brás da costa —une pluie si fine
une pluie si fine
in memorium de bruno sulak
J'ai longtemps fréquenté André Laude.
Je l'ai connu au Volcan de Sicile, un bistrot du Marais, où il avait une table attitrée.
Il avait une sacrée descente et il avait toujours soif, le bougre.
C'était un clochard renommé dans le quartier.
Plus tard, j'ai découvert aussi qu'il était un grand poète.
Il avait les poches de son vieux veston bourrées de papiers manuscrits. C'était sa bibliothèque.
Si on lui payait un coup, on avait droit à la lecture d'un quatrain; si on lui offrait une ou deux bouteilles, la lecture pouvait se prolonger tard dans la soirée.
Je me rappelle plus particulièrement d'un poème, un long poème immortalisant le jeu de jambes de Nicole... Dès qu'il commençait la lecture... là, d'un coup, le silence s'installait dans le bistrot... et tout le monde restait suspendu à ses lèvres.
Il prétendait être né d'un père catholique breton et d'une mère juive polonaise, «cendre et fumée / au-dessus d'Auschwitz». Mais il prétendait aussi, avoir un demi-frère palestinien... aux yeux bleus, né à Bethlehem... appelé Kefaya!
Au milieu des années 60, il se trouvait à Alger pour réaliser un reportage sur son ami Kateb Yacine pour France Culture. Ils partageaint la même passion dévorante pour Nedjma. Elle encarnait la soif inépuisable d'amour fou, indomptable.
Et il me disait avoir connu à cette occasion un autre grand voyageur de passage dans la ville blanche : Che Guevara lui-même. De cette rencontre, il lui restait un souvenir. Le Che lui aurait offert un cigare, un vrai...un havano puro! Il le gardait toujours, à moitié défait, dans la pochette gauche de son veston et il l'exhibait à tort et à travers avec fierté!
Chaque fois qu'il entamait le récit du Che, il finissait toujours avec le même conseil adressé à la jeunesse : "Faites comme el comandante, soyez réalistes, demandez l'impossible!"
Souvent, Laude disparaissait sans crier gare du quartier du Marais pour des longues, longues périodes d'hibernation. Il nous revenait encore plus amaigri, les yeux hagards, avec le récit fabuleux de ses aventures dans le Grand Nord, lieu qu'il affectionnait particulièrement, car, disait-il, le brouillard et le froid sur la banquise lui rappelaient les longues nuits d'hiver passées sous les ponts de la Seine...
Je pourrais continuer à raconter Laude pendant des heures et des heures...
La dernière fois que je l'ai vu, il avait les yeux fermés, il était froid, glacé même.
Pourtant c'était un jour de grande chaleur de l'été 1995 au Père Lachaise.
On est allé tous, je veux dire, tous ses proches compagnons de vadrouille, jeter ses cendres à la Seine du côté du Vert Galant ...
...quand soudain une petit pluie fine s'est mise à tomber d'un ciel bleu, si pur...
brás da costa
février 2010
André Laude
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