscrit «de par la loi» avec la condamnation des communistes de Cologne en novembre 1852. Avec le mouvement ouvrier datant de la Révolution de Février, le Manifeste aussi disparaissait de la scène publique.
Lorsque la classe ouvrière européenne eut repris suffisamment de forces pour un nouvel assaut contre la puissance des classes dominantes, naquit l'Association internationale des travailleurs. Elle avait pour but de fondre en une immense armée unique toute la classe ouvrière militante d'Europe et d'Amérique. Elle ne pouvait donc partir directement des principes posés dans le Manifeste. Il lui fallait un programme qui ne fermât pas la porte aux trade-unions anglaises, aux proudhoniens français, belges, italiens et espagnols, ni aux lassalliens allemands. Ce programme -‹ le préambule des Statuts de l'Internationale ‹- fut rédigé par Marx avec une maîtrise à laquelle Bakounine et les anarchistes eux-mêmes ont rendu hommage. Pour la victoire définitive des propositions énoncées dans le Manifeste, Marx s'en remettait uniquement au développement intellectuel de la classe ouvrière, qui devait nécessairement résulter de l'action et de la discussion communes. Les événements et les vicissitudes de la lutte contre le Capital, les défaites plus encore que les succès, ne pouvaient manquer de faire sentir aux combattants l'insuffisance de toutes leurs panacées et les amener à comprendre à fond les conditions véritables de l'émancipation ouvrière. Et Marx avait raison. La classe ouvrière de 1874, après la dissolution de l'Internationale, était tout autre que celle de 1864, au moment de sa fondation. Le proudhonisme des pays latins et le lassallisme proprement dit en Allemagne étaient à l'agonie, et même les trade-unions anglaises, alors ultra-conservatrices, approchaient peu à peu du moment où, en 1887, le président de leur congrès à Swansea pouvait dire en leur nom : «Le socialisme continental ne nous fait plus peur.» Mais dès 1887, le socialisme continental s'identifiait presque entièrement avec la théorie formulée dans le Manifeste. Et ainsi l'histoire du Manifeste reflète jusqu'à un certain point l'histoire du mouvement ouvrier moderne depuis 1848. A l'heure actuelle, il est incontestablement l'oeuvre la plus répandue, la plus internationale de toute la littérature socialiste, le programme commun de millions d'ouvriers de tous les pays, de la Sibérie à la Californie.
Et, cependant, lorsqu'il parut, nous n'aurions pu l'intituler Manifeste socialiste. En 1847, on comprenait sous ce nom de socialiste deux sortes de gens. D'abord, les adhérents des divers systèmes utopiques, notamment les owenistes en Angleterre et les fouriéristes en France, qui n'étaient déjà plus, les uns et les autres, que de simples sectes agonisantes. D'un autre côté, les charlatans sociaux de tout acabit qui voulaient, à l'aide d'un tas de panacées et avec toutes sortes de rapiéçages, supprimer les misères sociales, sans faire le moindre tort au Capital et au profit. Dans les deux cas, c'étaient des gens qui vivaient en dehors du mouvement ouvrier et qui cherchaient plutôt un appui auprès des classes «cultivées». Au contraire, cette partie des ouvriers qui, convaincue de l'insuffisance des simples bouleversements politiques, réclamait une transformation fondamentale de la société, s'était donné le nom de communistes. C'était un communisme à peine dégrossi, purement instinctif, parfois un peu grossier ; mais il était assez puissant pour donner naissance à deux systèmes de communisme utopique : en France l'Icarie de Cabet et en Allemagne le système de Weitling. En 1847, le socialisme signifiait un mouvement bourgeois, le communisme, un mouvement ouvrier. Le socialisme avait, sur le continent tout au moins, «ses entrées dans le monde» ; pour le communisme, c'était exactement le contraire. Et comme, dès ce moment, nous étions très nettement d'avis que «l'émancipation des travailleurs doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes», nous ne pouvions hésiter un instant sur la dénomination à choisir. Depuis, il ne nous est jamais venu à l'esprit de la rejeter.
«Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !» Quelques voix seulement nous répondirent, lorsque nous lançâmes cet appel par le monde, il y a maintenant quarante-deux ans, à la veille de la première révolution parisienne dans laquelle le prolétariat se présenta avec ses revendications à lui. Mais le 28 septembre 1864, des prolétaires de la plupart des pays de l'Europe occidentale s'unissaient pour former l'Association internationale des Travailleurs, de glorieuse mémoire. L'Internationale elle-même ne vécut d'ailleurs que neuf années. Mais que l'alliance éternelle établie par elle entre les prolétaires de tous les pays existe encore et qu'elle soit plus puissante que jamais, il n'en est pas de meilleure preuve que la journée d'aujourd'hui. Au moment où j'écris ces lignes, le prolétariat d'Europe et d'Amérique passe en revue ses forces de combat, pour la première fois mobilisées en une seule armée, sous un même drapeau et pour un même but immédiat : la fixation légale de la journée normale de huit heures, proclamée dès 1866 par le Congrès de l'Internationale à Genève, et de nouveau par le Congrès ouvrier de Paris en l889. Le spectacle de cette journée montrera aux capitalistes et aux propriétaires fonciers de tous les pays que les prolétaires de tous les pays sont effectivement unis.
Que Marx n'est-il à côté de moi, pour voir cela de ses propres yeux !
Friedrich Engels ; Londres, 1er mai 1890
• PREFACE A L'EDITION POLONAISE DE 1892
Qu'il ait été nécessaire de faire paraître une nouvelle édition polonaise du Manifeste communiste, permet de faire maintes conclusions.
D'abord, il faut constater que le Manifeste est devenu, ces derniers temps, une sorte d'illustration du progrès de la grande industrie sur le continent européen. A mesure que celle-ci évolue dans un pays donné, les ouvriers de ce pays ont de plus en plus tendance à voir clair dans leur situation, en tant que classe ouvrière, pal rapport aux classes possédantes ; le mouvement socialiste prend de l'extension parmi eux et le Manifeste devient l'objet d'une demande accrue. Ainsi, d'après le nombre d'exemplaires diffusés dans la langue du pays, il est possible de déterminer avec assez de précision non seulement l'état du mouvement ouvrier, mais aussi le degré d'évolution de la grande industrie dans ce pays.
La nouvelle édition polonaise du Manifeste est donc une preuve du progrès décisif de l'industrie de la Pologne. Que ce progrès ait effectivement eu lieu durant les dix années qui se sont écoulées depuis que la dernière édition a vu le jour, nul doute ne saurait subsister. Le Royaume de Pologne, la Pologne du Congrès, s'est transformé en une vaste région industrielle de l'empire de Russie. Tandis que la grande industrie russe est dispersée dans maints endroits, une partie tout près du golfe de Finlande, une autre dans la région centrale (Moscou, Vladimir), la troisième sur les côtes de la mer Noire et de la mer d'Azov, etc., l'industrie polonaise se trouve concentrée sur une étendue relativement faible et éprouve aussi bien les avantages que les inconvénients de cette concentration. Ces avantages furent reconnus par les fabricants concurrents de Russie lorsque, malgré leur désir ardent de russifier tous les Polonais, ils réclamèrent l'institution de droits protecteurs contre la Pologne. Quant aux inconvénients -‹ pour les fabricants polonais comme pour le gouvernement russe -‹, ils se traduisent par une rapide diffusion des idées socialistes parmi les ouvriers polonais et par une demande accrue pour le Manifeste.
Cependant, cette évolution rapide de l'industrie polonaise qui a pris le pas sur l'industrie russe, offre à son tour une nouvelle preuve de la vitalité tenace du peuple polonais et constitue une caution nouvelle de son futur rétablissement national. Or, le rétablissement d'une Pologne autonome puissante nous concerne nous tous et pas seulement les Polonais. Une coopération internationale de bonne foi entre les peuples d'Europe n'est possible que si chacun de ces peuples reste le maître absolu dans sa propre maison. La Révolution de I848, au cours de laquelle les combattants prolétariens ont dû, sous le drapeau du prolétariat, exécuter en fin de compte la besogne de la bourgeoisie, a réalisé du même coup, par le truchement de ses commis -‹ Louis Bonaparte et Bismarck -‹, l'indépendance de l'Italie, de l'Allemagne, de la Hongrie.
Pour ce qui est de la Pologne qui depuis 1792 avait fait pou ; la révolution plus que ces trois pays pris ensemble, à l'heure où, en 1863, elle succombait sous la poussée des forces russes, dix fois supérieures aux siennes propres, elle fut abandonnée à elle-même. La noblesse a été impuissante à défendre et à reconquérir l'indépendance de la Pologne ; la bourgeoisie se désintéresse actuellement, pour ne pas dire plus, de cette indépendance. Néanmoins, pour la coopération harmonieuse des nations européennes, elle s'impose impérieusement. Elle ne peut être conquise que par le jeune prolétariat polonais, et entre ses mains elle sera sous bonne garde. Car pour les ouvriers du reste de l'Europe cette indépendance est aussi nécessaire que pour les ouvriers polonais eux- mêmes.
Friedrich Engels Londres, 10 février 1892
• PREFACE A L'EDITION ITALIENNE DE 1893
AU LECTEUR ITALIEN
On peut dire que la publication du Manifeste du Parti communiste a coïncidé exactement avec la date du 18 mars 1848, avec les révolutions de Milan et de Berlin, soulèvements armés de deux nations, dont l'une est située au centre du continent européen, l'autre, au centre des pays méditerranéens, deux nations affaiblies jusque-là par leur morcellement et les dissensions internes, ce qui les fit tomber sous la domination étrangère. Tandis que l'Italie était soumise à l'empereur d'Autriche, l'Allemagne n'en subissait pas moins le joug, tout aussi sensible encore que moins direct, du tsar de toutes les Russies. Les conséquences des événements du 18 mars I848 délivrèrent l'Italie et l'Allemagne de cette infamie ; si, de 1848 à 1871, ces deux grandes nations furent rétablies et purent recouvrer, de l'une ou de l'autre façon, leur indépendance, cela tient, selon Marx, au fait que ceux-là mêmes qui avaient écrasé la Révolution de 1848, étaient devenus, bien malgré eux, ses exécuteurs testamentaires.
Partout cette révolution fut l'oeuvre de la classe ouvrière : c'est elle qui dressa les barricades et offrit sa vie en sacrifice. Cependant, seuls les ouvriers parisiens en renversant le gouvernement, étaient tout à fait décidés à renverser aussi le régime bourgeois. Mais, bien qu'ils fussent conscients de l'antagonisme inéluctable entre leur propre classe et la bourgeoisie, ni le progrès économique du pays, ni la formation intellectuelle de la masse des ouvriers français n'avaient encore atteint le niveau qui eût pu favoriser la transformation sociale. C'est bien pourquoi les fruits de la révolution devaient revenir en fin de compte à la classe capitaliste. Dans les autres pays -‹ Italie, Allemagne, Autriche -‹ les ouvriers, dès le début, ne firent qu'aider la bourgeoisie à accéder au pouvoir. Mais il n'est pas un seul pays où la domination de la bourgeoisie soit possible sans l'indépendance nationale. Aussi la révolution de 1848 devait-elle déboucher sur l'unité et l'autonomie des nations qui en étaient privées jusque-là : l'Italie, l'Allemagne, la Hongrie. Maintenant, c'est le tour de la Pologne.
Ainsi, si la révolution de 1848 n'était pas une révolution socialiste, elle a du moins déblayé la route, préparé le terrain pour cette dernière. Le régime bourgeois, qui a suscité dans tous les pays l'essor de la grande industrie, a du même coup créé partout, durant ces derniers quarante-cinq ans, un prolétariat nombreux, bien cimenté et fort ; il a engendré ainsi, comme le dit le Manifeste, ses propres fossoyeurs. Sans l'autonomie et l'unité rendues à chaque nation, il est impossible de réaliser ni l'union internationale du prolétariat ni une coopération tranquille et intelligente de ces nations en vue d'atteindre les buts communs. Essayez de vous représenter une action commune internationale des ouvriers italiens, hongrois, allemands, polonais et russes dans les conditions politiques d'avant 1848 !
Donc, les combats de 1848 n'ont pas été vains. De même les quarante-cinq années qui nous séparent de cette période révolutionnaire. Ses fruits commencent à mûrir, et je voudrais seulement que la parution de cette traduction italienne fût bon signe, signe avant-coureur de la victoire du prolétariat italien, de même que la parution de l'original a été le précurseur de la révolution internationale.
Le Manifeste rend pleine justice au rôle révolutionnaire que le capitalisme a joué dans le passé. L'Italie fut la première nation capitaliste. La fin du moyen âge féodal, le début de l'ère capitaliste moderne trouvent leur expression dans une figure colossale. C'est l'Italien Dante, le dernier poète du moyen âge et en même temps le premier poète des temps nouveaux. Maintenant, comme en 1300, s'ouvre une ère historique nouvelle. L'Italie nous donnera-t-elle un nouveau Dante qui perpétuera l'éclosion de cette ère nouvelle, prolétarienne ?
Friedrich Engels ; Londres, 1er février I893
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